La démocratisation des produits chinois sur le marché
Des produits d’accès facile
Le tableau montre l’absence de produits locaux et la prédominance des produits manufacturés non périssables. Ces produits sont très différents de ceux des quelques migrants ruraux qui proposent des produits agricoles, d’artisanat et autres. Ces articles, vendus par les marchands ambulants, sont facile d’accès car le client n’a plus besoin de se déplacer pour se les procurer.
Une multitude de jeunes bravent chaque jour les rue de Dakar et les zones d’affluence de la population pendant la journée pour distribuer ces produits.
On constate aussi que la presque totalité des produits sont copiés sur le marché sénégalais.
Qu’ils soient des produits identiques à ceux artisanaux ou industriels, ils sont vendus à des prix défiant toute concurrence.
L’absence de produits alimentaire dans le commerce chinois s’explique par le fait que ces derniers s’adressent à un nouveau type d’acteur, c’est-à-dire les citadins qui sont plus intéressés par le prestige social(les sénégalais s’habillent plus qu’ils ne mangent). Il s’y ajoute que l’approvisionnement en denrées alimentaire est détenu par d’autres migrants sur place et que les commerçants chinois sont taxés de contre façon sur tous leurs produits.
En avril 2010, des cuisses de poulets déjà cuites en provenance de chine sont commercialisées dans le marché Dakarois. Jusque là, les chinois n’avaient pas investi le secteur de l’alimentation excepté le lait. Le lait en provenance de la république populaire de chine a été interdit de commercialisation au Sénégal pour problème de santé tout autant que les cuisses de « poulets assaisonnées ». Malgré la rareté des chinois dans le secteur alimentaire, on a répertorié une superette avec pour enseigne ‘’RUISE Dakar superette du centenaire’’ gérée par des migrants de la république populaire de chine.
Dans la classification des produits selon l’usage, on voit bien sur le graphique que la catégorie habillement domine (39%) suivi des vendeurs de chaussures et de ceinture (22,6%).
Les vendeurs savent bien le goût et l’activité qui attirent le plus la clientèle. Et dans ce cas de figure, c’est l’habillement qui intéresse les clients. Ces derniers peuvent avec les moyens disponibles acheter quelques habits pour eux et pour leurs enfants. Cet état de fait n’est pas possible chez lez magasins libanais, Baol Baol et centres commerciaux. Ces structures de commerce vendent de la marchandise haute de gamme à des prix très chers. Les équipements domestiques viennent en troisième position totalisant 18%. Les vendeurs de matériaux de quincaillerie arrivent en dernier lieu. A travers ce graphique nous pouvons avouer que les commerçants chinois distribuent dans le marché Dakarois et sénégalais en général de nombreux articles. Toutefois à Dakar, l’inventaire des produits nous a permis de faire une comparaison sur les prix proposés et de voir la différence entre les prix des commerçants chinois et les autres acteurs.
Des produits de courte durée de vie
Même si les produits chinois sont faciles d’accès par la clientèle, il n’en demeure pas qu’il soit de bonne qualité. Ce constat est fait par plusieurs clients et revendeurs qui s’aventurent dans ces zones. Les produits chinois sont abordables mais ne durent pas longtemps. Les clients en sont conscients mais vue la cherté des autres produits ils n’ont pas le choix. Un parent d’élève que nous avons croisé durent notre enquête révèle qu’avec 15000f, il a acheté trois « Jean » et quatre « Tee shirt ». Ce qui est inimaginable dans les centres commerciaux. Certes, la qualité n’y est pas ; n’empêche ces enfants auront de quoi mettre pour la rentréescolaire. La crise est passée pa r là vous diront la majorité des sénégalais qui font leur achatchez les commerçants chinois. La durée de vie d’une paire de chaussure en provenance de Pékin n’excède pas un mois. De plus Les jeunes filles qui s’en procurent sont obligées de passer chez un cordonnier pour les recoudre afin de les préserver.
