Réalisation d’une échelle de plainte concernant l’anomie chez les patients atteints de troubles neurologiques

Définition de l’anomie

Les auteurs parlent d’anomie pour définir l’altération de la production de mots (Laganaro et al. 2009). Trois types de forme d’anomie ont été décrits par Laganaro et al. (2009) :
Une altération des processus sémantiques qui se traduit par un déficit au niveau de la conceptualisation des informations.
Une altération des processus de récupération lexicale. Une atteinte du processus phonologique qui se traduit par des difficultés à sélectionner la forme phonologique des mots.
Cette étude ajoute une atteinte au niveau de l’encodage des mots, sous-jacente du processus lexico-sémantique.
Croisile et al. (2010) définit l’anomie comme « une dégradation des systèmes phonologiques ou lexico-sémantiques ou bien un trouble d’accès à ces systèmes ».
Les travaux de Caramazza et Hillis (1990) proposent de décrire le processus d’accès au mot à travers la tâche de dénomination. Ce modèle montre que le processus de dénomination implique l’activation du système de description structurale de l’image observée, afin d’accéder au système sémantique, puis au lexique phonologique de sortie pour être stocké temporairement en mémoire tampon phonologique et aboutir à l’expression orale.
Les dommages causés aux différents composants du système lexical (système sémantique ou système phonologique) entraînent des performances distinctes, chaque modèle reflétant le fonctionnement conjoint des composants endommagés et épargnés (Hillis et al., 1999). L’étude de Hillis et Caramazza (1991) démontre que dans le cas d’une lésion cérébrale, les patients présenteraient plus de difficultés à accéder aux représentations lexicales et donc à produire le mot cible.

Manifestations de l’anomie

Des manifestations observables ont été démontrées par l’étude de Le Dorze et Nespoulous (1989). Différentes perturbations ont été décrites telles que : des hésitations, des paraphasies sémantiques, des circonlocutions chez les patients avec un trouble lexico-sémantique, expliquées par des difficultés au niveau des représentations lexicales. Cette étude oppose à ces troubles sémantiques les néologismes, qui correspondraient à des difficultés phonologiques, ou paraphasies phonologiques (Le Dorze et Nespoulous, 1989).
D’autres perturbations sur le plan phonologique ont été décrites par l’étude de Guyard et al. (1981). Cette étude soulève des conduites d’approche. Elles se caractérisent par des essais successifs de production du mot par répétitions des premières syllabes. L’anomie pourrait également montrer des manifestations du « mot sur le bout de la langue » ou « tip-of-the-tongue », en anglais, définie par l’étude de Bruce et Howard (1986). Cette manifestation a également été décrite par Burk et al.(2007) comme des échecs frustrants de recherche de mots où les sujets sont temporairement incapables de produire un mot qu’ils sont certains de connaître. Ces manifestations sont également traduits par des manque du mot.

La classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF)

L’impact de l’anomie peut être abordé en tenant compte de la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (Chapireau, 2001). Ce modèle fournit un cadre pour la description multidimensionnelle d’un problème de santé et son impact sur le fonctionnement. Elle permet d’envisager l’interaction dynamique entre plusieurs composantes : les fonctions et les structures corporelles, les activités de vie quotidienne ou professionnelles, les facteurs environnementaux qui influencent la participation à la vie sociale, familiale ou professionnelle du patient, les facteurs personnels.
L’étude de Chapireau (2001) définit les différentes composantes de cette classification de la façon suivante  :
La « déficience » s’expliquerait par des problèmes atteignant la structure anatomique ou la fonction organique.
La « limitation d’activité » se définirait comme la difficulté que rencontre une personne dans l’exécution de certaines activités
La « restriction à la participation », qui désignerait les problèmes qu’une personne peut rencontrer en s’impliquant dans une situation de vie réelle.

Échelles de qualité de vie et aphasie

Une échelle de qualité de vie (SIP-136), a été adaptée aux patients aphasiques : La SIP-65 (Bénaim et al., 2003).
La SIP-65 est un questionnaire de qualité de vie adapté à la personne aphasique qui se base sur l’évaluation des domaines suivants : la fatigue et le sommeil, l’humeur psychique, la dimension physique, les occupations à la maison et au jardin, les déplacements à l’extérieur, les relations avec les proches, la réflexion, la mémoire et la concentration, les aptitudes à communiquer, les loisirs, et l’alimentation. On retrouve trois domaines (les relations avec les proches, la réflexion, la mémoire et la concentration et les aptitudes à communiquer) qui rejoignent les plaintes des patients atteints de troubles du langage consécutifs à une maladie neurologique (Bénaim, et al., 2003). Cette adaptation de la SIP-136 a fait intervenir des patients aphasiques afin d’éliminer les items inadaptés à cette population.
Les questions sont binaires, le patient coche «vrai» ou «faux». Le questionnaire est auto-administré, l’intervention du thérapeute ne doit pas entraver la neutralité des réponses du patient.

