Réduction du motif vinyl-CF3

Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives d’esters α,β-insaturés

En 1999, Buchwald développe la première réduction-1,4 catalytique énantiosélective d’esters α,β insaturés en formant in-situ un hydrure de cuivre chiral stabilisé avec un ligand bis-phosphine. Il utilise pour cela du CuCl comme source de cuivre, un ligand chiral de la famille BINAP, du tBuONa en tant que base et la source d’hydrure utilisée est le PMHS. Les produits désirés sont obtenus avec d’excellents rendements et excès énantiomériques. Dans ce travail, Buchwald montre qu’en utilisant l’ester de configuration (Z) au lieu de l’ester de configuration (E) les produits obtenus sont les énantiomères opposés avec des excès énantiomériques similaires. Il montre de plus la tolérance fonctionnelle de ses conditions avec la présence de doubles liaisons non-réduites. Ensuite, d’autres conditions de réductions-1,4 ont été mises au point sur des substrats semblables. Lipshutz réduit des esters α,β-insaturés en présence cette fois-ci du réactif de Stryker [(Ph3P)CuH]6 et d’un ligand chiral des familles SEGPHOS ou JOSIPHOS.48 Contrairement à Buchwald, il utilise du tBuOH et effectue ses réactions à 0 °C. Il étudie lui aussi l’influence de la géométrie du substrat de départ sur l’excès énantiomérique et il observe qu’avec le ligand (R)-DTBM-SEGPHOS l’excès énantiomérique est fortement altéré (90% contre 65%) ce qui n’est pas le cas avec le ligand JOSIPHOS SL-J002-1. Lipshutz montre également que l’énantiomère du ligand chiral utilisé forme le produit de configuration opposée, sans perte d’excès énantiomérique. Enfin, il montre qu’il peut augmenter l’échelle de la réaction, en diminuant la quantité de ligand (0,02 mol%) et en remplaçant le réactif de Stryker par 1 mol% de CuCl et 1 mol% de tBuONa, tout en conservant d’excellents résultats.
L’année suivante, Lipshutz reprend ces mêmes travaux en utilisant cette fois-ci des conditions microondes, dans le but de diminuer significativement les temps de réaction. Il soumet le milieu réactionnel à des radiations microondes pendant 30 minutes à 60 °C et compare les nouveaux résultats à ceux obtenus de manière classique (0 °C, 1-22 heures) : les rendements sont globalement identiques, les excès énantiomériques sont excellents, bien que parfois légèrement inférieurs, mais la diminution n’excède pas 8%.

Réductions-1,4 tandems

Une réaction tandem est un processus qui implique plusieurs réactions consécutives, dans lesquelles l’étape suivante est la conséquence de l’intermédiaire formé par l’étape précédente.67 Cette séquence s’effectue sans isoler d’intermédiaire, sans changer les conditions de réactions ni ajouter de réactif dans le milieu. Des méthodologies dites de réductions-1,4 tandems catalytiques asymétriques ont été développées. En effet, l‘énolate de cuivre qui résulte de l’addition-1,4 est un bon intermédiaire réactionnel pour effectuer des réactions d’aldolisation, de type Mannich ou encore un piégeage avec un électrophile. Tout d’abord, des réductions-1,4 suivies d’une aldolisation ont été développées. En version intermoléculaire, Shibasaki montre en 2006 qu’il est possible d’effectuer ce type de réaction tandem en utilisant une cétone symétrique et un ester α,β-insaturé en présence d’un hydrure de cuivre chiral. La cétone étant symétrique un seul centre stéréogène est formé, en position α de l’ester. La même année, Riant effectue une réaction tandem en utilisant l’acrylate de méthyle et des cétones asymétriques, permettant ainsi la formation de deux centres stéréogènes adjacents, dont l’un est un alcool tertiaire. Il utilise un ligand de la famille TANIAPHOS et obtient de meilleurs excès énantiomériques que Shibasaki, tout en diminuant la quantité d’acrylate utilisé. Par la suite, Riant utilise les mêmes conditions (à l’exception du ligand : TANIAPHOS SL-T001-1 au lieu du TANIAPHOS SL-T002-1) en présence cette fois-ci d’aldéhydes. Il présente 10 exemples de réductions 1,4 en tandem avec des aldolisations et obtient les produits souhaités avec de bons résultats (η = 74-99% et ee = 73-96%) mais une diastéréosélectivité moyenne (18-54%).

