Pourquoi les travailleurs se reconvertissent vers l’ESS et quels sont les facteurs qui favorisent cette reconversion ?
Au cours de ce développement, nous aurons à cœur de présenter de manière la plus complète possible ce sujet. Toutefois, il nous semble important de rappeler que pour des raisons évidentes de contraintes liées au temps, à l’organisation et la volonté de facilité la lecture de ce mémoire, certains notions liées à la reconversion professionnelle en ESS ne seront pas abordées ici même.
Nous avons fait le choix de consacrer toute la 1ère partie du mémoire à la définition des termes liés directement ou indirectement à la reconversion professionnelle. Dans la deuxième partie du mémoire, nous parlerons plus précisément de l’ESS et de la reconversion professionnelle vers ce secteur. Enfin, au cours de la troisième partie, nous nous attacherons à analyser le dispositif mis en place par la MGEN (Mutuelle générale de l’Education Nationale) et l’université du Mans afin de favoriser les réorientations vers l’Économie Sociale et Solidaire.
Marché de l’emploi en France
Dans cette partie nous avons souhaité présenter quelques chiffres qui reflétaient, selon nous, le contexte actuel de l’emploi en France. La dernière parution de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) sur le marché du travail Français date de 2018 et s’intitule : « Une photographie du marché du travail en 2018 » . Elle permet de mettre en exergue quelques données intéressantes.
En premier lieu, elle s’attache à définir le taux de chômage actuel. Avec une moyenne de 9,1% sur l’année 2018, le niveau d’emploi tarde à revenir à son niveau d’avant crise 2008. Ce taux souffre de grandes disparités lorsque nous nous penchons sur les différents niveaux de diplôme. En effet, alors qu’il est de 5,3% pour les titulaires d’un bac +2 ou plus, il est de près de 16% pour ceux qui n’ont pas de diplôme autre que le brevet. Derrière ces chiffres se cachent évidemment la question de l’accès aux études supérieures. En effet, pour une personne issue d’un milieu défavorisé, dont l’accès aux études supérieurs est plus compliqué, il existe une plus grande chance de finir, in fine, sans emploi.
Cette étude nous permet également de nous rendre compte que le CDI (Contrat de travail à Durée Indéterminée) est encore bel et bien majoritaire dans le total des emplois occupés. Alors qu’il est souvent considéré comme de moins en moins adapté à la flexibilisation du travail souhaitée par la doctrine néo-libérale, il n’en reste pas moins encore très présent. L’INSEE relève ainsi que 85% des salariés sont soit fonctionnaires soit en CDI.
Outre cette étude, d’autres éléments nous semblent important de présenter. La flexibilisation du travail dont il est question ci-dessus a pris ces dernières années différentes formes bien particulières. Bien connu de par l’intérêt grandissant que leur ont accordé les médias, les plateformes liées à l’ubérisation du travail en sont une illustration parfaite. Plus connues sous le nom des marques UBER, DELIVEROO ou encore STAFF ME, ces entreprises ont des croissances exponentielles. Leur concept est simple : elles ne sont que des intermédiaires entre le client et le prestataire de service. A ce titre, elles soustraitent leur activité à une multitude de micro entrepreneurs qui réalisent donc ce travail en étant indépendant. La manœuvre permet d’éviter de payer des cotisations sociales mais flirtent avec la législation en vigueur. En effet, plusieurs « partenariats » de ce type ont été requalifié en contrat de salariat . Bien que le micro-entrepreneur choisisse lui-même ses temps de travail, la Cour de cassation a relevé qu’il existait effectivement un lien de subordination (géolocalisation, récompenses et sanctions, etc.).
Par ailleurs, il nous semble important de rappeler qu’il existe encore aujourd’hui une réelle disparité de traitement entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. En termes de rémunération, à poste équivalent, le ministère du travail relève un écart de près de 7% en défaveur des femmes. Dans un pays comme la France, connu pour être le pays des Droits de l’Homme, il nous semblait important de pointer du doigt cette réalité.
Enfin, il nous semblait important de parler du financement de notre régime de retraite. En effet, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) , le nombre de personnes qui cotisent augmente moins vite que le nombre de retraités. Menaçant dangereusement l’équilibre financier du régime des retraites, l’inversion de ce ratio s’explique par l’augmentation de l’espérance de vie des personnes à le retraite et par un taux de chômage encore trop élevé.