A la question, comment jugez-vous les prix proposés par les chinois ; les clients revendeurs et acheteurs ont dans la majorité des cas répondu par « abordable ». Les sujets concernés par cette enquête ont trouvé que les prix des articles chinois sont accessibles à la clientèle. Sur150 personnes, plus de la moitié soit 84 se disent satisfaite par les prix. Vingt neuf autres personnes sont d’avis que les prix sont bon marché. Seules 14 sur les cent cinquante affirmentque les prix sont chers. A travers ce tri, on peut dire que les prix proposé par les commerçants chinois dans le tissu commercial Dakarois défient toute concurrence. Ces propos seront étayés par les marchands ambulants. Ces derniers avouent que depuis l’arrivée des chinois les prix ont connu une déflation pour rejoindre le jargon économique. Dans cette baisse des prix imposée par les chinois, ce sont eux qui y bénéficient le plus ; car avec une modique somme on peut monter son propre commerce. C’est sans doute ce qui augmente le nombre incalculable de commerçants ambulants dans les ruelles et rues de Dakar.
De surcroit, les importants chiffres d’affaires réalisés par les chinois pendant une journée de travail le prouvent. Un intermédiaire travaillant pour eux avance la somme de plus d’un million par jour quand il ya arrivage d’un nouveau produit. Certes la nouveauté et la diversité des articles influent, mais il y a aussi la disponibilité de la marchandise par rapport aux prix. De ce fait, tous les revendeurs et gros commerçants se ruent chez eux avant rupture de stock. Cette affluence de la clientèle pour se procurer un article chinois à bas prix témoigne l’insertion (tissu commercial) et de l’acceptation de ce que font les chinois dans les allées du centenaire et son aire d’extension.
En fin, si on fait une comparaison entre les prix sur les marchandises en provenance de la chine et les prix des autres produits, on voit nettement qu’il y a une baisse (voir tableau des prix annexe). Cela témoigne des stratégies sur la baisse des prix pour attirer la clientèle.
II Réaction des acteurs du tissu commercial face à la pénétration chinoise Les réactions sont différentes selon les personnes enquêtées mais aussi selon que ces derniers aient connu une ascension ou une régression depuis l’arrivée des chinois et leur insertion dans le tissu commercial Dakarois.
Réaction des commerçants
Dans un guide d’entretien réservé à ces individus, les impressions retenues sont identiques.
Un commerçant trouvé dans le centre commercial Touba Sandaga, la cinquantaine nous livre en détail les péripéties auxquelles ils sont confrontés depuis l’apparition de nouveaux acteurs que sont les commerçants chinois. Il nous dit : « Tout allait bien avant l’arrivée des chinois dans le tissu commercial Dakarois. Notre chiffre d’affaire a baissé. Les gens ne viennent plus acheter chez nous de peur des fort prix qui, en réalité ne sont que des illusions. Les chinois copient nos articles et les proposent à bas prix sur le marché. Vous ne pouvez pas faire la différence entre un sac en provenance de chine et un autre d’Espagne ou de France ; sauf que la qualité n’est pas la même. Ce qui nous fait mal dans ce commerce, c’est que les ambulants qui assuraient la distribution de nos marchandises travaillent maintenant pour les chinois. Ce revirement de situation est du fait que ces derniers proposent de la marchandise à bas prix. On peut rester toute la journée sans vendre car les clients se font de plus en plus rares avec la conjoncture actuelle…. Tous les pays protègent leur nation en matière d’économie, en réservant les travaux aux nationaux. Le commerce est galopant, il faut qu’il soit réglementé. D’autant qu’il n’y a pas beaucoup d’usines dans ce pays donc le gouvernement doit protéger le commerce ». Un autre commerçant, lui, propose une autre stratégie : « Les autorités devraient leur imposer l’importation de marchandise de qualité car ils savent très bien en faire. Cela permettrait de rendre le marché stable parce que là il est vraiment déséquilibré. L’état devrait prendre des mesures pour réglementer l’importation des produits chinois sur le marché sénégalais ; mais aussi limiter la concurrence».
