Le multi-trajet
Introduction
Le phénomène de multi-trajet se produit lorsque le signal issu du satellite GNSS arrive au récepteur après avoir suivi un autre chemin que le trajet direct. C’est le cas d’au moins une réflexion sur une surface proche (figure 2.1). Ce phénomène est particulièrement présent en milieu urbain, en raison de la présence de bâtiments. Les signaux réfléchis vont alors perturber le signal total reçu par l’antenne et notamment modifier les mesures de pseudo-distance et de phase réalisées par le récepteur. La perturbation liée aux multi-trajets est à la fois corrélée dans le temps et vis-à-vis des différents signaux satellites. Pour cette raison, on ne peut pas associer cette contribution à un simple bruit blanc (aléatoire), ce qui fausse les algorithmes couramment utilisés en positionnement classique (Sutour et Darrin, 2012).
Perturbation de la mesure de code
En ce qui concerne la mesure de pseudo-distance basée sur le code, l’allongement du trajet peut provoquer une erreur qui peut atteindre 10 ou 20 m (dépend de la distance entre l’antenne et le point de réflexion).
Comment minimiser l’impact du multi-trajet ?
On comprend qu’en positionnement géodésique où la précision est de rigueur, il est indispensable de réduire au maximum l’influence du multi-trajet. Cette réduction peut se faire de plusieurs manières.
Le site de mesure
Premièrement, on veillera à choisir un site de mesure le plus isolé possible, en évitant les surfaces réfléchissantes trop proches.
Des solutions matérielles
Il est possible de s’équiper d’antennes munies d’un plan absorbant sur l’hémisphère inférieur de l’antenne (figure 2.2) pour filtrer les signaux captés. Ce dispositif équipe la majorité des antennes géodésiques.
Des solutions lors du traitement des observations
On notera également la possibilité de filtrer les ondes reçues au niveau du récepteur pour éliminer les ondes de faibles incidence au moment du traitement (Andréani, 2001).
RÉFLEXION SPÉCULAIRE ET DIFFUSE
Enfin, en temps différé, il est possible d’identifier les multi-trajets en examinant les résidus de chaque satellite sur le positionnement (Duquenne et al., 2005). En effet, la signature du multi-trajet est caractéristique : il y a quelques résidus beaucoup plus forts en un temps restreint, et des observations sur plusieurs jours révèlent que le phénomène se reproduit périodiquement. On peut très bien éliminer ces époques correspondantes du satellite en question et ré-estimer la position du récepteur.
Le multi-trajet a d’autant moins d’effets que le temps d’acquisition est long, car l’écart de quelques centimètres d’époques courtes se trouve moyenné avec un grand nombre d’époques.
En d’autres termes, les techniques les plus sensibles au multi-trajet sont celles basées sur les observations rapides ; le cas extrême étant celui où on détermine une position par époque (mode cinématique) (Duquenne et al., 2005).
Réflexion spéculaire et diffuse
Introduction
Les multi-trajets sont donc les signaux GNSS arrivant à l’antenne après réflexion sur les surfaces avoisinantes. Conceptuellement, il est possible distinguer deux contributions : le terme spéculaire ou cohérent et la composante diffuse ou non-cohérente (Cardellach, 2001), comme l’illustre la figure 2.4. La composante spéculaire est issue d’une réflexion en un point unique particulier (appelé le point spéculaire dans la suite de ce manuscrit). Il s’agit du point de la surface réfléchissante pour lequel l’onde réfléchie parcourt la plus courte distance. Ce point obéit à la loi de réflexion de Snell-Descartes qui stipule que l’angle de réflexion et l’angle d’incidence sont égaux en valeur absolue. En d’autres termes (cf. 2.4) : θ¯ i = θ¯ r.
Réflexion spéculaire : première surface de Fresnel
Une réflexion spéculaire est généralement décrite en optique géométrique, la propagation électromagnétique étant modélisée comme un simple rayon. Un rayon arrivant sur une surface parfaitement plane avec un certain angle d’incidence, engendre un autre rayon avec un azimuth opposé et un même angle d’incidence dans le plan défini par le rayon incident et la normale à la surface au point d’incidence. En utilisant ce modèle simple, le point spéculaire est l’intersection des deux rayons (incident et réfléchi) sur la surface.
