Réaction de l’agence au cours de l’adoption

Les guides existants et leurs lacunes

Il faut distinguer le moment particulier où une organisation déploie et met en place des processus BIM du moment où elle les exploite. Le nombre de guides à destination des architectes a considérablement augmenté en France, notamment depuis 2016. À titre d’exemple, la collection Blanche BTP de l’éditeur Eyrolles (Eyrolles 2021) 208 compte de nombreux ouvrages sur différents aspects du BIM. Ces guides concernent cependant principalement l’exploitation du BIM, et non son déploiement.
Depuis 2019, le CNOA propose un portail dédié au BIM (CNOA 2018d)209 qui centralise des notes, guides, manuels et brochures rédigés par le CNOA ou d’autres. Certains documents permettent de s’informer de façon générale sur le BIM : « le B.A.-BA du BIM », « le BIM : un atout pour l’architecture », « qu’est-ce que le BIM ? ». D’autres sont plus orientés vers la décision d’adopter des pratiques BIM et la préparation de l’implémentation : « Le BIM, combien ça coûte ? », « les outils informatiques pour concevoir en BIM », « choisir la bonne formation ». Certaines ressources sont utiles à l’exécution de processus BIM avec par exemple une proposition de trame de convention BIM ou des contrats de missions BIM. BuildingSMART France propose également des fiches d’aide (buildingSMART France 2019)210 : celles-ci se concentrent principalement sur des problématiques techniques.
Un manuel intitulé « premiers pas en BIM » à vocation pédagogique détaille des stratégies pour mettre en place son premier projet BIM (Maestri 2017). La majeure partie de l’ouvrage concerne cependant la compréhension des concepts de base du BIM relatifs aux niveaux de maturité, à la modélisation BIM, aux rôles, à la sémantisation de la maquette, aux protocoles d’échanges, etc. Ces éléments sont fondamentaux pour le développement de pratiques BIM, mais la dimension managériale et conduite du changement reste malgré tout effacée.
L’ensemble de ces ressources apportent des clés de compréhension indispensables et peuvent être un soutien technique précieux pour les agences. Mais cette littérature n’évoque pas (ou très peu) les problématiques managériales et stratégiques liées à l’implémentation du BIM.
• La littérature existante permet d’apporter des clés de compréhension ou un soutien technique. Elle est conséquente mais aborde peu les problématiques managériales et stratégiques liées à l’implémentation du BIM.
• La proposition peut donc s’appuyer sur cette littérature en orientant vers des guides existants dès que nécessaire. De cette manière, la proposition ne surcharge pas la littérature existante, mais peut au contraire lui donner une forme de cohérence tout en complétant une partie de ses lacunes.

L’accompagnement de l’implémentation positionné sur le processus d’adoption

Le processus d’adoption du BIM correspond aux différentes étapes par lesquelles passent les entreprises lorsqu’elles adoptent des pratiques BIM (de niveau 1 et/ou 2). Il couvre toutes les phases de l’adoption du BIM : de sa découverte à son intégration dans les pratiques de l’agence, en passant par son implémentation 211.
L’enquête que nous avons réalisée nous a montré que l’implémentation du BIM était une phase délicate pour de nombreuses agences. C’est cette phase que la proposition aborde. L’implémentation correspond à l’ensemble des activités qui sont entreprises pour déployer et pérenniser les outils, processus et méthodes de travail BIM au sein de l’agence : c’est un projet managérial et stratégique de changement organisationnel.
L’implémentation est impactée par les phases du processus d’adoption qui l’entourent : la validation (qui implique les motivations et objectifs de l’implémentation) et la phase de confirmation (qui est la continuité de l’implémentation) (voir Figure 119).
Au cours de la phase de validation, et pour prendre sa décision, le dirigeant se projette dans l’implémentation : il évalue la faisabilité de l’implémentation et clarifie ses objectifs (a, Figure 119). L’objet de notre proposition n’est pas d’influencer la décision des adoptants : au cours de cette période, ils s’appuient sur la documentation déjà abondante qui leur est disponible. Cependant, la faisabilité et les objectifs définis au cours de cette période sont à prendre en compte au cours de l’implémentation et dans la proposition que nous allons faire.
Après que le dirigeant ait décidé d’engager son agence dans l’implémentation, l’agence entre dans l’implémentation (b, Figure 119), puis dans la confirmation de l’adoption (c, Figure 119). Ce sont les phases critiques du processus d’adoption que nous proposons d’accompagner. Cette phase de changement peut être assez radicale : l’état de l’agence après l’implémentation n’est pas toujours stable. Le changement opéré n’est parfois pas pérenne et un retour en arrière est possible. L’ancrage des pratiques dans le temps doit être anticipé dans la proposition (d, Figure 119). Enfin, après l’implémentation et la phase de confirmation, l’agence retrouve un rythme moins soutenu et les nouvelles pratiques sont normalement ancrées dans les pratiques courantes de l’agence. À ce stade, il est important d’enclencher le processus d’amélioration continue qui est nécessaire à l’agence pour perdurer (e, Figure 119).
• La proposition doit donc considérer la fin de la phase de validation, accompagner l’implémentation avec le début de la confirmation, et préparer l’ancrage et l’amélioration continue.

Public ciblé par la proposition

Nous précisons ici les agences et les personnes au sein de ces agences qui sont concernées par la proposition.

Quelles agences sont concernées par la proposition ?

Toute agence qui souhaite mettre en place des pratiques BIM (de niveau 1 ou 2) quelles que soient ses pratiques numériques, et, quelle que soit sa taille. La proposition est plutôt centrée sur la phase de changement radical qui est difficile à appréhender par les agences.

