Cours sur les images rétiniennes, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
Etat de l’art
Ce sont Carelton S. et al. [25] qui eurent l’idée en 1936 d’utiliser la rétine à des fins d’identification après avoir vu une photographie des vaisseaux sanguins d’une rétine. Ils établirent que ces vaisseaux sont uniques pour chaque personne. Dans une étude sur les jumeaux identiques, Dr Tawer P. confirma cette unicité vingt ans plus tard [11], [26]. Dr J. Mattherw et Greg H. deux experts mondiaux de la médecine et de la technologie optique déposèrent en 2002 un brevet concernant cette technologie [27]. Ils ont cherché comment ils pourraient rendre une telle technologie accessible et facile à utiliser. Ils ont développé le premier prototype de leur appareil photo optique qui peut scanner la rétine et en obtenir une image lisible. L’utilisation de la rétine comme moyen biométrique est donc assez ancienne.
Le concept d’un dispositif simple pour identifier les individus avec la RI (Retinal Identification) a été conçu en 1975. Aucune implémentation concrète n’a été réalisée durant plusieurs années. Le premier prototype de fonctionnement pratique de la RI a vu le jour en 1981. Un appareil-photo de RI utilisant une lumière infrarouge a été relié à un ordinateur de bureau pour analyser les formes d’onde de la lumière réfléchie. Plusieurs formes d’algorithmes d’extraction de caractéristiques ont été évaluées. Quatre ans d’amélioration ont mené au premier système de production RI établi par EyeDentify, Inc. (Portland). Ce système fut nommé EyeDentification 7.5 et a rempli les trois fonctions de base : l’enrôlement, la vérification et la reconnaissance [9].
Robert Hill (1) présenta le premier système d’identification par la rétine en 1999 dans [9]. L’idée générale était de tirer profit des propriétés inhérentes de la structure du réseau vasculaire pour réaliser un système biométrique de haute sécurité. Le système consistait à acquérir les données de l’image rétinienne à l’aide d’un scanner en éclairant le fond de l’œil par un faisceau lumineux de faible intensité (inférieure à celle utilisée pour les examens médicaux). L’utilisateur devait fixer un petit point vert pendant quelques secondes.
Figure II.1 – Illustration de la bande scannée dans le système de Robert Hill [9].
Le scanner capturait une région du réseau vasculaire similaire à celle utilisée dans le système de reconnaissance par l’iris, comme montrée dans la Figure II.1. Cette zone scannée est une bande circulaire autour des vaisseaux sanguins. Cette information de contraste de ce secteur est traitée par l’intermédiaire de la transformée de Fourier rapide (Fast Fourier Transform). Les données transformées forment le pattern biométrique rétinien à considérer dans ce système. Ce système fonctionnait bien lorsque l’environnement d’acquisition des images était bien contrôlé. Naturellement, c’est également la source des inconvénients principaux actuels dans le dispositif : le processus d’acquisition de données. Ce processus était lent et inconfortable pour l’utilisateur. D’ailleurs, le matériel était très cher et, en conséquence, il a rendu le système rarement utilisable. Finalement, en dépit de ses propriétés commodes, l’évolution de cette technique d’utilisation des patterns rétiniens comme caractéristique biométrique s’est vu considérablement ralentie.
La vascularisation de la rétine est une caractéristique biométrique. En effet, la grande variété de configurations des vaisseaux sanguins présente la même diversité que les empreintes digitales. L’aspect des vaisseaux peut être modifié par l’âge ou la maladie, mais la position respective des vaisseaux, et plus particulièrement la position de l’intersection vasculaire et l’angle que fait chaque segment de vaisseau, reste inchangée durant toute la vie de l’individu. Et cette carte vasculaire est propre à chaque individu, différente même entre jumeaux [27].
La rétine vérifie donc les quatre conditions pour être qualifiée de biométrique. Elle est unique d’après les observations des ophtalmologistes, elle est universelle puisqu’elle existe chez toute personne, elle est accessible puisqu’on peut acquérir son image grâce à un scanner externe et elle est permanente puisque le réseau vasculaire ne change pas durant toute la vie. La biométrie par la rétine est une technologie très ancienne, elle est la plus fiable et la plus dure à contrefaire [28].
Cependant, cette technologie est très efficace mais assez contraignante pour les gens qui ont du mal à accepter de se faire examiner le fond d’œil tant que l’œil est un organe très sensible à la lumière. Ce procédé est donc invasif et difficile à mettre en œuvre. C’est ce qui explique la réticence de cette technologie.