A travers ces interviews, on voit bien que la majorité de nos commerçants et importateurs sont gênés par la présence chinoise dans le tissu commercial.
En plus des sommes colossales perdus, ils ont perdu aussi leur intermédiaires, intermédiaires « Rangouman » dans le circuit commercial. Ces commerçants vendent de la marchandise de qualité en provenance d’Europe et des états unis. Cette marchandise étant haute de gamme est vendue assez chère et n’attire pas la clientèle car ; il est très fréquent de voir dans le centenaire, des articles avec une ressemblance frappante. Souvent des personnes (Rangouman) travaillant pour les quelques commerçants dans ces centres commerciaux sont accusés d’avoir amené les articles made in china dans ces aires commerciales. ils ont été chassé de ces édifices depuis que les produits chinois ont commencé à l’infester. Ce qui fait gonfler le nombre de distributeurs dans les artères et aires de vente de la capitale.
Un autre problème : le manque de confiance de la clientèle pour les produits. C’est ce qu’affirme une commerçante siégeant au marché HLM. Elle nous dit : « les clients qui veulent des produits de qualité viennent toujours s’approvisionner ici mais la plupart ne nous font plus confiance parce que les chinois falsifient nos articles. De ce fait les clients pensent que tout est chinois alors que la qualité est loin d’être ».
Un autre phénomène, nous dit un commerçant, vient compléter le décor : « les portables chinois sont vendus maintenant à des prix dérisoires. C’est comme qui dirait une aubaine pour la clientèle. Avec 15000 à 25000F CFA, vous pouvez vous procurez un portable deux puces ». Ce qui n’était pas imaginable il ya trois voire quatre ans. Tellement le rythme est galopant. Cette prolifération des portables de basse qualité fait l’affaire des réparateurs de portables qui se remplissent les poches à chaque fois que le portable tombe en panne. Cela est évidant car les chinois proposent dans nos marchés de la marchandise composée à 99% de contre façon ».
A entendre ces commerçants, on voit bien que les clients doutent de la qualité des produits que vendent ces derniers ; produits qu’ils retrouvent parfois dans les échoppes chinoises. Ces produits sont constitués dans la majorité des cas de contre façon d’après nos observations.
Enfin ces commerçants en appellent à l’état dans le but d’une aide éventuelle et d’une réglementation du marché. Certains affirment que les instances gouvernementales sont complices à cause des nombreux accords signés avec Pékin.
Réaction des marchands ambulants et clients
Si les commerçants accusent les chinois de mauvaises pratiques commerciales, les ambulants et les clients rencontrés se disent satisfaits de la présence chinoise dans le tissu commercial Dakarois.
L’étude de ce graphique (cf. graphique no 6) est une illustration de la satisfaction des clients et marchands ambulants face à l’insertion des migrants chinois dans les activités commerciales. Sur cent cinquante personnes enquêtées, plus de la moitié, soit 58% sont très satisfait des activités chinoises sur le centenaire et son aire d’extension. Cette catégorie est composée par les marchands ambulants et quelques clients trouvés sur place. Ces marchands ambulants ont connu une ascension depuis l’arrivée de ces nouveaux acteurs dans le commerce Dakarois.
Réaction des artisans
S’il existe une catégorie de personnes troublée par l’insertion des commerçants dans le tissu commercial sénégalais ; on peut sans doute designer les artisans. Les artisans sénégalais n’arrivent plus à écouler leurs produits sur le marché du fait que ces derniers sont concurrencés par ceux des chinois. Avant l’arrivée des chinois le constat était que les ambulant et quelques commerçants de la place vendaient de la marchandise en provenance des Etas unis, d’Europe et de Dubaï.
Ils commercialisaient aussi en plus de ces articles des chaussures et sacs fabriqués par nos artisans. Leurs produits se vendaient très bien et faisaient la fierté de ces derniers.
