Refus de l’assimilation structurelle à la pensée de l’entre-deux

Refus de l’assimilation structurelle à la pensée de l’entre-deux

Notre réflexion sur l’exil et son achèvement une fois parvenu dans une nouvelle communauté et intégré à celle-ci doit se nourrir d’un des ouvrages fondateurs des études de communication quant au lien entre identité et communication. Dans son essai sur la communication groupale, Lipiansky1278 réfléchit à la façon dont l’identité de l’individu se constitue dans un rapport permanent avec le groupe.

L’identité de l’individu se constitue au travers des projections que le sujet se fait de la communauté à laquelle il s’intègre, ces projections génèrent un sentiment de proximité et de solidarité1279. L’importance de l’imaginaire projectif est à prendre en compte puisqu’il est au cœur du processus d’auto-positionnement du sujet énonciatif.

En effet, c’est en fonction de ce premier imaginaire qu’il s’attribue une position dans la nouvelle communauté. Dans le cas de la francophonie choisie d’Europe médiane, nous avons remarqué l’importance de la considération de l’imaginaire projectif1280 : entre un récepteur des récits qui caractérise de manière pré discursive ces auteurs comme des témoins, et les auteurs qui, eux, projettent un imaginaire esthétique et libertaire de la France.

Ce second imaginaire est communiqué par cette inscription culturelle singulière qui permet de caractériser ces auteurs comme des assimilés. Nous proposons alors, dans un premier temps, de définir cette assimilation culturelle dans un ancrage communicationnel : est assimilée une personne parvenant à interpréter1281, dans le double sens du vocable, la partition culturelle1282 d’une société et étant reconnue comme telle.

Cette assimilation n’est alors pas passive, mais active et repose sur la revendication d’une place au sein de la communauté de culture française suscitée par la reconnaissance de leur mouvement de ralliement à l’espace français constitué discursivement comme un choix affirmateur et l’abandon d’une facilité de maintien dans le territoire exilique1283. Eva Almassy revient sur la place que doit lui attribuer ce choix de la communauté de culture française.

La France, moi, je l’ai choisie, ce n’est tout de même pas pareil que d’y être simplement né, elle ne doit pas me décevoir, j’ai soif et faim de sa lumière, de sa beauté, de son intelligence, sinon, je meurs d’inanition.1284 Le choix de la France, comme le montre l’apposition, est un choix engageant pour l’identité individuelle du sujet. Ce choix est fait jalon et c’est en fonction de la reconnaissance de celui-ci que l’identité discursive peut s’inscrire dans la nouvelle communauté.

En outre, celle-ci est également engagée dans un processus de reconnaissance, en effet, « elle ne doit pas décevoir » au risque d’entrainer un désaveu identitaire est de reproduire une nouvelle interrogation de l’inscription communautaire. La logique de reconnaissance, jalon de l’assimilation structurelle, repose sur un double mouvement :

d’un côté, elle dépend de l’individu exilique qui doit reconnaître le territoire qu’il a imaginé de façon pré-exilique ; de l’autre, elle repose sur le récepteur indigène qui doit reconnaître l’impétrant comme membre de plein droit de la communauté culturelle. Comme nous le rappelons depuis le début de notre travail de recherche, l’identité d’un individu n’est jamais figée, mais toujours en processus.

Aussi, l’arrivée en territoire exilique marquant l’ouverture du processus post-exilique n’entraîne pas une fixation dans une stabilité identitaire, dans une essence de l’identité française, mais poursuit le processus d’auto-positionnement du soi. Comme le remarque Lipiansky : Si l’on veut donc éviter de conférer à la notion d’identité une valeur idéologique, il faut tout de suite indiquer qu’elle ne désigne pas une réalité substantielle (une sorte d’équivalent psychologique de l’âme),

mais un processus cognitif (le terme étant pris dans un sens large qui inclut les éléments affectifs) par lequel le sujet s’appréhende lui-même dans son individualité et la structure psychique qui résulte de ce processus.

Ainsi, il nous faut quitter toute volonté de figer l’identité, si nous avons évité cette menace par le dépassement de la considération de l’identité comme mêmeté, il faut prendre garde à ne pas figer l’identité narrative des auteurs exiliques comme étant simplement celle de sujets migrants, elle est également influencée par leur vécu post-exilique.

Toutefois, nous nous démarquons des réflexions de Lipiansky, par le fait que nous ne considérons pas les réflexions du sujet lorsqu’elles portent sur l’identité comme des actes cognitifs, mais comme des actes d’engagements pratiques1286. Comme nous l’avons montré, par le recours à la philosophie du sujet de Larmore, cette redéfinition du lien identitaire permet de dépasser l’aporie d’une réflexion égologique et de considérer la constitution narrative de l’identité comme une promesse dirigée vers le futur de l’énonciation.

De plus, cette considération de l’identité comme pratique permet de s’intéresser aux engagements discursifs comme des nœuds identitaires visant à la relation et non uniquement comme des présentations stratégiques de soi. 

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