Réformes nationales et municipales dans le secteur de l’eau

Réformes nationales et municipales dans le secteur de l’eau

Un secteur de l’eau prioritaire sur l’agenda politique national depuis l’avènement démocratique 

Une Constitution progressiste qui reconnaît le droit à l’eau

L’année 1994 met fin au régime de l’apartheid et fait émerger un espoir de renouveau politique, économique et social en Afrique du Sud et plus largement un nouveau projet de société en rupture avec les valeurs passées. Dès lors, une des priorités du nouveau gouvernement Sud-africain (ANC) est de gommer les inégalités issues de l’apartheid et de généraliser l’accès aux services de base. Cette volonté gouvernementale se traduit notamment par l’adoption en 1996 d’une nouvelle Constitution considérée comme une des plus progressistes du monde sur l’affirmation des droits sociaux. En effet, le droit au logement, le droit à la nourriture, le droit à la santé, le droit à la sécurité sociale, le droit à l’éducation et enfin le droit à l’eau sont protégés par la Déclaration des droits (Bill of Rights). Les idées de justice sociale, d’égalité et de respect des droits fondamentaux sont omniprésentes dans la Constitution qui est devenue le symbole d’un tournant important de la nation. L’article 1 des « foundings provisions » exprime cette ambition nouvelle: « The Republic of South Africa is one sovereign, democratic state, founded on the following values: human dignity, the achievement of equality and the advancement of human rights and freedoms. » En effet, la Constitution a joué et continue à jouer un rôle particulier en Afrique du Sud : elle fut la pierre angulaire de la transition démocratique et la manière d’éviter l’affrontement entre les différentes parties prenantes et l’éclatement politique (Phillipe, 2005 ; Vircoulon, 2004). Ainsi, le « miracle sud-africain » s’est largement appuyé sur la Constitution comme outil réformateur et les droits sociaux, symbole de la volonté de transformation de la société, y jouent un rôle particulier. La Constitution Sud-africaine (1996) inclut la question de l’accès à l’eau en mentionnant dans son article 27 que : « 1.b. Everyone has the right to have access to sufficient water29 », et que : « 2. The state must take reasonable legislative and other measures, within its available resources, to achieve the progressive realisation of each of these rights ». Le secteur de l’eau est donc conçu sur la base de cette référence aux droits de l’homme.

Réformes du secteur de l’eau à l’échelle nationale

En amont et en parallèle de cette évolution constitutionnelle majeure, un certain nombre de politiques publiques et d’outils ont été mis en place pour assurer la réalisation de ce nouveau droit social, notamment pour les citoyens pauvres. Dès 1994, l’accent est mis sur les services de base et sur l’eau et l’assainissement. En termes d’extension de la couverture des services, le défi est d’ampleur: en 1994, le nombre de personnes privées d’eau potable était évalué à 13 millions (DWAF). Ainsi, est engagée une profonde réforme du secteur qui se traduit entre autre par des investissements massifs durant la décennie 1994/2004 : le DWAF estime que 13.6 millions de personnes supplémentaires ont eu accès à l’eau et 6.9 millions à l’assainissement pour un montant total de 14.8 milliards de rands. Un certain nombre de réformes ayant pour objectif de mettre en place un cadre propice à la réalisation du droit à l’eau pour tous sont donc entreprises(Muller, 2008) (voir encadré 3).

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Mise en place de la politique de l’eau gratuite ou comment tenter de réaliser le droit à l’eau pour tous

Le gouvernement sud-africain ne se cantonne pas à une réforme massive du secteur de l’eau, au contraire, il annonce en 2000 la mise en place d’une politique de l’eau gratuite visant à l’universalisation de l’accès à l’eau et consistant en la fourniture d’un volume minimum pour l’ensemble des ménages. En d’autres termes, cette politique ambitieuse, et félicitée par bon nombre d’observateurs internationaux, constitue la réponse du gouvernement sud-africain à l’impératif de réalisation du droit à l’eau constitutionnel. PARTIE 1 – Chapitre 1 79 Au-delà des intentions sociales, la gratuité des services a été un élément de campagne majeur des élections municipales de décembre 2000, l’ANC promettant 6 mètres cube d’eau gratuite et 50kWh d’électricité gratuite par mois pour chaque foyer, suscitant un espoir énorme de la part de la population. Ainsi, à l’occasion de la campagne, l’ANC déclare: « ANC-led local government will provide all residents with a free basic amount of water, electricity and other municipal services, so as to help the poor. Those who use more than the basic amounts will pay for the extra they use ». Cette annonce politique avait deux objectifs: faire taire les critiques envers le virage dit « libéral » pris par l’ANC à la veille d’élections locales importantes sur l’agenda politique et apporter une réponse sociale à la forte augmentation des tarifs et à la déconnexion de nombreux ménages pauvres (Blanchon, 2005). Cette annonce correspond également au déclenchement d’une grave crise de choléra dans la province du Kwazulu Natal. Cette déclaration politique s’est donc très rapidement traduite par l’adoption par le Gouvernement de la Free Basic Water Policy (FBW) qui consiste à fournir à l’ensemble des ménages 6m3 d’eau gratuite par mois (la norme adoptée dans le cadre de cette réforme est calculée sur la base de 25 litres par personne et par jour, pour des ménages de 8 personnes en moyenne). La FBW apparaît comme une mise en conformité et une traduction concrète du droit social contenu dans la Constitution même si sa mise en œuvre n’est pas sans poser problème. La FBW sera finalement adoptée en 200130 et sa mise en œuvre déléguée aux autorités locales. En effet, les élections locales de 2000 débouchent sur la délégation des services de base (eau, assainissement et électricité) aux gouvernements locaux nouvellement créés et dotés de nouvelles autorités élues. Le financement de la réforme doit se faire grâce aux subventions nationales, au paiement du service par les usagers et au système de subventions croisées. 

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