La propreté, concept géographies
Dans toutes les sociétés, il existe des règles de propreté et des préceptes d’hygiène corporelle, domestique, alimentaire, individuels et collectifs souvent formalisés, entre autres, par les cultures et les religions. De fait, les usages appartiennent à un fonds commun, à une mémoire commune à la société : ils sont souvent implicites et éminemment culturels. Ils sont en perpétuelle évolution Leurs règles ont été transposées au lieu de grande fréquentation et de fortes densités, lieux de promiscuité. Parmi ces lieux, la ville a une place de choix : elle crée des normes d’état et de maintien de propreté urbaine pour éviter les conséquences de la densité et de la promiscuité.
Cette multiplicité des approches dépendant des acteurs de la propreté ne nous mène pas vers l’empirie, l’accumulation de savoirs, mais, nous oriente vers une démarche systémique, gommant les approches partielles, parcellaires, unitaires et qui segmentent l’objet étudié. De plus, si ses effets sont spatialisables20 et, modélisables, l’approche de la propreté permet aussi de renouveler de manière inventive la relation à l’espace urbain contemporain et de créer de nouveaux liens sociaux sur le territoire. Il nous faut repérer les règles du jeu des correspondances entre territoire, acteurs, images et sens du lieu et des pratiques, afin d’enrichir la géographie des villes.
Degré de propreté perçu et choix de la localisation de la résidence
Dans un premier temps, pour illustrer cette relation entre propreté et ville, prenons l’exemple qui est la possible attribution d’une valeur à un espace selon son “degré de propreté” recherché, atteint ou perçu. Celle-ci évolue dans le temps et dans l’espace et est plus ou moins explicitée, plus ou moins consciente. Elle semble pouvoir apparaître comme un nouveau révélateur pertinent de la représentation de l’espace urbain. Ainsi, comme le montre la figure n°4, l’état de propreté perçu de la rue ou du quartier pourrait influer dans le choix de la localisation de la résidence.
La localisation de la résidence d’un habitant, résultante de l’attractivité d’un lieu, dépend d’un ensemble d’attributs difficiles à évaluer : la présence d’un tissu relationnel ou familial de proximité, la perception des autres espaces de la ville (standard de comparaison), des inter relations entre eux, mais aussi de l’âge, du sexe, de l’appartenance à un groupe social (expérience/éducation), qui oppose d’un côté la satisfaction et de l’autre la gène ou le mécontentement, et qui, au final influe sur la volonté de rester ou de déménager.
Ainsi, la satisfaction ou le mécontentement découlant du sentiment de propreté, sont les critères objectifs de l’attractivité ou de la répulsion d’un lieu. Tant que l’état de propreté n’est pas influent, car peu signifiant par rapport à d’autres attributs, il ne participe pas aux motivations. Dans le cas contraire, agrégé à d’autres nuisances, ou seul, il peut devenir déterminant. La recherche d’une nouvelle localisation (déménager) devient la cause de la recherche d’un nouveau lieu de résidence et le facteur d’une nouvelle d’attractivité. Chacun est à même de se faire sa propre opinion sur l’état de propreté et de le comparer avec d’autres lieux de la ville. Elle est potentiellement déterminante en l’absence d’autres critères avec des conséquences spatiales. Cet exemple démontre qu’il importe de faire émerger, grâce aux pratiques, à leurs fondements, la propreté urbaine comme élément de construction du système urbain. Autrement dit, la propreté est productrice d’espace.
Propreté et jeux d’échelle
Il est possible d’envisager l’étude de la propreté à différents niveaux d’échelle. Ainsi, à petite échelle, la Suisse se différencie. Ce petit pays d’Europe, au cœur des Alpes, La Suisse a compris l’intérêt d’accueillir des touristes pour diversifier l’activité économique du pays. Elle a opté aussi au développement des maisons de convalescence et sanatorium. L’application des nouvelles normes d’hygiène et de propreté est affectée aux villes, aux villages et aux résidences susceptibles d’héberger la clientèle. La schématisation a porté ses fruits, comme le prouvent les vignettes suivantes (figure 5) extraites d’Astérix chez les donner une véritable teneur stratégique des différents jeux d’acteurs.
C’est un échelon administratif pérenne dont le premier magistrat a de plus en plus de pouvoirs, mais les élus et les décideurs ne peuvent faire abstraction des facteurs institutionnels (décentralisation et Union Européenne) et structurels (mondialisation et métropolisation), ni des desiderata des « la nature [sur] les ordures, faire monter des odeurs de fleurs (…) débauche de couleurs, d’odeurs, profusion de légumes pour masquer la saleté, « les saloperies ». [Interrogeant un jardinier sur les raisons de faire un jardin, celui-ci répond ] « c’est la propreté. Parce que c’était sale, ils jetaient les balayures des fenêtres. [Depuis, répond une autre personne], ils font plus attention, parce qu’avant les poubelles passaient par la fenêtre. Mais, maintenant, ils ont peur ». groupes ethniques : gitans, maghrébins et français (rapatriés d’Algérie, Corses et Marseillais de souche). Il est à noter que les gitans n’ont jamais participé à cette opération de mise en culture de petits lopins de terre jardinés.
Ce sont eux dont il est question lorsque les interviewés disent « les autres » ou « ils ». Ils les désignent sales en se disant propres ; Le jardin fixe une forme de territorialité qui différencie les groupes sociaux et les opposent notamment en matière de propreté. Ce que Péraldi constate sur ces micro-espaces est sans doute transposable à l’échelle de la ville.