Mise au point de la méthode de purification

En dernier lieu, il nous a fallu optimiser la méthode de purification du produit 2a obtenu. En effet, par colonne chromatographique sur gel de silice, nous n’avons pas pu séparer le produit 2a du PMHS résiduel de la réaction, tous deux ayant la même polarité. Nous avons alors tenté de purifier le brut de la réaction par chromatographie en phase inverse. De cette manière, le produit 2a est séparé du silane, cependant les rendements sont faibles (25-45%) et la méthode ne semble ici pas reproductible, car les rendements sont aléatoires d’une purification à l’autre, probablement à cause de la volatilité du produit. Par la suite, nous avons procédé à une distillation en utilisant un four à boules, mais cela n’a pas été fructueux. Ensuite, nous avons tenté de diminuer la quantité de silane utilisé puis sa nature sans succès, puisque l’excès énantiomérique diminue légèrement et que le silane est toujours en mélange avec le produit 2a après purification. Nous avons alors décidé de réduire l’ester 2a en l’alcool correspondant 2a’,  afin de créer une différence de polarité entre le produit et le PMHS. Pour cela, du LiBH4 est utilisé. L’alcool 2a’ est obtenu avec un excès énantiomérique non-altéré de 97% et il est bien isolé du PMHS.

Réduction catalytique asymétrique d’acrylonitriles β-CF3 à l’hydrure de cuivre

Par la suite, nous avons étendu cette méthodologie à la réduction catalytique énantiosélective d’acrylonitriles β-trifluorométhylés . Seul un exemple de synthèse énantiosélective de nitrile β-CF3 est décrit dans la littérature. Il s’agit de la combinaison de deux réactions catalytiques, l’une photochimique et l’autre enzymatique. Tout d’abord, le photocatalyseur à base d’iridium soumis à une lumière bleue permet l’isomérisation de la double liaison du substrat (passage de (E) à (Z)). Ensuite, l’enzyme OYE2 de la famille des ène-réductases réduit sélectivement l’isomère (Z) pour former le produit de configuration (S) avec un rendement de 74%.  Ceci étant la seule méthode disponible à ce jour pour accéder à des dérivés nitriles β-trifluorométhylés énantioenrichis, il semble intéressant de développer une voie de synthèse de ces molécules par catalyse asymétrique au CuH.
Optimisation de la réaction : Nous avons optimisé la réaction de réduction des acrylonitriles β-CF3 à partir des conditions utilisées précédemment pour la réduction des acrylates β-CF3. Le composé 6a est utilisé comme substrat modèle pour cette optimisation.

Groupement nitro sur l’oléfine

Nous avons ensuite testé des oléfines portant d’autres groupements électroattracteurs, à commencer par le groupement -NO2. En présence des ligands déjà utilisés précédemment, les conversions et excès énantiomériques sont très faibles. Nous avons alors testé un autre ligand de la famille JOSIPHOS car une publication de Carreira en 2007 montre l’efficacité de ce ligand pour réduire des β-nitrostyrènes en présence d’hydrure de cuivre.64 Celui-ci s’avère cependant tout aussi peu efficace, tout comme le (R)-DM-BINAP. Ces résultats étant inférieurs à ceux déjà décrits dans la littérature pour l’obtention de composés semblables à 11 par réduction organocatalytique énantiosélective,84 nous n’avons pas poursuivi cette optimisation.
Par ailleurs, lors de ces essais, nous avons remarqué que le β-nitrostyrène α-CF3 10 qui n’est pas converti réagit avec le NH4F du traitement de fin de réaction pour former le sous-produit sp-11. Nous avons vérifié ce résultat en mettant directement l’oléfine 10 en présence d’une solution saturée de NH4F dans le méthanol. De cette manière, sp-11 est formé avec une conversion de 62%.