Aujourd’hui, ces produits artisanaux ne sont plus vendus normalement sur le marché car entrant en rivalité avec d’autres identiques, qui nous viennent de la chine. Les tissus teintés appelée Batik fabriqués par les artisans sénégalais ont perdu leur notoriété. Certains avouent que les chinois ont détruit le marché avec leurs marchandises de contre façon. De plus, cette marchandise est vendue à des prix très bas. C’est ce qui est la cause de la mévente de nos produits locaux. Dans le marché Dakarois et Sénégalais en général, il est très rare de trouver de la marchandise locale car ces derniers ont laissé libre champ aux nouveaux venus, préférant conquérir d’autres marchés de la sous région (Mali, Mauritanie, Guinée etc.).
Les articles chinois sont bradés maintenant par tous les commerçants sénégalais, qui eux aussi, ont changé de fournisseurs depuis l’arrivée des migrants chinois. Ce changement de situation, imposé par l’engouement porté sur les produits chinois et le délaissement de la production artisanale, incite à parler de pénétration chinoise dans le tissu commercial Dakarois. Cette atmosphère (mévente des produits locaux) conduit au chômage de nos artisans et les contraint à la migration. Là, nous sommes en présence d’une situation inverse où la migration chinoise au Sénégal entretient une autre migration ; celle de nos jeunes artisans en partance pour d’autres pays voire d’autres continents.
CONCLUSION GENERALE
Depuis l’an 2000, date du premier Forum Chine-Afrique à Pékin, les Chinois tissent leur toile. Les échanges commerciaux sino-africains n’ont cessé de croître durant cette période. Avec plus de 12 millions d’habitants, le Sénégal constitue l’un des marchés les plus intéressants en Afrique de l’Ouest. Cette situation fait qu’il est convoité par plusieurs communautés migrantes développant une multitude d’activités. Parmi ces activités domine le commerce. Les travaux de recherche actuels, en mettant l’accent sur l’analyse des stratégies commerciales et du comportement spatial des acteurs (chinois), ouvrent de nouvelles perspectives dans la compréhension du fonctionnement des systèmes de distribution et de territorialisation marchande.
En effet, le quartier des HLM centenaire et son prolongement n’ont pas échappé à cette nouvelle donne car, depuis 2005, ils ont subi des transformations au niveau de leur bâti. Ces transformations se sont opérées dans une perspective d’implantation d’activités commerciales et professionnelles dans les allées du centenaire. Notons toutefois que ces modifications du bâti ne s’expliquent pas uniquement par l’évolution des conditions sociodémographiques : le besoin de créer un espace commercial a motivé les chefs de ménage. Ils sont appuyés dans ce travail par des migrants chinois soucieux de marquer le territoire par des activités marchandes tout au long des deux allées qui bordent les avenues du General Degaulle. Ainsi, par les diverses modalités de l’appropriation signifiante dont elle fait l’objet, la territorialisation marchande révèle aussi la pluralité de l’identité chinoise à Dakar. Lesenseignes montrent autant le besoin de maintenir un lien fort avec le pays d’origine. L’identité et le regroupement spatial sont alors mobilisés comme une stratégie commerciale répondant aux besoins de la population et visant à élargir le marché à d’autres composantes culturelles (migrants) de la société d’accueil. L’analyse spatiale met en exergue des relations différenciées entre identité et territorialisation marchande : tandis que le quartier originel reste le lieu où l’affirmation de l’identité du pays d’origine demeure la plus vivace, la reprise de stratégies identitaires autochtones apparaît dominante dans la capitale. L’appropriation commerciale de l’espace constitue la marque territoriale d’un véritable processus d’insertion des chinois dans le tissu commercial Dakarois. On peut dire, en somme, que cette implantation récente est liée à la diversité des commerces, dont les produits et services s’adressent à une clientèle plus hétérogène. Il est très difficile de parler de spécialisation marchande car les chinois proposent différentes marchandises. Cette large distribution des articles n’affectent pas, par conséquent, tous les commerçants.