Il est également possible de modéliser la réflexion spéculaire avec un modèle plus réaliste en utilisant une optique ondulatoire. En suivant les principes de Huygens-Fresnel, chaque point du front d’onde incident agit comme une source potentielle d’une onde sphérique secondaire. Le signal réfléchi sera alors la somme de toutes ces ondes sphériques secondaires et la majeure partie de l’énergie proviendra de points sources localisés sur une surface entourant le point spéculaire : l’ensemble de ces sources définissent la zone spéculaire 2-D ou surface de Fresnel.
Chaque point à l’intérieur de la surface de Fresnel est à l’origine d’un signal dont le déphasage est inférieur à une certaine proportion de la longueur d’onde du signal incident. On définit ainsi la première zone de Fresnel comme étant la zone sur la surface de réflexion dont le déphasage du signal est inférieur à la moitié de la longueur d’onde du signal incident.
La première surface de Fresnel peut alors être décrite comme une ellipse centrée sur le point spéculaire et dont le demi-petit axe rb et demi-grand axe ra sont égaux à (Larson et Nievinski, 2013) :
Rugosité de la surface réfléchissante : le critère de Rayleigh
Comme on a vu, si la surface de réflexion était parfaitement plane, il n’y aurait qu’une réflexion spéculaire : la réflexion diffuse est en effet due à la rugosité de la surface (Beckmannet Spizzichino, 1987). La composante spéculaire domine le signal lorsque la surface réfléchissante est suffisamment lisse. Dans ce cas, le processus de réflexion peut être modélisé en multipliant l’onde incidente par les coefficient de réflexion de Fresnel (voir sous-section 2.4.3) et par un facteur d’atténuation qui dépend de la rugosité de la surface (Alonso-Arroyo et al., 2015). A l’inverse, la composante diffuse (ou incohérente) domine le signal lorsque la surface réfléchissante est suffisamment rugueuse. Lorsque la composante diffuse domine, le coefficient de diffusion et la phase sont différents pour chaque facette. La puissance réfléchie totale est la puissance de la somme des champs électriques venant de chaque facette (Alonso-Arroyo et al., 2015). Cette puissance totale est inférieure à celle obtenue lorsque la composante cohérente domine.
Le critère de Rayleigh est généralement utilisé pour distinguer une surface lisse d’une surface rugueuse (Beckmann et Spizzichino, 1987). Une surface est considérée lisse si :
Caractéristiques du signal GNSS après réflexion
Polarisation d’une onde électromagnétique
Une onde électromagnétique est composée de deux grandeurs vectorielles : son champ électrique E! et son champ magnétique B!. Considérons une propagation linéaire d’une onde plane progressive monochromatique de pulsation ω selon un axe !z dans un repère cartésien Ox y z . Les évolutions de E! et de B! étant liées au cours du temps d’après les équations de Maxwell, il suffit de décrire le comportement du champ électrique E! pour en déduire celui de B!. C’est pourquoi, par la suite, seul l’évolution du champ électrique E! sera décrite. L’étude de la polarisation d’une onde électromagnétique consiste à suivre l’évolution du champ électrique dans un plan normal à sa direction de propagation (c’est à dire parallèle à 0x y dans notre exemple). L’observation se fait selon le sens opposé à celui de la propagation, de sorte que l’observateur voit l’onde arriver vers lui. La polarisation est alors définie comme le lieu géométrique qu’occupe l’extrémité du vecteur champ électrique au cours du temps.
Les composantes complexes du champ électrique d’une onde électromagnétique dans levide sont :
Coefficients de réflexion de Fresnel pour une polarisation linéaire
Une onde polarisée circulairement pouvant être décomposée comme la somme de deux ondes polarisées linéairement (voir section 2.4.2 page 31), les coefficients de réflexion sont considérés pour un cas linéaire dans un premier temps. Les coefficients de Fresnel ΓH et ΓV pour les composantes horizontale et verticale d’un champ polarisé linéairement s’écrivent :