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Extension à la réduction d’acrylates β-CF2H : résultats préliminaires

Après la fructueuse réduction-1,4 catalytique asymétrique des acrylates et acrylonitriles β- trifluorométhylés via l’utilisation d’hydrures de cuivre chiraux, nous envisageons cette fois-ci de réduire par la même méthode des acrylates β-CF2H. En effet, le groupement -CF2H connaît depuis quelques années un fort engouement pour la synthèse de composés bioactifs, de par sa capacité notamment à moduler la lipophilie, la polarité et la préférence conformationnelle des molécules sur lesquelles il est introduit. De plus, il s’avère être un donneur de liaison hydrogène, ce qui lui permet d’être considéré comme un bioisostère des fonctions hydroxyle et thiol.En outre, à ce jour un seul exemple de réduction catalytique asymétrique d’un dérivé carbonylé β-CF2H est décrit dans la littérature par Ding  et peu de méthodes sont disponibles à ce jour pour la formation de centres stéréogènes C–CF2H.Nous avons donc commencé l’étude de la réduction-1,4 catalytique asymétrique au CuH des acrylates β-CF2H, en effectuant l’optimisation sur le cinnamate d’éthyle (E) β-CF2H 16a. Nous avons tout d’abord cherché le meilleur ligand pour cette transformation, en commençant par le (R)-DM BINAP , qui n’a donné qu’un rendement modeste pour un excès énantiomérique très faible.
Des ligands des familles SEGPHOS et DUPHOS ont été testés, mais les rendements se sont avérés moyen ou nul. Avec le ligand (R)-MeO-BIPHEP (entrée 4) le meilleur rendement est obtenu, mais l’ee n’est que de 8%. Nous avons ensuite testé des ligands de la famille JOSIPHOS : les rendements sont compris entre 55 et 78% et l’excès énantiomérique grimpe jusqu’à 83% avec les ligands JOSIPHOS SL-J005-1 et JOSIPHOS SL-J007-1. Enfin, deux ligands de la famille WALPHOS montrent aussi de très bons ee avec en plus de très bons rendements.

