Recours aux soins primaires des Africains d’origine subsaharienne en Ile de France. Freins et motivations

Recours aux soins primaires des Africains d’origine subsaharienne en Ile de France. Freins et motivations

Le recours aux soins primaires

Le mode de recours aux soins primaires

La médecine traditionnelle Parmi les Africains interrogés, seul 5,33% a recours aux plantes traditionnelles et 1,33% au marabout. Pourtant l’offre des marabouts est importante en France (Annexe 5) et surtout à Paris. Nombreux sont ceux qui avouent y avoir recours « au pays » par manque de moyens, mais qui abandonnent cette pratique à l’arrivée sur le territoire. En effet, en France, les africains peuvent avoir recours à la médecine moderne grâce aux aides financières proposées. Paradoxalement selon l’OMS, 75% des français ont recours à la médecine traditionnelle au moins une fois dans leur vie (10). Ces derniers cherchent une alternative à la médecine moderne. 66 · La médecine générale Il semble que le recours au médecin généraliste des Africains et des français soit proche, grâce aux aides financières. En effet, 88% de notre population y a recours (87,01% chez les 18-30 ans, 88,33% chez les 31-50 ans et 92,31% chez les 51-70 ans). Dans l’étude de l’INSEE concernant la santé des français, toutes classes d’âge confondues, le recours au médecin généraliste est de 80%. On note une augmentation des consultations avec l’âge chez les français (77% chez les 11-24ans, 84% chez les 25-29 ans, 90% chez les plus de 60 ans) (39). · Les PASS Elles sont fréquentées par 8,66% des personnes interrogées, alors que notre échantillon compte au moins 10% d’Africains en séjour irrégulier. Cette différence peut s’expliquer par la méconnaissance de cet accès aux soins ou par l’accès aux soins par l’AME. Par ailleurs, les demandeurs d’asile ont un recours à la PASS significativement plus important que les autres Africains. (RR= 4,2857 avec IC à 95% [1,5730-11,577]) · L’automédication et recours aux pharmaciens Elle est pratiquée par 60% de notre échantillon versus 70% des français d’après une étude du ministère de la santé (40). 39,33% de notre échantillon demandent conseil à leur pharmacien pour se soigner versus 45% des français selon un sondage Ipsos en 2008 (41). Ces chiffres sont proches. L’accès aux soins par les pharmaciens est facilité par leurs conseils gratuits et leur accessibilité sans rendez-vous. · Le Service d’Accueil et d’Urgences (SAU) Dans notre échantillon, près d’un Africain sur deux a déjà consulté directement aux urgences. Il s’agit donc d’un recours aux soins non négligeable. On peut supposer que l’absence d’avance des frais de santé motive ce type de recours. Une majorité d’Africains ne va pas spontanément ouvrir ses droits à la CPAM, mais en cas de problème de santé s’orientera vers le seul accès gratuit et permanent: les urgences (14). 67 · Le non recours aux soins primaires. 4% de notre échantillon assure ne jamais avoir recours aux soins. Cependant, ces Africains déclarent également souffrir de lombalgies, d’insomnie ou encore d’autres pathologies non ciblées. Ces 4% font partie de ceux qui n’ont pas d’aides financières pour la santé ce qui explique ce non recours.

