Réadmissions précoces aux urgences chez les plus de 75 ans
Au cours de cette étude, nous avons évalué les caractéristiques épidémiologiques et démographiques des patients de plus de 75 ans consultant aux urgences de deux hôpitaux de Marseille durant l’année 2016. La comparaison de deux groupes -celui des patients dont l’admission avait été unique pendant la durée étudiée à celui des patients dont le recours avait été multiple et précoce-, a permis de mettre en évidence tout à la fois plusieurs facteurs de risque de réadmission précoce, ainsi que certains facteurs pouvant se révéler protecteurs. L’intérêt d’une étude multicentrique dans deux CHU de Marseille a présenté l’avantage de diminuer les biais de sélection. En effet, les services d’urgences adultes de l’hôpital Nord et de la Timone représentent les deux plus grands services d’accueil des urgences de la ville et de ses alentours. En 2016 et sur l’ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), les personnes de plus de 75 ans représentaient 14 % des passages aux urgences tout motif confondu, soit 242 075 patients avec un sex-ratio hommes/femmes de 0,7. 53 % de ces patients étaient âgés de 75 à 85 ans inclus et 47 % avaient entre 86 et 120 ans (1). Dans notre étude, les personnes de plus de 75 ans représentaient 13,2 % des admissions pour l’hôpital Nord et 15,6 % pour celui de la Timone. La population étudiée était à prédominance féminine (63,7 %), constat qui impose alors une nuance à faire sur le résultat de l’analyse univariée avec des réadmissions précoces concernant majoritairement les femmes (57 % contre 43 %, p<0.001). Aucune différence significative n’a été retrouvée entre les sexes dans l’analyse multivariée (OR 1.02, IC 95 % 0.59-1.74). Selon les données régionales, l’admission de ces patients s’est faite à 22 % pendant la nuit (20 heures – 8 heures), 41 % en horaire de permanence des soins et 27 % le week-end (1). Notre étude a mis en évidence un taux de recours aux urgences en permanence des soins à 59,4 %, correspondant aux admissions la nuit de 20 heures à 8 heures, et le weekend. Les analyses uni- et multivariée ont montré que l’intégralité des réadmissions précoces faisait suite à une admission en permanence de soins 25 (p<0.001 ; OR 976.43, IC 95 % 128.24-7434.60). Cela s’explique ainsi aisément par les effectifs de personnels médicaux et paramédicaux réduits en période de permanence des soins, qui sont de facto moins disponibles pour une prise en charge optimale, contrainte temporelle oblige. Egalement, l’anticipation du retour à domicile reste plus délicate à organiser en dehors des horaires de journée et de semaine, en raison surtout de la relative indisponibilité des prestataires à domicile. Une récente étude observationnelle américaine multicentrique a par ailleurs étudié la mortalité en fonction des admissions, réadmissions et de ‘‘l’effet week-end’’ aux urgences. 550 000 patients ont été inclus pendant 5 ans, et il a été observé qu’une réadmission le week-end augmentait le risque de mortalité à 30 jours par rapport aux réadmissions un jour de semaine (OR 1.10, IC 95 % 1.01-1.20). Aucune différence n’a été mise en évidence concernant les comorbidités et le contexte social sur le taux de mortalité. Mais les réadmissions concernaient les personnes les plus âgées, avec des comorbidités et un contexte social défavorable (6). Sur l’ensemble de la région PACA en 2016, les arrivées aux urgences se faisaient dans 36 % des cas par un moyen personnel, 33 % par les pompiers, 28 % par des ambulances privées et 3 % par le Service Mobile d’Urgence et de Réanimation (SMUR). Le diagnostic principal était à 71 % médico-chirurgical, 24 % traumatologique, 1 % psychiatrique, moins de 1 % toxicologique et autre dans les 3% restants. La durée moyenne de passage était de 6h05 et la durée médiane 4h37. Enfin, 54 % des patients restaient hospitalisés (1). Notre étude aboutit à des taux similaires. En effet, le transport jusqu’aux urgences était effectuée à 70,7 % par les pompiers ou des ambulances privées, à 28,5 % par des moyens personnels, et à 0,8 % par le SMUR. Le diagnostic principal était à 64,7 % médico-chirurgical, 33,2 % traumatologique et 2,1 % psychiatrique. La durée moyenne de séjour aux urgences était de 5h28 et 52,4 % des patients étaient restés hospitalisés après leur admission aux urgences. Après analyse multivariée, être transporté aux urgences par le SMUR était associé à une augmentation du risque de réadmissions précoces aux urgences de 1,66, sans pour autant être significatif (OR 1.66, IC 95 % 0.68-40.66), peut-être du fait de la gravité clinique de ces patients bénéficiant d’un transport pré-hospitalier médicalisé. 26 En revanche, venir aux urgences par ses propres moyens était un facteur protecteur de réadmissions précoces (OR 0.39, IC 95 % 0.22-0.69). Cette différence n’est probablement pas liée au moyen de transport mais à l’état général des patients et leur gravité médicale. En effet, les patients venant aux urgences par leurs propres moyens avaient très certainement une pathologie moins grave, d’où une plus faible fréquence de réadmissions précoces. Une étude réalisée dans trois états américains a comparé les réadmissions à 7 jours contre celles à 30 jours après une sortie de soins de suite et de réadaptation pour des patients âgés de plus de 5 ans. Les patients réadmis lors de la première semaine après leur sortie étaient plus âgés, de race blanche, habitaient en milieu urbain, présentaient moins de comorbidités mais un nombre plus important d’admissions hospitalières précédentes. Une durée de séjour hospitalière plus longue était associée à un moindre risque de réadmissions précoces (7). Contrairement à l’étude de Carolyn Horney (7), notre étude a montré qu’habiter en dehors de Marseille était associé à un risque 2963 fois plus élevé de réadmissions précoces (OR 2 963.47, IC 95 % 690.08-12 726.33). Ce chiffre peut être expliqué en partie par la difficulté d’accès aux soins hors des agglomérations. En effet, médecins généralistes et cabinets paramédicaux d’infirmières ou de kinésithérapeutes sont plus rares dans les zones plus rurales, compliquant les prises en charges des personnes âgées. Les analyses univariée et multivariée de notre étude ont révélé plusieurs résultats statistiquement significatifs. Ainsi, l’âge médian tendait à être statistiquement significatif (p=0.053), mais sans grande différence clinique (83,3 versus 83,9 ans), de même que la durée de séjour (5 heures 25 contre 5 heures 31) qui était pourtant statistiquement significative (p<0.001). Cela peut s’expliquer par la taille de la population étudiée. En effet, les deux cohortes réunies représentaient un total de 4 799 patients. Les analyses statistiques ayant été réalisées avec un risque alpha de 5 %, l’amplitude de la 27 population étudiée rendait des résultats statistiquement significatifs sans différence clinique notable, et constituait une des limites de l’étude. En revanche, le mode de vie montrait quant à lui une franche différence puisque l’intégralité des réadmissions précoces concernait des patients de plus de 75 ans vivant à domicile (p<0.001), vivre à domicile représentait ainsi un risque 70,39 fois plus élevé de réadmissions précoces. Ces résultats s’expliquent aisément par l’organisation des soins paramédicaux à domicile en comparaison de ceux dispensés en EHPAD médicalisé, dans lesquels la personne âgée est en permanence encadrée et aidée.
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