Récit et oralité une coutume sociale de longue date

Récit et oralité une coutume sociale de longue date

« Pas de société sans histoires »

la place fondamentale du récit pour le vivre-ensemble Comme le rappellent Joelle Desterbecq et Marc Lits dans leur ouvrage Du récit au récit médiatique, dans toutes les cultures s’est développé une tradition orale, « transmise de génération en génération, récitée ou jouée lors de fêtes rituelles par des conteurs ou certaines personnes déterminées du groupe social. »56 C’est la façon dont naissent les premiers récits, qui sont d’ordre mythique, religieux et/ou littéraire.

Les premiers grands textes écrits sont souvent des reprises de traditions orales qui se sont perpétuées au fil des siècles : la Bible, l’Odyssée, la Chanson de Roland… Les récits oraux ne disparaissent pas pour autant à mesure qu’apparaissent ces premiers écrits car

« l’oralité présuppose la présence de la voix, et donc du corps, elle entraine les notions de performance et de contact, elle se situe dans un acte concret total de participation, inscrit dans un rituel. » 

L’apparition des premiers récits mythiques vient combler l’angoisse des hommes face à des questions existentielles qui demeurent sans réponse. Le mythe s’impose ainsi comme « une histoire vraie qui explique, dans l’ordre du sacré et non logique ou rationnel, les origines du monde ou d’un de ses constituants. »58 Il vient donner sens à l’existence à travers sa portée individuelle et collective.

D’ailleurs, chaque groupe social, telle que peut l’être une famille, a sa provision de récits qu’il se répète quand il se réunit. Dans la mesure où les récits sont porteurs de traditions et d’une mémoire collective, ils « constituent notre bibliothèque du savoir-vivre ensemble. »Cela nous renvoie au postulat de Barthes selon lequel « il n’existe pas de société sans histoire (et donc sans histoires), et que toute histoire se manifeste sous forme de récit […] :

« Le récit est présent dans tous le temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés ; le récit commence avec l’histoire même de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit, toures les classes, tous les groupes humains ont leurs récits, et biens souvent ces récits sont goutés en commun par des hommes de culture différente, voire opposée : le récit se moque de la bonne et de la mauvaise littérature :

international, transhistorique, transculturel, le récit est là, comme la vie »60 Cependant, pour le philosophe Walter Benjamin, la technique, qui a entre autres engendré l’apparition des médias de masse, a tellement bouleversé le monde que l’homme moderne se retrouve dénué d’histoires et habite la ville « sans laisser de traces ». La manière dont sont traitées et diffusées les informations s’avère être irréconciliable avec l’art du récit qui valorise le merveilleux :

« La nouvelle qui venait de loin – que ce soit la distance spatiale des pays étrangers ou la distance dans le temps de la tradition – disposait d’une autorité qui lui procurait de la valeur même quand elle n’était pas soumise à un contrôle. Mais l’information, elle, exige la possibilité d’une vérification rapide. » Les propos de Benjamin résonnent avec la volonté du journalisme narratif de s’affranchir de de l’idéal de vérité scientifique du journalisme informatif.

Le philosophe mentionne les figures traditionnelles de deux types de conteurs : « L’agriculteur sédentaire », « celui qui est resté aux pays et connaît ses histoires et traditions » ; et « le marin commerçant », qui fait honneur au dicton populaire : « quand on fait un voyage, on peut alors raconter quelque chose ». 

Cela sous-tend que le récit exprime ou bien un ancrage, ou bien une mobilité, ce que l’on retrouve dans certains épisodes de Transfert. Même si les personnes interviewées au micro de Slate pour Transfert sont des gens « ordinaires » dans la mesure où ce sont des anonymes, certains récits nous renvoient étrangement à ces deux figures. L’« agriculteur sédentaire » 

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