Epidémiologie
L’épidémiologie des MNM est difficile à établir avec certitude. Leur complexité, leur variabilité ou encore leur rareté ne permettent pas toujours aux médecins même les plus aguerris d’orienter rapidement les patients. Les techniques de diagnostic peuvent également dans certains cas être inexistantes ou peu efficaces. Ceci combiné peut entraîner des retards dans le diagnostic.
En 1991 on trouve globalement une prévalence de 1 pour 3500 toutes MNM confondues. [61] Cette prévalence était néanmoins bien en deçà des réelles estimations, les techniques génétiques de diagnostic ayant été très largement améliorées depuis. Une étude de 2015 étudiant une trentaine de MNM montre une augmentation des prévalences dans de nombreuses MNM dont la FSHD ; amenant la prévalence autour de 0,05 à 9 pour 100 000 personnes. La plupart des MNM ont une prévalence comprise entre 1 et 10 pour 100 000 personnes à l’exception de la neuropathie motrice multifocale, du syndrome de Lambert-Eaton, de la dystrophie d’EmeryDreifuss, de la dystrophie musculaire oculopharyngée et des dystrophies musculaires congénitales par exemple ayant une prévalence inférieure à 1 pour 100 000 personnes. En revanche, celle du syndrome post-poliomyélite et de la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) ont révélé des prévalences supérieures à 10 pour 100 000 personnes. Ces nombres ne sont pas fixes et évoluent avec les avancées scientifiques. [62]
Diagnostic
La démarche diagnostique est fondée sur une enquête clinique initiale rigoureuse, orientant le choix des investigations complémentaires. On évoque d’emblée une pathologie musculaire devant une myolyse aiguë (tableau brutal de nécrose musculaire avec une forte élévation des CPK et myoglobinurie, c’est-à-dire la présence de myoglobine dans l’urine) ou devant un déficit moteur progressif s’accompagnant d’une modification du volume musculaire (amyotrophie, parfois hypertrophie) et souvent d’une élévation des CPK. Ceci étant dit, d’autres circonstances moins conventionnelles peuvent être un premier signe de MNN comme une intolérance à l’effort ou encore une hypotonie néonatale. La collecte de tous les éléments cliniques et paracliniques fait partie de la seconde étape pour parvenir au diagnostic étiologique.
Le premier interrogatoire est primordial. Nature des symptômes, profil chronologique, âge de déclaration des premiers symptômes, rapidité d’évolution de la symptomatologie, transmission familiale, contexte iatrogène ou toxique sont autant d’éléments qui guideront le médecin vers le bon diagnostic. Des examens complémentaires peuvent être demandés pour confirmer ou dans le cas où le diagnostic serait toujours incertain. L’équipe soignante dispose de différentes options comme par exemple le dosage des CPK, l’électromyogramme, l’imagerie musculaire (scanner ou IRM), ou encore la biopsie musculaire. Certaines MNM peuvent être similaires au niveau de leurs signes cliniques. Selon l’âge de consultation, il peut être difficile de différencier certaines maladies les unes des autres. La caractérisation de l’anomalie moléculaire pour les affections musculaires génétiques s’avère efficace pour confirmer définitivement le diagnostic et proposer un conseil génétique. Depuis vingt ans, les progrès des techniques de diagnostic, en particulier celles génétiques, ont été considérables. Le diagnostic peut désormais être posé avec certitude dans de nombreuses pathologies en quelques jours et peut être réalisé à tous les moments de la vie du patient ou de personne désireuse de connaître leur statut ou celui de leur progéniture face à une maladie. Ces tests génétiques permettent très souvent de mettre fin à l’errance diagnostique dans le cas où la complexité de la pathologie ne permet pas de poser clairement le diagnostic. Ces tests ne sont cependant pas toujours réalisables lorsque le gène est inconnu ou les mutations trop nombreuses. [63][64]
Les différents types de maladies neuromusculaires
MNM primitives
Amyotrophies musculaires spinales
Les amyotrophies spinales ou SMA (« spinal muscular atrophy ») comprennent plusieurs types de troubles héréditaires.