Les freins

La précarité Selon l’INSEE (42), les immigrés travaillent plus souvent que les non-immigrés dans des emplois peu qualifiés (38% de ceux qui ont un emploi sont ouvriers ou employés non qualifiés contre 19% pour les non-immigrés). Ils rencontrent aussi des difficultés pour accéder à un emploi ou s’y maintenir. En 2008, 57% des immigrés de 18 à 54 ans ont un emploi contre 69% des non-immigrés. Hommes comme femmes, ils sont plus touchés par le chômage (39). Cette difficulté à accéder à l’emploi conditionne nécessairement leurs revenus, de ce fait plus faibles que celui des natifs. D’ailleurs, malgré l’existence d’aides financières, 28% des africains interrogés dans notre étude déclarent ne pas consulter par manque de moyens. De plus, 14% de notre population bénéficiant de l’assurance maladie ne possède pas de mutuelle. Il leur reste donc le ticket modérateur à payer, ce qui constitue un frein supplémentaire au recours aux soins. D’autre part, il faut noter qu’en région parisienne, 20% des médecins généralistes appartiennent au secteur 2 selon les chiffres de la sécurité sociale. De ce fait, ils peuvent pratiquer des dépassements d’honoraires, non pris en charge, ce qui limite d’autant plus l’accès aux soins des personnes en situation précaire. Enfin, bénéficier d’aides financières n’est pas un gage d’accès aux soins car en France, 8% des médecins généralistes en secteur I refusent les détenteurs de la CMU et 34% ceux de l’AME d’après une étude sur la discrimination de MdM (43). Ces refus s’expliquent par la lourdeur administrative et par le non-respect du parcours de soins (44). 68 · L’absence d’aides financières En France, 90,1% des étrangers ont théoriquement droit à une couverture sociale selon une étude de MdM ; en réalité, seuls 7,2% en bénéficient (45). Cette différence est le fruit d’un manque d’information, d’un souhait de rester anonyme, et de la difficulté importante à constituer un dossier d’après le COMEDE (14). Dans notre étude, 16% des Africains ne possèdent aucune aide financière alors que 4% d’entre eux seulement sont en France depuis moins de 3 mois. Comme nous l’avons vu en introduction, légalement, même une personne en séjour irrégulier peut prétendre à l’AME au-delà de 3 mois de présence sur le territoire français. Cependant, beaucoup d’Africains primo-arrivants ne connaissent pas les démarches à effectuer s’ils ne vont pas dans les centres qui leur sont dédiés. En effet, d’après Médecins du Monde, 45% des étrangers en France ayant droit à une protection sociale l’ignorent et n’entreprennent pas les démarches pour l’obtenir (45). Par ailleurs, ils nous signalent également qu’il existe une importante méconnaissance de ces aides par les médecins généralistes. Ceux-ci ne peuvent donc pas les orienter de manière adaptée. D’autre part, d’après une étude de Aeberhard P., Brechat P-H. et al (46), les CPAM rendent les procédures longues et difficiles et freinent ainsi la mise en place de ces aides. Leur méconnaissance par les acteurs du système de santé (y compris la CPAM) et la complexité des démarches entrainent une nette augmentation des délais d’obtention de ces aides voire même des refus illégaux d’après un rapport du COMEDE (14). De plus, la condition de séjour en France depuis au moins trois mois est souvent difficile à prouver pour de nombreux migrants en situation irrégulière d’où une proportion importante d’exclus du système de santé (14). · L’irrégularité du séjour 10% des africains interrogés pensent que leur manque de papiers en règle les empêche d’accéder aux soins. Pourtant seulement près de 4% sont en France depuis moins de 3 mois. Par conséquent, cela signifie que 6% des africains de notre population ignorent qu’ils pourraient prétendre à l’AME. 69 · Les séjours temporaires pour études ou tourisme D’après un membre d’une association humanitaire togolaise (STEJ), ces jeunes Africains, qui viennent pour des courts séjours, prennent des assurances dans leur pays d’origine. Ces assurances ont un caractère obligatoire pour obtenir un visa. Selon les contrats, elles ne prennent pas toutes en charge les dépassements d’honoraires. De plus, un accord de l’assurance doit être demandé préalablement aux soins pour leur prise en charge financière, ce qui complique donc également l’accès aux soins. · Le manque de temps Dans notre étude, près d’un quart des Africains n’ont pas recours aux médecins par manque de temps, alors que dans une étude menée en 2011, par l’ARS, dans la population francilienne (47), ce frein à la consultation concernait 12% des natifs. Les Africains semblent donc accorder moins de temps à leur santé. · La difficulté d’obtenir un RDV En région parisienne, le nombre de médecins est suffisant : en janvier 2012, la densité médicale est de 158 généralistes pour 100000 habitants d’après une étude RPPS/DREES (48). Malgré cela un quart de notre population estime rencontrer des difficultés à obtenir un RDV contre 70% des Français de l’étude citée ci-dessus (47). 3. Les motivations · Les pathologies 83% des Africains interrogés malades consultent un médecin généraliste. 20% de notre population souffre de pathologies non ciblées initialement : céphalées, douleurs articulaires, anémie, hémorragie méningée…. Les pathologies proposées dans le questionnaire étaient en effet les pathologies fréquentes et graves étudiées par le COMEDE. D’après le COMEDE (14), les psycho-traumatismes ont notamment une prévalence de 90 pour 1000 parmi les Africains de l’ouest. Dans notre échantillon, en effet, le stress et l’insomnie représentent une part non négligeable des pathologies déclarées (12%). Ces 70 symptômes peuvent s’expliquer en partie par le traumatisme de l’exil. L’exil est en effet une perte de l’identité familiale, sociale, professionnelle et des repères culturels et affectifs (14). D’autre part, ces populations ont également pu subir tortures, violences ou persécutions dans leur pays d’origine. Ces traumatismes s’expriment très souvent par une somatisation. Les lombalgies, notre deuxième motif de consultation (12%), peuvent notamment être un signe évocateur de violences subies antérieurement. · La prévention Seule la moitié des personnes interrogées consulte le médecin pour prévention ou vaccination. Ce chiffre reste faible et peut expliquer pourquoi de nombreux africains nous consultent tardivement au stade de complications, en particulier pour les pathologies suivantes: VIH, diabète ou hypertension artérielle. D’après l’enquête décennale santé 2002-2003 de l’INSEE (49), les immigrés étrangers ont moins recours à la vaccination de l’hépatite B (23,1%) que les natifs français (34,2%). Néanmoins selon MdM, 65,1% des Africains d’origine subsaharienne bénéficient d’un dépistage du VIH en France (45). A contrario dans la population française, ce dépistage n’a été réalisé que sur 7,9% des gens selon le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) (25). · Le suivi gynécologique Dans notre étude, deux femmes sur cinq disent consulter un médecin généraliste pour leur suivi gynécologique, ce qui semble important au vu des données concernant les femmes françaises : seules 15% d’entre elles ont recours au généraliste pour ce suivi. En revanche, 70% des Françaises consultent un gynécologue (50). Notre étude ne permet pas d’évaluer le recours à ces spécialistes. Mais, selon l’étude du BEH (51), il ressort que les femmes étrangères ont deux fois plus de risques que les femmes françaises de ne pas être dépistées par frottis cervicovaginal pour les cancers du col de l’utérus. Le recours des africaines concernant la gynécologie en France a été peu étudié contrairement à l’obstétrique et la périnatalité. 71 4. Satisfaction sur le système de santé La quasi-totalité (93,20%) des Africains sont satisfaits de notre système de soins. Beaucoup évoquent d’ailleurs des conditions de prise en charge souvent médiocres, dans leur pays respectif. En France, la prise en charge des frais de santé est pour eux un élément primordial. Ils éprouvent un sentiment de sécurité avec les médecins français et trouvent un environnement propice à l’écoute de leurs problèmes de santé. Les rares « non-satisfaits » se plaignent principalement du temps d’attente trop important pour obtenir un rendez-vous chez le médecin généraliste ou lors de leur passage aux urgences

