Réforme de l’éducation : professionnalisation et universitarisation

Réforme de l’éducation : professionnalisation et universitarisation

« Certains changements se font sans réforme. Une réforme est un changement volontaire. Et puis, il ne suffit pas de prendre une décision. Il faut qu’elle s’applique, et tenir la main à son application15. » Au nom du processus dit de Bologne, la France, comme d’autres états européens, a entrepris une restructuration de l’enseignement supérieur.

Souvent présenté comme imposé par les instances supra nationales [MULLER, RAVINET-2008, RAVINET-2007+, ce processus n’est en fait qu’une coordination européenne des politiques d’enseignement supérieur, développée hors du cadre institutionnel de l’Union Européenne (UE), fondé sur des déclarations d’intentions par les pays signataires sans risque de sanction en cas de non atteinte des objectifs.

En effet, alors que la compétence en matière de recherche est reconnue à la Commission Européenne, son pouvoir décisionnel sur l’enseignement supérieur est restreint [RAVINET-2007] se limitant à encourager la mobilité des étudiants et l’enseignement tout au long de la vie. Le processus de Bologne repose sur une économie de l’innovation « où la connaissance est centrale dans le processus de production de biens et de services, et déterminante pour la compétitivité dans un contexte de mondialisation croissante des échanges économiques et sociaux »,

s’appuyant en particulier sur la théorie du capital humain et la théorie de la croissance endogène [MULLER, RAVINET-2008]. Ce système vise à améliorer la lisibilité des politiques de formation et de recherche c’est-à-dire rendant compréhensible les organisations universitaires au niveau international. Même si les arguments de cohérence des diplômes et de mobilité des étudiants et travailleurs sont louables, notamment dans un contexte économique difficile,

ils servent essentiellement une volonté de réforme nationale [CYTERMANN-2010+. C’est ainsi que l’on perçoit l’influence d’un climat idéologique (international ou national) sur les critères des décideurs permettant de légitimer des changements nécessaires mais difficilement acceptés.

Différentes études montrent bien que l’application de ce projet inter européen est variable d’un pays à un autre, tant dans l’agenda que dans le degré des mutations, reflet d’une pluralité de sens donnée à cette évolution, du poids de l’environnement national, des typologies institutionnelles différentes. Il s’agit bien d’une volonté d’harmonisation et non d’uniformisation.

Des travaux comparatifs, au niveau de l’organisation et la régulation interne des systèmes d’enseignement, montrent que des changements sont constamment initialisés dans des systèmes décentralisés, comme le système anglais, alors que les systèmes centralisés comme le système français, induisent de longues tractations, compromis, concessions au sommet retardant inévitablement les mises en œuvres concrètes ;

il s’instaure alors une dilution des objectifs princeps établis par les promoteurs. Cependant l’ensemble des réformes mises en place dans les différents pays européens renforcent le rôle des universités dans les sociétés et l’économie contemporaine, « pièces maîtresses des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche » [MUSSELIN-2009]. Aujourd’hui quarante-sept pays européens (y compris la Russie et la Turquie) sont engagés dans ce processus.

Les changements initiés depuis 1999 dans l’enseignement supérieur, avec un réagencement en deux cycles, pré et post licence, mettent en exergue, les notions de professionnalisation et d’universitarisation, de plus en plus évoquées [MAILLARD-2012, BRUNO-2010, DUBAR, TRIPIER 1998]. Cependant, bien que ces deux paradigmes émanent de volontés conjointes (pouvoirs publics, milieux professionnels et de formation), on peut observer, en France, une polysémie des concepts et des divergences dans la mise en œuvre [AGULHON, CONVERT-2011].

Il subsiste encore de 16 nombreuses ambigüités, contradictions à mettre en liens avec, d’une part la variabilité des acteurs (état, organisations professionnelles, structures de formations, étudiants…) et d’autre part le fait même que « les principes sur lesquels ils reposent sont non définis pas plus que les termes qui les mobilisent » [MAILLARD, 2012]. Néologisme [BOURDONCLE-2007], de plus en plus employé, le terme universitarisation « évoque une dimension institutionnelle, une dimension pédagogique,

une dimension professionnelle aussi et sans doute une perspective internationale, qui ne serait pas la moins féconde. Le flou de la notion est peut-être fonctionnel en ce qu’il permet de fédérer les espoirs» [SCHWEYER-2008]. Mais, ce même flou sémantique contribue aussi à alimenter le malaise, amplifié par un contexte universitaire incertain, bousculé par des incitations fortes au changement et des réformes successives.

Ces restructurations libérales remettent en cause pour certains [NEYRAT 2010], les fondements universitaires, passant de l’élaboration et de la diffusion des savoirs fondamentaux (rôle traditionnel des universités) au formatage libéral d’un enseignement toujours plus spécialisé. 

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