Table des matières

I. Introduction
1. Le fluor et ses propriétés
2. Le groupement trifluorométhyle7a,7b
3. Le motif monofluoroalcène7a
II. Synthèse énantiosélective d’esters et de nitriles β-trifluorométhylés
1. Objectif du projet
2. Utilisation de l’hydrure de cuivre dans des transformations catalytiques asymétriques
a. Généralités sur l’hydrure de cuivre
i. Réactif de Stryker
ii. Applications en catalyse asymétrique .
b. Utilisation de l’hydrure de cuivre dans des réductions-1,421,22c
i. Mécanisme général
ii. Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives d’esters α,β-insaturés
iii. Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives de lactames
iv. Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives d’énones
v. Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives d’acides carboxyliques α,β-insaturés
vi. Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives de nitro-alcènes
vii. Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives de nitriles α,β-insaturés
viii. Réductions-1,4 catalytiques énantiosélectives de sulfones α,β-insaturées
ix. Réductions-1,4 tandems
3. Réduction catalytique asymétrique d’acrylates β-CF3 à l’hydrure de cuivre
a. Etat de l’art
b. Optimisation de la réaction
i. Choix du ligand chiral
ii. Influence du solvant
iii. Influence de la concentration
iv. Influence de la quantité d’alcool
v. Influence de la quantité de silane
vi. Influence de la température
vii. Influence de la quantité de pré-catalyseur et de ligand
viii. Mise au point de la méthode de purification
ix. Conditions optimisées
c. Champ d’application de la réaction
d. Post-fonctionnalisations des produits obtenus
4. Réduction catalytique asymétrique d’acrylonitriles β-CF3 à l’hydrure de cuivre
a. Etat de l’art
b. Optimisation de la réaction
i. Choix du ligand
ii. Influence du temps de réaction
iii. Influence de la température
iv. Conditions optimisées
c. Champ d’application de la réaction
d. Post-fonctionnalisations des produits obtenus
5. Limites de la méthodologie
a. Acrylates β-trifluorométhylés
b. Acrylonitrile β-CF3
c. Groupement nitro sur l’oléfine
d. Groupement phosphonate sur l’oléfine
e. Groupement sulfone sur l’oléfine
6. Etudes mécanistiques
a. Comparaison avec le ligand chiral énantiomère de JOSIPHOS SL-J007-1
b. Effet linéaire du catalyseur
c. Influence de la géométrie du substrat de départ
d. Réaction avec du tertbutanol deutéré
e. Mécanisme
f. Comparaison des groupements -CF3 et -Me pour cette réduction
7. Réduction d’acrylates β-CF3 à l’hydrure de cuivre en présence d’une source électrophile 
a. Objectif
b. Etat de l’art
c. Optimisation de la réaction
i. Influence du silane
ii. Influence de la source électrophile
iii. Influence de la température
iv. Influence du solvant
v. Additions successives ou en « one-pot » ?
d. Conclusion
8. Extension à la réduction d’acrylates β-CF2H : résultats préliminaires
9. Conclusion et perspectives
III. Synthèse diastéréosélective d’alcènes terminaux monofluorés
1. Objectifs du projet
2. Etat de l’art
a. Réactions d’oléfination
i. Réaction de Wittig
ii. Réaction de Horner-Wittig
iii. Réaction de Julia-Kociensky
iv. Réaction avec une fluorosulfoximine
b. Réactions de fluoration
i. Fluoration de stannanes vinyliques
ii. Fluoration de silanes vinyliques
iii. Fluoration d’acides boroniques vinyliques
iv. Fluoration de triflates vinyliques
c. Réactions de défluoration
i. Défluoration d’alcènes gem-difluorés
ii. Défluoration de composés portant un groupement difluorométhylé
d. Elimination d’halogène sur des fluorures d’allyles
3. Réduction d’acrylates β-CF3 au LiAlH4 
a. Optimisation de la réaction
i. Choix de l’agent de réduction
ii. Influence de la quantité de LiAlH4
iii. Influence de la température
iv. Influence de l’ordre d’addition des réactifs
v. Conditions optimisées
b. Champ d’application de la réaction
4. Réduction de styrènes α-trifluorométhylés disubstitués au LiAlH4
a. Optimisation de la réaction
i. Choix de l’agent de réduction
ii. Influence de la stœchiométrie de LiAlH4
iii. Optimisation pour les substrats portant un groupement électrodonneur
iv. Choix d’un étalon interne
v. Conditions optimisées
b. Champ d’application de la réaction
5. Réduction de styrènes α-trifluorométhylés trisubstitués au LiAlH4
a. Optimisation de la réaction
b. Champ d’application de la réaction
6. Réduction d’alcènes trifluorométhylés tétrasubstitués au LiAlH4
a. Réduction d’un acrylate β-CF3 tétrasubstitué
b. Réduction d’un styrène α-CF3 tétrasubstitué
7. Limites de la méthodologie
a. Acrylates β-trifluorométhylés
b. Styrène α-trifluorométhylé disubstitué et alcène α-trifluorométhylé aliphatique
c. Styrènes α-trifluorométhylés trisubstitués
d. Styrène β-trifluorométhylé
e. Groupement nitrile sur l’oléfine
f. Groupement nitro sur l’oléfine
g. Groupement phosphonate sur l’oléfine
h. Groupement sulfone sur l’oléfine
i. Styrène α-CF2CO2Et
8. Etudes mécanistiques
a. Influence de la géométrie du substrat de départ
b. Etude des intermédiaires réactionnels
c. Réaction avec du LiAlD4
d. Proposition de mécanisme
9. Conclusion 
IV. Conclusion

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