Table des matières

INTRODUCTION
GENERALITES : Pourquoi étudier le recours aux soins primaires dans la population migrante
d’origine subsaharienne ?.
I. La population d’Afrique subsaharienne : une population à ne pas négliger
II. Perception et vécu de la maladie en Afrique Noire
III. Un recours aux soins différent du nôtre
1. La médecine professionnelle ou biomédicale
2. La médecine traditionnelle.
3. La médecine traditionnelle améliorée
4. L’automédication moderne
IV. Une offre de soins adaptés à cette population en France
1. Les aides financières spécifiques
2. Un accès aux soins adapté à chacun
V. Des pathologies fréquentes, souvent diagnostiquées au stade de complications dans cette population
METHODE
I. Objectif de l’enquête
II. Description de l’enquête
1. Type d’enquête
2. Le questionnaire
· Choix de la méthode
· Réalisation du questionnaire
· Test des questionnaires
3. Distribution des questionnaires
· Population cible
· Lieux de l’étude
· Période de distribution
· Consentement et Anonymat
III. L’analyse des données
IV. La recherche bibliographique
RESULTATS
I. Participation
II. Description de la population
1. Répartition par sexe.
2. Répartition par âge
3. Origine
4. Durée de séjour en France
5. Lieu de vie
IV. Raison de l’immigration
V. Recours aux soins primaires
VI. Raison du recours aux médecins généralistes
VII. Pathologies
VIII. Freins au recours aux soins
IX. Satisfaction du système de santé
DISCUSSION.
I. Originalité de l’étude
II. Discussion sur la méthodologie
a. Choix de la méthodologie
· Etude
b. Critique de la méthodologie
· Les biais
III. Interprétations des résultats
a. Profil sociodémographique de notre étude
1. Le sexe
2. L’âge
3. L’origine
4. La durée de séjour
5. Le domicile
6. Le profil d’immigration
b. Le recours aux soins primaires
1. Le mode de recours aux soins primaires
· La médecine traditionnelle
· La médecine générale
· Les PASS
· L’automédication et recours aux pharmaciens
· Le Service d’Accueil et d’Urgences (SAU)
· Le non recours aux soins primaires
2. Les freins
· La précarité
· L’absence d’aides financières
· L’irrégularité du séjour
· Les séjours temporaires pour études ou tourisme
· Le manque de temps
· La difficulté d’obtenir un RDV
3. Les motivations
· Les pathologies
· La prévention
· Le suivi gynécologique
4. Satisfaction sur le système de santé
IV. Recommandation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE
Annexe 1 : Carte de l’Afrique Subsaharienne
Annexe 2 : Quelques définitions.
Annexe 3 : La médecine traditionnelle
Annexe 4 : La Pharmacie ambulante
Annexe 5 : Publicité d’un marabout parisien
QUESTIONNAIRE
RESUME

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