Ce document est une thèse de doctorat en science économique dont le sujet est « Régimes de Change et Performances Économiques en Afrique Sub-saharienne » (ASS). L’objectif de cette thèse consiste à mener une analyse sur les choix de régimes de change et les performances économiques en ASS. Il est à noter que les interrogations sur le choix d’un régime de change approprié sont d’une importance majeure dans le processus du développement économique ainsi que dans le cadre d’une gestion macroéconomique efficace. Cette question s’est posée avec beaucoup plus d’intensité suite aux travaux des économistes tels que Friedman ou encore Mundell, qui l’ont placée au cœur de la macroéconomie internationale. Nous tenons à préciser qu’il n’est nullement question ici de refaire le débat « traditionnel » sur le choix entre le régime de change fixe et le régime de change flexible. En effet, notre démarche consiste à faire un état des lieux à partir des base empiriques et d’en tirer des conclusions en ce qui concerne le choix de régime de change et les performances macro-économiques dans le cadre des pays d’ASS.
Ce thème représente un triple intérêt, qui sont, d’une part, la compréhension historique des politiques économiques menées en ASS, d’autre part, les facteurs et les conséquences de la gestion de la politique économique en ASS et, enfin, le cadrage de tous les éléments dans une analyse économique approfondie qui permette de mieux comprendre tous les éléments ensemble pour tirer des leçons et de faire des recommandations à cet égard. Les analyses théoriques et empiriques sont souvent centrées sur le régime de change car celui-ci permet de prendre en compte les effets de la politique budgétaire et ceux de la politique monétaire sur les performances économiques des États. L’articulation des analyses autour du choix du régime de change est assez bénéfique en ce sens que ce sujet est incontestablement l’un des sujets les plus importants en macroéconomie et en finance internationale. Aussi, ce sujet permet d’aborder tous les thèmes centraux de la macroéconomie et de la finance internationale avec une cohérence analytique.
Le choix de l’échantillon des pays d’Afrique Sub-saharienne (ASS) s’explique par les performances économiques médiocres qu’enregistrent ces pays : leurs difficultés économiques posent des questions qui retiennent l’attention des économistes du développement et des institutions dont l’objectif est de promouvoir le développement économique international. En effet, les institutions et les économistes du développement économique se questionnent sur les raisons de la faiblesse de la croissance en ASS depuis plus que les trois dernières décennies. Parmi toutes les régions en voie de développement dans le monde, l’ASS est la région où les performances économiques ont été les plus médiocres. Le taux de croissance du revenu par tête en moyenne y est passé de 2,4% à 0,8% entre 1960- 1970 et 1971 1980 (soit une baisse moyenne de 1,6 %); de 0,8% à -1,1% entre 1971/1980 et 1981/1990 (soit une baisse moyenne de 1,9%) et de 0,4% à 2,17% entre 1991/2000 et 2001/2006 (soit une hausse de 2,21% seulement).
Toutefois, il convient de remarquer que les résultats économiques des pays d’ASS sont contrastés, car certains ont connu une croissance plus faible mais soutenue, alors que d’autres ont connu des périodes de « décollage » suivies de stagnation économique. Ainsi, par exemple, les pays de la zone CFA (ZCFA) ont réalisé des gains de revenu par tête de 1,8% sur la période 1980/1990 – 1991/2000, et de 1,38% sur la période 1991/2000 – 2001/2006, tandis que les pays hors zone CFA (HZCFA) ont réalisé des gains de 0,51% et de 1,76% pour les mêmes périodes, respectivement. Par conséquent, l’amélioration des performances économiques en ASS constitue un défi majeur dû à de multiples facteurs, dont principaux sont les instabilités politiques et les gestions économiques inefficaces. Pourtant, l’ASS devrait réaliser des taux de croissance synonyme de taux de « rattrapage économique » compte tenu de ses potentialités tant sur le plan démographique que sur le plan des ressources disponibles. Les résultats économiques médiocres de l’ASS seraient essentiellement dus à un problème de gestion économique efficace. Il convient de souligner que la plupart des pays d’Asie et d’Amérique Latine réalisant des taux de croissance exceptionnels et que l’on appelle aujourd’hui pays émergents, étaient moins performants et moins riches que de nombreux pays d’ASS dans le passé. Ces bonnes politiques économiques ont permis à ces pays la réalisation de taux croissance forts et soutenus à la fois, contrairement aux pays d’ASS.
Rappelons que les modèles théoriques néoclassiques de croissance, dont Solow (1956), Koopmans (1965) et Cass (1965), affirmaient que le taux de croissance du revenu par tête d’un pays est d’autant plus fort que son niveau initial est faible. Les implications de ces théories consistaient à prédire que les pays dont le niveau de revenu était initialement faible, devraient croître plus vite que les pays riches, et pourraient ainsi rattraper leur retard de développement. Ceci étant, il existerait alors un processus de convergence absolue des revenus par tête des pays. Mais, la persistance des écarts de revenu entre les pays riches et les pays en voie de développement ou encore la stagnation économique de certains pays en voie de développement ont permis de remettre en cause la capacité de ces théories d’apporter les réponses claires à ces constats. C’est ainsi que la théorie de la croissance endogène fut introduite par Romer (1986) et Lucas (1988). Entre autres, la théorie de la croissance endogène a cherché à expliquer pourquoi les écarts de revenus entre les pays peuvent persister malgré des conditions initiales différentes. Sur le plan empirique, de nombreuses d’études ont été menées pour analyser le rythme de la croissance et la convergence des revenus entre les pays.
Le travail pionnier de Barro (1991) a montré que le taux de croissance du revenu par tête est positivement corrélé avec le niveau initial du capital humain, et il est négativement corrélé avec le niveau initial du revenu par tête. Si ce résultat empirique confirme les principaux enseignements des modèles théoriques néoclassiques de croissance, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas « optimiste » pour tous les pays, puisque, dans la même étude, l’auteur montre que le fait d’appartenir à l’ASS a un impact négatif sur le taux de croissance du revenu par tête. Malheureusement, cette étude ne donne aucune explication sur ce dernier résultat. Evidemment, d’autres études comme celles de Barro & Lee (1994), Esterly & Levine (1997) et Collier & Gunning (1999) montrent également qu’il existe une corrélation négative entre la variable indicatrice ASS et le taux de croissance du revenu par tête. En conséquence, les auteurs concluent que les économies d’ASS ne sont pas sur leurs sentiers de croissance optimale, contrairement aux prédictions des modèles théoriques néoclassiques de croissance.
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