Réalisation de pièges multiples
Dans la quête d’un système adapté au traitement quantique de l’information, plusieurs condi- tions essentielles sont à satisfaire, dont la possibilité de dupliquer à grande échelle le système physique portant le qubit, et la possibilité d’initialiser et de lire cet ensemble de qubits. Dans ce chapitre nous allons nous atteler à remplir la première condition, en tentant de multiplier le micro-piège dipolaire. Toutefois, nous le ferons en restant attentif à la deuxième et la troisième condition : nous voulons réaliser plusieurs pièges dipolaires, mais à condition que chacun indi- viduellement soit adressable optiquement, afin de permettre l’initialisation ou la lecture d’un unique qubit dans un registre de qubits. L’intrication massive d’atomes neutres uniques a déjà été réalisée au moyen de collisions froides contrôlées dans des réseaux optiques [46]. Dans ce type de réseaux cependant, les sites contenant un et un seul atome sont séparés par une distance égale à=2 (ou ¸ est la longueur d’onde) soit environ 500 nm pour des pièges dipolaires hors résonance tels que le nôtre. Chaque qubit n’est donc pas adressable individuellement à l’aide de faisceaux laser. de longeur d’onde 11 ¹m. Cette solution s’accompagne d’une réduction du confinement. Une autre approche consisterait à réaliser un réseau de micro-pièges dipolaires à l’aide d’une matrice de micro-lentilles comme celle de la référence [29]. Le piégeage d’atomes uniques n’a pas été démontré dans un tel réseau. En revanche, l’équipe de Dieter Meschede à Bonn a réalisé un registre quantique pour atomes neutres, en chargeant, de façon aléatoire, un petit nombre d’atomes dans une onde stationnaire. Les atomes peuvent y être manipulés de façon sélective et cohérente [21, 23]. Le transport contrôlé des atomes, à l’aide de l’onde stationnaire [91], préserve la cohérence atomique sur des distances macroscopiques [20, 28].
C’est donc dans cette optique que nous avons conçu des réseaux de micro-pièges dipolaires multiples : nous avons réalisé un registre d’atomes neutres uniques, chacun étant confiné dans un volume de l’ordre du micron cube et pouvant être adressé optiquement de façon individuelle. La première idée que nous avons exploitée a été de multiplier le nombre de faisceaux pièges traversant MIGOU. Nous avons ainsi obtenu deux pièges dipolaires jumeaux. Une démarche Pour obtenir plusieurs pièges dipolaires, il faut créer plusieurs points de focalisation au foyer de MIGOU. Le dispositif le plus simple consiste à multiplier le nombre de faisceaux traversant notre objectif [81, 82], et donc à dupliquer le montage de la figure 1.7 du chapitre 1. Deux pièges ont été réalisés grâce au montage de la figure 2.1. Un second faisceau piège est superposé au premier, à l’aide d’une lame semi-réfléchissante. Ainsi, le second laser piège ayant la même géométrie, il va focaliser dans le même plan que le premier, avec un col de faisceau identique. Ce- pendant, grâce à la lame semi-réfléchissante, on introduit un petit angle entre les deux faisceaux, de sorte qu’ils ne focalisent pas au même endroit. Ainsi, en modifiant uniquement l’angle de cette lame, on contrôle aisément la distance qui sépare les deux pièges dipolaires formés. La résolution spatiale du dispositif d’imagerie (voir paragraphe 1.3.3 du chapitre 1) permet de distinguer deux pièges dipolaires, s’ils sont séparés d’une distance supérieure à 2 ¹m.
Ces expériences sont décrites dans les thèses de Nicolas Schlosser [81] et Georges-Olivier Rey- mond [82]. Une image typiquement observée sur la caméra CCD, en régime de fort chargement, est représentée en deux et trois dimensions sur la figure 2.2. La distance qui sépare les deux pièges est de 4 pixels, c’est-à-dire environ 4 ¹m. On peut facilement déplacer en temps réel un piège par rapport à l’autre en tournant la vis qui contrôle l’angle de la lame semi-réfléchissante utilisée pour superposer les deux faisceaux.Si l’on se place en régime de faible chargement, on voit les atomes arriver un par un dans chacun des deux pièges dipolaires. Comme l’illustre la figure 2.3, quatre configurations sont alors possibles : soit aucun atome n’est présent, soit on dispose d’un atome unique dans le site de droite ou de gauche, soit on dispose de deux atomes uniques, un à gauche et un à droite.