Images rétiniennes
Anatomie de la rétine
La rétine est une membrane nerveuse très sensible sur laquelle viennent se former les images. Elle tapisse la paroi interne du fond de l’œil et forme une mince surface d’environ 0,5 mm, couvrant environ 75 % du globe oculaire et on y recense plus de 130 millions de cellules nerveuses. Elle est responsable de la lumière en impulsions électriques transmises au cerveau par le nerf optique.
La papille, la macula et l’arbre vasculaire sont les éléments principaux de la rétine, c’est-à dire les éléments qui sont bien visibles et qui permettent de se repérer dans l’œil.
La papille (disque optique) : C’est l’entrée du nerf optique (le faisceau des fibres nerveux) et des vaisseaux sanguins dans l’œil. La papille se trouve du côté nasal de la macula, elle est caractérisée par des bords nets et une coloration jaune, elle est aussi appelé « la tache aveugle » (Figure III.1).
La macula : C’est le centre de la vision. Elle apparaît comme une tache plus sombre dans les images couleur du fond d’œil. Le centre de la macula est la fovéa qui se caractérise par l’absence des bâtonnets, une plus grande concentration de cônes, une dépression de la rétine et l’absence de vaisseaux rétiniens. Elle est le centre focal de la vision en lumière du jour (Figure III.1).
La vascularisation: L’alimentation est réalisée par l’artère ophtalmique qui passe par le nerf optique et donne l’artère centrale de la rétine, qui se divise en deux branches pour se terminer par un réseau d’artérioles. Les artérioles se poursuivent en un réseau de capillaires très fins au niveau des cellules bipolaires. On en trouve partout hormis entre la papille et la macula (Figure III.1). La région maculaire est irriguée par les vaisseaux choroïdiens situés en arrière de la rétine. L’évacuation se fait par un réseau de veinules qui rejoignent les deux branches de la veine centrale de la rétine.
Il existe plusieurs anomalies qui peuvent affecter la rétine, les plus sévères et les plus répandues sont: La Rétinopathie Diabétique et la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
Les éléments qui permettent de distinguer entre deux rétines sont les veines qui les tapissent. La disposition de ces veines est stable et unique d’un individu à l’autre (même d’un œil à l’autre du même individu (voir Figure III.2).).
Les modèles qui en sont issus héritent de la stabilité de cette disposition
(a) L’image de l’œil gauche (b) Image de l’œil droit (avec rotation de 180°)
Figure III.2 – Exemple d’images rétiniennes droite et gauche d’un même individu [100].
De plus, pour un fraudeur, il est impossible de pouvoir reproduire ce motif, d’où un très haut niveau de sécurité.
Le réseau veineux rétinien est numérisé et cartographié sous forme de lignes et de points. On peut ainsi recenser jusqu’à 400 points caractéristiques (rappelons qu’une empreinte digitale n’en compte que 30 à 40).
Acquisition et représentation des images
Capture des images rétiniennes
Bien qu’elle soit réputée d’être très fiable et difficile à falsifier, la rétine n’a pas connu un intérêt aussi important que les autres techniques biométriques, à cause de la difficulté d’acquisition de l’image du fond d’œil. Cependant, Carelton Simon et Greg Heacok se sont intéressés à la biométrie par la rétine et avaient commercialisé en 2002 le premier prototype de leur appareil d’acquisition de la rétine [27].
De nos jours, les appareils d’acquisition d’image rétinienne connus sous le nom de rétinographes (voir Figure III.3), utilisés dans les examens médicaux de la rétine, sont capables de prendre une photographie instantanée de la zone de la rétine, dans un œil humain, sans aucun balayage intrusif ou dangereux.
Figure III.3 – Deux exemples d’appareil d’acquisition d’images rétiniennes (rétinographie).
De même, des lecteurs de rétine sont de plus en plus disponibles, et permettent d’obtenir des images de très grande qualité (Figure III.4). Ils capturent l’image d’une rétine en éclairant le fond d’œil à l’aide d’un faisceau lumineux à travers la pupille et le corps vitreux. Ce faisceau est de très faible intensité pour ne pas gêner l’utilisateur ; il est sans danger et encore de plus faible intensité que sur les dispositifs ophtalmologiques. Un système de caméra très précis vient ensuite récupérer l’image de la rétine.
Figure III.4 – Exemples de lecteurs de rétine disponibles sur le marché (en 2011) [103].
Cette technologie réduit la perception du danger par l’utilisateur pendant le procédé d’acquisition de la rétine mais apporte également plus de liberté produisant un type plus hétérogène d’images rétinienne. Les conditions d’éclairage et le mouvement de l’œil de l’utilisateur varient entre les acquisitions. Par conséquent, les systèmes précédents basés sur l’information de variation de contraste de secteurs réduits (ex : système de Robert Hill vu un peu plus haut dans ce chapitre), peuvent manquer de précision, dans certains cas, en augmentant le taux des faux rejets.
