Refus de l’impôt, incivisme fiscal
A Porto-Novo, la faiblesse des taux de recouvrement est partiellement imputable à un incivisme fiscal réputé de cette ville souvent qualifiée de frondeuse [DORIER-APPRILL E., AGOSSOU N. et TAFURI C. 2011 a – Chapitre 1]. L’étude menée sous la direction de M. Olive-Leclerc et A. Keita dans le quartier ancien de Zébou a relaté ces comportements contestataires locaux vis-à-vis de la fiscalité locale [LECLERC-OLIVE M. et KEITA A. 2004]. Ce travail a révélé, en 2003, une forte réticence des membres des collectivités familiales anciennes à se soumettre à l’impôt sous le prétexte que leur lignée royale les dispense de toute contribution puisque selon le droit coutumier le prélèvement de l’impôt est un privilège unique du Roi. En tant que descendants du Roi et incarnant donc le pouvoir traditionnel, ces habitants estimaient qu’on ne pouvait pas les considérer comme de simples contribuables (Chapitre 5.2.2.b). Cette question générale de perception et attitudes des populations béninoises face à l’impôt avait été abordée dans les premiers travaux prospectifs des années 1990 sur l’efficacité réelle du montage du dispositif RFU au Bénin [PDM 1994 page 201 à 206]. Plus largement, la problématique d’ « incivisme fiscal » a donné lieu depuis quelques années à de nombreuses campagnes de communication, notamment à Porto-Novo, par le placement régulière de banderoles au niveau des principaux axes de circulation routière et par le collage d’affiches dans les administrations publiques (Extrait ci-dessous) sollicitant les habitants à se soumettre à leur devoir fiscal.Des opérations particulièrement médiatiques ont été montées : une habitation ou un établissement commercial sont enguirlandés de banderoles avec la mention « saisi pour non paiement d’impôt ». Ces opérations sont censées couvrir de honte les réfractaires à l’impôt. D’après plusieurs agents des services des Impôts interrogés, les effets réels de ces opérations sont plus ou moins contestables dans l’amélioration générale du civisme fiscal.
Méthode de calcul des impôts
Le calcul automatique des impôts est aussi une cause expliquant les assez faibles taux de recouvrement, en particulier durant ces dernières années, du fait de nombreuses contestations. Il s’agit notamment pour Cotonou d’une justification récurrente, entre 2007 et 2010, soulevée lors des Bilans des protocoles d’accord entre les Impôts et la mairie (bilans annuels qui visent à faire un point critique des résultats au niveau de l’assiette et du recouvrement de la fiscalité locale – Chapitre 4.2.2.b). Nous retrouvons dans ces bilans la mention « non fiabilité du logiciel qui induit de nombreuses contestations et réclamations ». Les principales raisons portent sur le fait que les calculs des montants des impôts s’appuient sur une expertise foncière et immobilière qui date du montage des outils dans les années 1990, et se trouve donc à plusieurs aspects obsolètes (Chapitre 4.1.2.b). Ce décalage entre la méthodologie de détermination des impôts et les évolutions foncières et urbaines a été à l’origine durant plusieurs années, tant à Cotonou qu’à Porto-Novo, de manipulations à l’intérieur des bases de données de l’outil RFU de la part des services déconcentrés en charge de la gestion de la fiscalité locale pour effectuer des écrêtements. Ces manipulations des bases de données du RFU de façon unilatérale par les Impôts ainsi que l’absence d’un réseau informatique fiable entre les Impôts et les mairies ont généré l’usage, au sein des communes, de deux bases de données : une au niveau des Impôts et une au niveau des mairies. Ces pratiques qui ont duré plusieurs années sont allées à l’encontre des logiques d’organisation de l’outil RFU qui est censé être piloté par les mairies.
Difficultés dans l’exercice de poursuites
D’après la documentation consultée à Cotonou, à côté de l’aspect technique mentionné audessus, les services des Impôts justifiaient également les résultats moyens atteints au niveau du recouvrement par des difficultés d’ordre humain : « insuffisance d’agents de poursuite et d’agents d’appui qui nécessite le recours au personnel occasionnel qui manque souvent de professionnalisme et dont les prestations ne comblent pas toujours les attentes, à titre d’exemple, les trois CIPE de Cotonou qui sont appelés à gérer environ 120 000 contribuables, opèrent seulement avec cinq agents de poursuite » (I. FATOUMBI Receveur CIPE 3 in Bilan d’exécution des services de recouvrement de 2007) et d’ordre matériel : « l’obsolescence et l’insuffisance du matériel informatique, le manque de photocopieuses, la vétusté des engins à deux roues, l’insuffisance de la dotation en carburant » (I. FATOUMBI Receveur CIPE 3 in Bilan d’exécution des services de recouvrement de 2007). Les Bilans des protocoles consultés soulignent également tous la complexité de l’exercice des poursuites à cause de la non-apposition des plaques d’identification sur les immeubles (Chapitre 6.1.3). Cette difficulté dans l’exercice de poursuite est directement liée à l’insuffisance des opérations de panneautage sur le terrain et tend, ainsi, à mettre en évidence Chapitre 6 : Promouvoir de nouveaux moyens et échelles de la gouvernance territoriale ? 274 les caractères inachevées des projets RFU qui dévirant être à l’initiative de ce genre d’opération.