Échelles de qualité de vie et épilepsie

L’étude de Jones et al. (2020) recense les différents outils utilisés en clinique afin de déterminer les plus adaptés à une évaluation fonctionnelle de qualité de vie chez les patients épileptiques. Cette étude a montré que les questionnaires QOLIE-10 et PROMIS-10 étaient les deux questionnaires les plus adaptés pour les patients atteints de ces troubles : QOLIE-10 (Cramer et al. 1996). Cet auto-questionnaire est une évaluation de dépistage qui peut être rempli facilement par les patients. Les 10 items se répartissent en trois sujets distincts comme les effets des médicaments, la santé mentale, le fonctionnement et l’inquiétude face aux crises, qui se rapportent tous à des aspects de la vie quotidienne des personnes épileptiques. Le patient évalue ses difficultés grâce à une échelle de Likert (de 1 à 5), en se référant aux quatre dernières semaines.
PROMIS-10 (Hays et al., 2009) :Cet outil d’auto-évaluation a été développé à partir de la mesure des résultats signalés par les patients. Il s’agit d’une échelle de qualité de vie de 10 items construite à partir d’enquêtes réalisées sur internet adressées aux patients.
Les dix éléments comprennent des évaluations des cinq domaines PROMIS (patient-reported outcomes measurement information system). Ces domaines concernent l’évaluation de la santé générale, de la santé physique, de la qualité de vie globale, de la santé mentale, des fonctions psychiques, de la douleur, de la détresse émotionnelle et de la santé sociale.
Ce questionnaire permet d’obtenir un score sur 50 en fonction de la note sur 5 que le patient s’attribue à chaque item sur l’échelle de Likert.
Des outils d’évaluation de la qualité de vie ont également été conçus à destination de patients atteints de pathologiques neurodégénératives : Le Cornell-Brown Scale for Quality of Life in Dementia (Ready et al., 2002).
Cette échelle de qualité de vie destinée aux patients déments, atteints de pathologies neurodégénératives permet l’évaluation de l’impact de la démence sur la qualité de vie du patient. L’administration de cette échelle passe par des entretiens semi-structurés du patient accompagné de son aidant. Les 19 items sont proposés sous leur forme «négative» et sous leur forme «positive». Le patient s’attribue une note positive, négative ou nulle (-2, -1, 0, +1, +2) en se référant à la semaine passée.

Table des matières

INTRODUCTION
1. L’ANOMIE
a. Définition de l’anomie
b. Manifestations de l’anomie
c. Étiologies de l’anomie
d. Instruments de mesure objectifs de l’anomie
1. La dénomination
2. Les fluences verbales catégorielles et formelles (Cardebat D et al., 1990)
e. Répercussions de l’anomie
1. L’impact fonctionnel
2. L’impact émotionnel
2. MESURE DE L’IMPACT DES TROUBLES 
a. La classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF)
b. La qualité de vie
1. Échelles de qualité de vie
2. Échelles de qualité de vie adaptées aux troubles neurologiques
a) Échelles de qualité de vie et aphasie
b) Échelles de qualité de vie et épilepsie
c. La plainte comme mesure subjective du trouble
1. La plainte cognitive
2. La plainte linguistique
a. Échelles de plainte linguistique
d. Les méthodes de construction d’échelles de plainte
1. Sélection des items
2. Notation des items
3. Administration de ces échelles
OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES 
1. OBJECTIF 
2. HYPOTHESES 
MÉTHODOLOGIE 
1. PARTICIPANTS
2. MATERIEL
3. PROCEDURE 
4. METHODOLOGIE DE REFERENCE 
RÉSULTATS
1. IDEES EXTRAITES DES ENTRETIENS INDIVIDUELS 
a. Idées liées à la pathologie
b. Idées liées à la déficience
c. Idées liées à la limitation des activités
d. Idées liées à la restriction de la participation
e. Idées liées aux facteurs personnels
f. Idées liées aux facteurs environnementaux
g. Idées liées à la rééducation
2. CREATION DE L’ECHELLE
a. Regroupement des idées
b. Élaboration de l’échelle version 0
c. Élaboration de l’échelle version 1
d. Élaboration de l’échelle version 2
e. Élaboration de l’échelle version 3
f. Élaboration de l’échelle version 4
DISCUSSION 
1. VALIDATION DES HYPOTHESES
2. VARIABILITE ET HETEROGENEITE 
3. METHODE DE CONSTRUCTION DE L’ECHELLE 
4. LIMITES 
5. PERSPECTIVES
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES 
RÉSUMÉ

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