Orientation professionnelle
Le terme « orientation » provient du terme latin « oriens » qui a par la suite évolué pour devenir « Orient ». Vers l’Orient, ou vers la lumière, nous parlerons donc ici d’orientation.
Selon Dupont et Gonzalez , aux Etats-Unis, c’est le terme « vocation » qui est à l’origine de l’expression « orientation professionnelle ». En effet, au début du XXème siècle, Parsons fait alors paraître son ouvrage intitulé « Choosing a vocation » dans lequel nous trouvons l’expression « vocational guidance ». Ces termes se répandent alors sous la traduction « orientation professionnelle ». Les auteures rappellent également que la NVGA (National Vocational Guidance Association) a défini l’orientation professionnelle tel que « le processus qui consiste à aider l’individu à choisir une profession, à s’y préparer, à y entrer et à y progresser ». C’est cette définition que nous avons choisi de conserver. Nous sommes toutefois conscient que la signification de l’ « orientation professionnelle » a depuis évolué. Elle a en effet intégré le fait que l’orientation était dorénavant un processus de long terme prenant place durant toute la carrière professionnelle. Cependant, nous conservons la définition initiale et aborderons ces évolutions de carrière dans les paragraphes sur la reconversion professionnelle.
En France, l’orientation professionnelle a aussi son histoire. Trois ouvrages principaux nous permettent d’en définir les grandes lignes. Comme aux États-Unis, c’est au début du XXème siècle que cette histoire prend racine. Le début du siècle est en effet marqué par la fin de la Première Guerre mondiale et les besoins de reconstruction qui en découlent. A l’époque l’objectif est de « donner aux jeunes, et notamment à ceux qui deviendront ouvriers, les postes qui correspondent le mieux à leurs aptitudes et à leurs capacités ». Pour les jeunes issus des milieux ruraux, la réalité est un peu différente. Leur orientation est déjà toute tracée puisqu’elle consiste à poursuivre l’activité agricole familiale. Juste avant le Seconde Guerre Mondiale, l’orientation prend de l’ampleur et une consultation obligatoire d’orientation est demandée dans certaines formations. Selon les ouvrages précédemment cités (note n° 10), entre 1941 et 1951, le nombre d’étudiants ayant consulté pour leur orientation est multiplié par 4 ! Dans la deuxième moitié du XXème siècle et jusqu’à très récemment, la situation économique s’est fortement dégradée. Fin des Trentes Glorieuses et succession de plusieurs crises (bulle internet, subprimes, etc.) en sont les causes principales. L’objectif de l’orientation a alors changé. Le but était alors devenu d’aider les personnes sans emploi à trouver le chemin du travail et à augmenter le niveau général de formation des étudiants afin de leur permettre un meilleur accès au marché du travail. Dans cette optique, plusieurs structures se sont créées telles que les missions locales, l’ONISEP (l’Office National d’Information sur les Enseignements et les Professions) ou le CEREQ (Centre d’Etudes et de REcherches sur les Qualifications).
D’un point de vue théorique, nous remarquons que deux courant idéologiques se sont opposés au fil de l’histoire. Le premier courant à voir le jour est celui mené par Toulouse et Piéron. Leur doctrine repose sur une vision très scientifique de l’orientation. Selon eux, il est nécessaire de « mesurer les aptitudes » de chacun. Ces compétences seraient acquises dès la naissance ou transmises par les parents durant l’enfance. L’idée sous-jacente est celle que chaque personne à un talent que le processus d’orientation doit pouvoir détecter. Face à ces idées, Léon oppose une autre théorie : « les aptitudes et les professions sont amenées à changer au cours de la vie ». Selon lui, les compétences ne sont pas immuables. Il est donc peu pertinent d’utiliser des tests scientifiques pour l’orientation. Il préconise l’«information professionnelle » qui doit « être donnée aux maitres, aux jeunes et aux familles ». Aujourd’hui, ces deux doctrines cohabitent dans les processus d’orientation. Nous trouvons ainsi d’un côté la vision scientifique (test d’orientation et de personnalité, bilan de compétences, etc.) et de l’autre la vision informationnelle (journées portes ouvertes, réunions d’information, etc.). L’objectif visé est de fournir aux jeunes toutes les données afin qu’ils puissent eux-mêmes décider de leur projet professionnel. Par ailleurs, il est maintenant communément admis que l’orientation n’est plus un mécanisme s’exerçant à un moment précis mais bel et bien un processus s’étalant sur l’ensemble d’une carrière professionnelle.
INTRODUCTION |