Elles sont caractérisées par une raréfaction des muscles squelettiques en rapport avec une dégénérescence progressive des cellules de la corne ventrale de la moelle épinière et des noyaux moteurs du tronc cérébral. Elles font partie des maladies neuromusculaires les plus courantes chez les enfants. Elles résultent habituellement de mutations autosomiques récessives du gène SMN1 (« survival motor neuron 1 ») et dans une moindre mesure, SMN2 (« survival motor neuron 2 »), tous les deux situés sur le bras court du chromosome 5 entraînant un déficit en protéine SMN (« survival motor neuron »), essentielle aux motoneurones. Bien que les atteintes musculaires se focalisent essentiellement sur les muscles proximaux, leur expression clinique varie selon les individus. Elle peut comprendre une hypotonie, une hyporéflexie, des difficultés à la succion, à avaler et à respirer, des étapes du développement non atteintes et dans les formes les plus graves une mort prématurée. De par leur grande hétérogénéité, les SMA ont fait l’objet de nombreuses classifications se basant sur l’âge de début des premiers symptômes, l’âge de l’enfant au moment du décès, les capacités fonctionnelles, la gravité de la maladie… En plus des traitements habituellement retrouvés dans la prise en charge des MNM, un premier traitement curatif a vu le jour en 2016, le Nusinersen, un oligonucléotide antisens. Aujourd’hui quatre grandes catégories se dégagent [64][65] :
Neuropathies héréditaires sensitivo-motrices
Plus connues sous le nom de maladies de Charcot-Marie-Tooth ou CMT et à ne pas confondre avec la maladie de Charcot seule (aussi appelée sclérose latérale amyotrophique). Ces CMT regroupent différentes pathologies en fonction de la localisation des atteintes. On parle de CMT1 et CMT4 dans le cas où la gaine de myéline est uniquement touchée, de CMT2 si c’est uniquement l’axone, de CMTX lorsqu’elle est due à des mutations sur le chromosome X ou de DI-CMT (CMT intermédiaire) lorsqu’elle atteint aussi bien l’axone que la gaine de myéline. Des anomalies sur plus de cinquante gènes peuvent en être responsables. Les CMT1 démyélinisantes et transmises de façon autosomique dominante représentent près de 50 % de la totalité de CMT.
Elles se manifestent classiquement par une diminution de la force musculaire, une fonte des muscles au niveau des extrémités des jambes (pieds et mollets) et plus tardivement, des mains et des avant-bras. Des troubles de l’équilibre, une diminution de la sensibilité (au toucher, à la chaleur, au froid…) au niveau des pieds et des mains y sont fréquemment associés. D’autres atteintes sont également retrouvées : douleurs, fatigabilité et atteinte respiratoire Leur sévérité ainsi que leur évolution sont imprévisibles même au sein d’une même famille mais elles sont généralement de progression lente. Les CMT peuvent conduire à un handicap particulièrement lourd. Il n’existe à l’heure actuelle pas de traitement curatif, les patients devant uniquement compter sur la prise charge symptomatique (kinésithérapie, appareillage, chirurgie orthopédique, aides technique etc…). Un espoir est néanmoins permis. Des résultats de phase 3 prometteurs pourraient à terme permettre aux patients touchés par la CMT de type 1A d’être traités à l’aide d’un composé du nom de PXT3003 et d’en guérir. [63][64]
Myasthénies
Syndromes myasthéniques congénitaux
Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) sont des pathologies génétiques débutant habituellement dès la naissance. Ils sont causés par des anomalies des protéines de la jonction neuromusculaire. Il en existe plus de 300 à ce jour qui sont classés en fonction de la localisation du défaut. [66]
Les présynaptiques : de transmission autosomique récessive, elles sont causées par anomalie du gène ChAT codant pour la choline acétyltransférase. Elles sont caractérisées par des épisodes d’apnées conditionnant le pronostic. Elles s’améliorent en règle générale durant l’enfance.
Syndrome myasthénique de Lambert-Eaton
Comme pour la myasthénie grave, c’est un trouble auto-immun d’apparition relativement tardif. En revanche, l’atteinte se situe au niveau présynaptique et plus postsynaptique. 90 % des patients possèdent des anticorps pathogéniques dirigés contre les canaux calciques voltagedépendants (CCVD) de type P/Q. Le dysfonctionnement et la diminution du nombre de ces canaux inhibent la libération de l’acétylcholine des terminaisons présynaptiques, ce qui conduit à une altération de la transmission neuromusculaire et à une faiblesse musculaire. Elle est caractérisée par une triade clinique de faiblesse des muscles proximaux, perturbation du système nerveux autonome et diminution des réflexes tendineux. Des cancers à petites cellules (CPC) sont régulièrement associés au syndrome de Lambert-Eaton réduisant considérablement l’espérance de vie. Le traitement repose sur une approche symptomatique incluant l’utilisation de 3,4-diaminopyridine phosphate (DAP). Une immunosuppression peut être préconisée dans le cas où le traitement symptomatique n’est pas assez efficace. Durant les crises, une plasmaphérèse et l’administration de fortes doses d’immunoglobulines intraveineuses (IVIG) peuvent être envisagées mais elles sont de courte durée. [68]
Myopathies d’origine génétique
Les myopathies sont un groupe extrêmement hétérogène de pathologies neuromusculaires dont le principal symptôme est une faiblesse musculaire due à un dysfonctionnement de la fibre musculaire qu’il soit structurel ou métabolique. Les autres symptômes de la myopathie peuvent inclure des crampes musculaires, de la raideur et des spasmes. Les myopathies peuvent être héréditaires ou acquises (traitées dans la partie b. MMN secondaires)
Myopathies métaboliques
Les myopathies métaboliques sont des troubles génétiques qui altèrent le métabolisme intermédiaire dans les muscles squelettiques. Il peut s’agir d’une altération de la glycolyse/glycogénolyse aussi appelées glycogénoses musculaires, du transport et de l’oxydation des acides gras ou lipidoses musculaires (défauts d’oxydation des acides gras) ou encore une altération de la chaîne respiratoire. Ces maladies diffèrent parfois beaucoup les unes des autres et se manifestent par des atteintes musculaires (fatigue musculaire et myalgies à l’effort, crampes et/ou faiblesse musculaire permanente progressive et atrophie musculaire). D’autres manifestations sont également retrouvées comme des atteintes cérébrales, cardiaques, des nerfs périphériques, du foie, des reins, un risque myoglobinurie ou encore des accès d’hypoglycémie. La prise en charge devra être adaptée en fonction du type de pathologie et du type d’atteinte. Kinésithérapie, conseils diététiques, entrainement physique contrôlé, solution orthopédique, certains traitements comme les vitamines ou les coenzymes Q par exemple peuvent être proposés.
Les glycogénoses musculaires, maladies autosomiques récessives, sont dues à un défaut dans la chaîne de réactions chimiques qui transforme les sucres apportés par l’alimentation en énergie (ATP). Lors de l’exercice physique, le glycogène ne peut être transformé en glucose pour fournir l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de la cellule musculaire. Le glycogène non utilisé va s’accumuler de façon excessive dans les cellules de différents organes. Au sein de cette classe, citons la maladie de McArdle ou glycogénose de type V due à un déficit de l’enzyme phosphorylase musculaire ou myophosphorylase (gène localisé sur le chromosome 11) ou encore celle de Cori ou glycogénose de type III due à un défaut d’un ou des deux sites d’activité de l’enzyme débranchante (gène localisé sur le chromosome 1) nécessaire pour dégrader les points de branchement quand le glycogène est catabolisé. Les lipidoses musculaires sont également des maladies génétiques autosomiques récessives. Elles sont dues à un défaut dans la chaîne de réactions chimiques qui transforment les acides gras apportés par l’alimentation en énergie utilisable par l’organisme (bêta-oxydation des acides gras). Ils vont s’accumuler dans les cellules musculaires et ne pourront plus être utilisés. Ces lipidoses se manifestent généralement lors d’un jeûne et / ou lors d’un exercice physique. Il en existe plusieurs selon le déficit : déficit en carnitine, en carnitine-palmitoyl transférase de type II (CPT II) , en acyl CoA déshydrogénase ou encore en VLCAD (« Very Long Chain Acyl-CoA Dehydrogenase »).
Les myopathies mitochondriales sont causées par un dysfonctionnement de la chaîne respiratoire et représentent un ensemble de maladies très hétérogène. Leur transmission est complexe, elle peut se faire selon une transmission dite mendélienne ou mitochondriale. Elles comprennent notamment le syndrome de MELAS (« Mitochondrial Encephalopathy Lactic Acidosis Stroke-like »), le syndrome de MERRF (« Myoclonic Epilepsy Ragged Red Fibers »), le syndrome de Kearns-Sayre, l’ophtalmoplégie progressive, la myopathie oculaire… En plus des atteintes musculaires précédemment décrites pour les myopathies métaboliques, une faiblesse permanente des muscles des yeux (ophtalmoplégie) et une chute des paupières (ptosis) sont souvent présentes. [63][64][69]
Dystrophies musculaires
Les dystrophies sont en soit des formes particulières de myopathies. Elles partagent une faiblesse musculaire progressive affectant les muscles squelettiques associée à un phénomène de dégénérescence dystrophique/régénération visible au microscope. Des gènes anormaux interfèrent avec la production de protéines nécessaires à la formation d’un muscle sain. Il existe une variabilité importante dans les caractéristiques génétiques, biochimiques, la distribution de la musculature affectée, le degré de compromission respiratoire ou cardiaque et l’implication d’autres systèmes d’organes tels que les yeux ou encore le système nerveux central. Il existe également une variabilité parmi les patients atteints du même trouble en ce qui concerne l’âge d’apparition, la gravité, la progression, le pronostic et, par conséquent, la prise en charge optimale.
Congénitales
Les dystrophies musculaires congénitales (DMC) représentent un groupe hétérogène de myopathies d’origine génétique, majoritairement autosomiques récessives. Plus d’une trentaine de gènes auraient été découverts. Elles ont en commun un début avant l’âge de un an marqué essentiellement par une hypotonie avec faiblesse musculaire, responsable d’un retard et de troubles de l’autonomie motrice. Des manifestations orthopédiques et respiratoires, plus ou moins sévères, précoces et évolutives, sont les principales conséquences de cette pathologie. Différentes classifications ont été proposées reposant sur l’atteinte ou non du système nerveux central par exemple, aujourd’hui la classification repose principalement sur des arguments physio-pathologiques, issus de la biologie moléculaire et de la biochimie. Leurs prises en charge restent symptomatiques. On tend ainsi à distinguer les : [70]