Les images utilisées, tout le long de notre travail de recherche, sont des images provenant d’une base de données à usage publique (voir [99] pour plus d’informations sur ce sujet). Le choix de la base d’images à utiliser s’est avéré complexe. Ceci est dû au fait que la majorité des bases publiques ont été construites pour des projets dans un contexte médical. Soit elles concernent des prises d’images de sujets pathologiques, soit la base ne contient qu’un seul échantillon par individu. Ceci dit, la seule base qui a semblé être la plus adaptée à nos besoins est la base ARIA [100].
Disponible à l’adresse : http://www.eyecharity.com/aria_online/, Analysis Retinal Image Archive est une base d’images de fonds d’œil, récoltée lors d’un projet de recherche unissant l’Unité St-Paul Eye, de l’Hôpital Universitaire Royal Trust de Liverpool, et le Département d’Ophtalmologie, Sciences Cliniques, Université de Liverpool, de la Grande-Bretagne. Elle se divise trois ensembles d’images rétiniennes : le premier contient 92 images de sujets atteints d’une dégénération de la macula due à l’âge (AMD), un deuxième contient 59 images de sujets diabétiques et le dernier contient 61 images de sujets sains. Toutes les images du fond d’œil ont été acquises avec une caméra « Zeiss FF450+ fundus camera », avec un champ visuel de 50° d’angle, initialement enregistrées sous le format TIFF. Ensuite, les images ont été converties dans le format compressé JPG pour la mise en ligne sur le site d’ARIA. Les images sont représentées dans un espace couleur RVB (8-bits), et ont une résolution de 768×576. En plus des images complètes du fond d’œil, la base ARIA contient aussi deux images du réseau vasculaire (segmenté manuellement par deux experts différents), et une image indiquant le contour de la papille et le centre de la macula, pour chaque image couleur de la base.
Un aperçu des images couleur de la base ARIA est montré dans la Figure III.5.
Figure III.5 – Echantillon de la base d’images ARIA [100].
Cependant, lors des opérations d’identification (avant d’entamer les procédures d’enrôlement, de vérification et/ou de reconnaissance), un prétraitement des images acquises s’impose afin de réduire les facteurs nuisant au processus de comparaison.
Représentation des images
Après l’acquisition, nous allons nous intéresser dans cette deuxième partie du paragraphe à la représentation de ces images du fond d’œil. La première idée qui nous vient à l’esprit est la représentation de ces images couleur, obtenues depuis les lecteurs de rétines ou de rétinographes, en niveau de gris (NG), c’est-à-dire représenter les pixels en intensité lumineuse [31], dans le but d’augmenter le contraste et extraire le réseau vasculaire d’une manière efficace et fiable.
(a) L’image originale [100] (b) L’image en Niveau de Gris (NG)
Figure III.6 – La transformation d’une image couleur en une image en niveau de gris.
En observant l’image en niveau de gris dans la Figure III.6 (b), nous remarquons que le contraste n’est pas vraiment élevé (surtout autour des petits vaisseaux), ce qui peut poser des problèmes lors de l’extraction des caractéristiques :
Dans les images en niveau de gris, la luminosité est très faible, alors les informations se mélangent, et on obtient beaucoup de faux positifs lors de la détection du réseau vasculaire.
Les vaisseaux sanguins sont souvent corrompus par le bruit, ce qui rend l’extraction des bords des vaisseaux pénible.
Pour contrer ces problèmes, nous utilisons l’image couleur dans le système (rouge, vert, bleu), ou chaque canal permet l’extraction d’une information spécifique. La représentation d’une image couleur dans l’espace permet d’étudier séparément les différents canaux de la réponse spectrale. (Pour plus d’information sur la représentation des images dans l’espace voir l’annexe C).
Les trois canaux (rouge, vert et bleu) sont montrés dans la Figure III.7.
Si l’on regarde le canal rouge (Figure III.7 (b)), on voit des vaisseaux de la choroïde. Ils apparaissent très flous ; ils ne sont pas présents dans les autres canaux. De plus, on peut constater que les vaisseaux rétiniens apparaissent comme les plus contrastés dans le canal vert (Figure III.7 (c)). Même comparé avec les canaux d’autres espaces couleur, c’est le canal vert qui donne le meilleur résultat au niveau du contraste des éléments sanguins. Le canal bleu contient très peu d’informations (Figure III.7 (d)), et de plus, il est très bruité. Les vaisseaux n’y sont presque pas présents, la papille et la macula sont vaguement visibles, et la dynamique est minime.