La direction de l’agence : un acteur incontournable de la transition

Il arrive que le changement soit initié par les collaborateurs : on qualifie cette approche de « bottom-up », car elle émane du niveau opérationnel (Lupton 1991; Smeds, Haho, Alvesalo 2003). L’investissement du dirigeant dans le projet de transition est variable et dépend de sa sensibilité l’innovation, de son caractère, de son expérience et de ses compétences. Son implication va de la simple réponse aux propositions des collaborateurs à l’organisation et la mise en œuvre complète de l’ensemble du projet de transition (Nam, Tatum 1997).
Mais la transition ne peut pas être portée uniquement par les collaborateurs. La direction joue un rôle important dans cette transition pour que des pratiques puissent être ancrées durablement dans l’organisation et de façon homogène. Elle seule peut investir dans un parc informatique, logiciel ou encore dans le recrutement (De Boissieu 2020).
La transition ne peut pas non plus reposer uniquement sur le dirigeant : elle doit pouvoir être appropriée par les collaborateurs, sans quoi aucun changement ne sera possible (Bernoux 2015). Lorsque la décision d’implémenter des pratiques BIM dans l’agence est prise par la direction, le format que prend le changement dépend alors à la fois du profil du dirigeant et de celui de ses collaborateurs. Les changements peuvent être de plusieurs natures : plutôt imposés et prescrits ou proposés et coconstruits (Autissier et al. 2014 ; Hargrave, Van de Ven 2006). Un changement coconstruit sera plus facilement accepté au sein de l’organisation, causera moins de stress aux collaborateurs et aura donc beaucoup plus de chances de perdurer.
Il est donc important pour le dirigeant d’identifier les profils au sein (et hors) de son organisation sur lesquels il peut s’appuyer pour la mise en œuvre du changement et l’implémentation de pratiques BIM. La méthode ici proposée s’adresse également à eux.
• La direction de l’agence est un acteur incontournable de la transition, que ce soit par son caractère décisionnel ou par les valeurs qu’elle transmet aux autres membres de l’organisation. La présente proposition s’adresse donc en premier lieu à elle.
• La proposition s’adresse également aux personnes sur lesquelles elle s’appuie pour préparer, mettre en œuvre et pérenniser le projet de transition, car sans elles le changement au sein de l’organisation serait impossible.

Une feuille de route

Il existe de nombreux types de documents et contenus qui ont vocation à faciliter la diffusion et l’adoption du BIM : les feuilles de route, les cadres, plans d’exécution, protocoles, procédures, bonnes pratiques, etc.
La taxonomie du contenu de la connaissance BIM (BIM Knowledge Content Taxonomy) (Kassem, Succar, Dawood 2015) en propose trois catégories : les guides qui sont descriptifs et optionnels, les protocoles qui sont prescriptifs et optionnels et les mandats qui sont prescriptifs et obligatoires. Les auteurs précisent par ailleurs que « de nombreuses publications suggèrent des feuilles de route pour une adoption à l’échelle du secteur, mais rares sont celles qui fournissent des étapes de mise en œuvre ou des protocoles détaillés à suivre par les praticiens du secteur. »212 (Kassem, Succar, Dawood 2015).
Nous nous inscrivons dans la catégorie des « protocoles » définie par (Kassem, Succar, Dawood 2015), puisque nous proposerons des recommandations qui sont optionnelles et destinées à des praticiens. La proposition doit permettre aux entreprises d’intégrer leur propre contexte. Notre proposition prendra donc la forme d’une feuille de route pour accompagner les architectes dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur plan d’implémentation.
Un plan est un « document qui décrit les activités à réaliser, les ressources à utiliser et les étapes atteindre dans un temps défini » (Kassem, Succar, Dawood 2015). Le plan d’implémentation diffère du plan d’exécution BIM : le plan d’exécution décrit les activités relatives à un projet de construction tandis que le plan d’implémentation décrit les activités relatives au projet d’implémentation (activités visant à déployer des pratiques BIM dans une entreprise).

Une feuille de route pour déployer des pratiques BIM

Nous nous appuyons sur l’état de l’art, les résultats des entretiens, du questionnaire, des expérimentations et sur la comparaison de méthodes d’implémentation pour proposer différents points d’attention, concepts, outils et lignes directrices qui ont vocation à accompagner les agences d’architecture dans l’implémentation de pratiques BIM. Ces éléments sont organisés dans une feuille de route permettant aux agences de mettre en place et de conduire leur projet
d’implémentation.

Déroulement général de l’adoption et de l’implémentation

Cette partie constitue un rappel général sur le processus d’adoption et le déroulement de l’implémentation.

Le processus d’adoption

Le processus d’adoption n’a pas vocation à être prescriptif, il décrit simplement les phases par lesquelles passent tous les acteurs qui adoptent une innovation. Sa compréhension peut aider les adoptants à anticiper le changement et à se positionner. Expliciter ces étapes et permettre aux adoptants d’en prendre connaissance dès la phase de validation peut permettre de démystifier le changement à venir dans l’agence. Il peut servir également de support à l’équipe ou la personne qui pilote le projet d’implémentation BIM dans une agence pour communiquer avec les équipes. Dès la phase de validation, l’unité décisionnelle qui envisage d’implémenter des pratiques BIM a besoin de ressources et de guidage, notamment pour étudier la faisabilité du projet d’implémentation. La feuille de route ici proposée compte donc la phase de validation, puis une phase de diagnostic, de planification, d’exécution et d’ancrage.

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *