Rappels sur les cholestériques
Ordre orientationnel
Les cristaux liquides auxquels nous allons nous intéresser sont constitués de molécules de forme allongée, relativement rigides. Dans la phase liquide isotrope usuelle, les molécules ont des positions et des orientations aléatoires. Lorsque le système est refroidi en dessous d’une température TN I, il subit une transition de phase. Les molécules tendent à s’orienter autour d’une direction locale commune, repérée par un vecteur unitaire, le directeur, noté ~n(~r). On notera z l’axe vertical orienté vers le haut. L’orientation du directeur sera repérée par les angles d’Euler θ et φ, θ désignant l’angle entre le directeur et le plan xy horizontal et φ désignant l’azimut du directeur par rapport à l’axe x. On peut définir un paramètre d’ordre noté S pour la transition liquide isotrope-cristal liquide : S = 3 < (~u ·~n) 2 > −1 2 où ~u est l’axe d’une molécule et < . > désigne une moyenne sur les molécules. Nous supposerons que S ne dépend que de la température.
Anisotropie L’existence d’une direction 1 privilégiée brise l’isotropie du milieu
Les propriétés physiques telles que les conductivités thermique λ et électrique σ, la permittivité diélectrique relative ε, l’indice optique n, etc. ont des valeurs différentes dans la direction du directeur et perpendiculairement. Le milieu est anisotrope et les grandeurs précédentes sont des tenseurs et non des scalaires. On notera respectivement avec les indices ∥ et ⊥ les grandeurs dans les directions parallèle et perpendiculaires au directeur. La grandeur indicée a représentera la différence entre la grandeur parallèle et la grandeur perpendiculaire. Par exemple, εa = ε∥ − ε⊥. Dans le cas des indices optiques, on utilisera les notations suivantes : ne (respectivement no) désignera l’indice extraordinaire (respectivement, ordinaire), correspondant à une polarisation parallèle (respectivement perpendiculaire) au directeur et ∆n = ne − no représentera la biréfringence. Dans un cholestérique le directeur tend à former spontanément une hélice dont le pas p dépend de la température. La torsion spontanée est définie comme q0(T) = ±2π p , p étant positif. Elle est positive si l’hélice est droite et négative si l’hélice est gauche. Dans un cholestérique compensé, il existe une température T0 à laquelle q0 s’annule et change de signe. À cette température, l’état le plus stable est donc uniformément déroulé, comme dans un nématique.
Élasticité
Les déformations du champ de directeurs par rapport à sa configuration d’équilibre en absence de contraintes sont défavorables énergétiquement. L’énergie libre volumique f associée à une déformation quelconque vaut f = K1 2 ∇ · ~ ~n 2 + K2 2 ~n · ∇ × ~ ~n + q0 2 + K3 2 ~n × ∇ × ~ ~n 2 (2.1) Dans cette expression, les trois termes correspondent aux trois modes possibles de déformation : K1 est la constante élastique associée à une déformation en éventail, K2 correspond à une déformation de torsion, tandis que K3 est associé à une déformation de flexion. Figure 2.2 – Déformations élastiques élémentaires : éventail (K1), torsion (K2) et flexion (K3). Il est facile de vérifier que la configuration de plus basse énergie correspond à une structure en hélice du directeur telle que ~n(~r) = cos q0z e~x + sin q0z ~ey (2.2) dans un repère orthonormé direct (e~x, ~ey, ~ez) quelconque. La constante q0 caractérise donc la torsion spontanée de la phase cholestérique, puisqu’à l’équilibre 2 f = 0 et la torsion réelle −~n · ∇ × ~ ~n est égale à q0. 2. À l’équilibre, f est minimum, donc f = 0. 21
Polarisation
La polarisation macroscopique du cristal liquide peut avoir deux origines : elle peut être induite par un champ électrique extérieur ou provenir d’une déformation du champ de directeurs. Dans ce dernier cas, on parle de flexo-électricité. Détaillons ces deux mécanismes de polarisation. Du fait de la polarisabilité des molécules, le milieu acquiert une polarisation volumique induite en présence d’un champ électrique : ~P = ε0χ~E = ε0 χ⊥ ~E + χa(~n · ~E)~n (2.3) où χ est le tenseur de susceptibilité diélectrique du cristal liquide. Le vecteur déplacement électrique D~ = ε0 ~E + ~P vaut donc D~ = ε0ε⊥ ~E + ε0εa (~n · ~E)~n (2.4) avec ε⊥ = 1 + χ⊥ et εa = χa. Les dipôles permanents portés par les molécules du cristal liquide peuvent aussi produire une polarisation volumique macroscopique à condition que leur orientation moyenne ne soit pas nulle. C’est généralement le cas lorsque le champ de directeurs est déformé en éventail ou courbé, cf. figure 2.3. Ce phénomène porte le nom de flexo-électricité. Par des arguments de symétrie, on peut montrer que la polarisation flexo-électrique vaut ~P = e1 (∇ · ~ ~n) ~n + e3 ~n × ∇ × ~ ~n (2.5) où e1 est la constante flexo-électrique associée à une déformation en éventail tandis que e3 est associé à une déformation de flexion. Le vecteur déplacement électrique vaut donc dans le cas général D~ = ε0ε⊥ ~E + ε0εa(~n · ~E)~n + e1 (∇ · ~ ~n)~n + e3 ~n × ∇ × ~ ~n (2.6) et la densité volumique d’énergie électrique − R E 0 D~ · d~E s’écrit felec ´ = −ε0ε⊥ E 2 2 − ε0εa (~n · ~E) 2 2 − e1 (∇ · ~ ~n)(~n · ~E) − e3 (~n × ∇ × ~ ~n) · ~E (2.7) 22 2.5 Équation d’équilibre des couples Figure 2.3 – a et c : en l’absence de déformation, la moyenne des moments dipolaires des molécules est nulle. b : apparition d’une polarisation spontanée lors d’une déformation en éventail. d : apparition d’une polarisation spontanée lors d’une déformation de courbure. [Mey69] 2.5 Équation d’équilibre des couples 2.5.1 Couple élastique Lorsque le champ de directeurs est déformé, les molécules s’orientent de façon à minimiser l’énergie élastique totale F = $ f dx dy dz (2.8) où f est la densité volumique locale d’énergie élastique. Partant d’une configuration quelconque du directeur, une petite variation δ~n(~r) de cette configuration entraîne une variation de l’énergie libre totale δF = $ δ f dx dy dz = − $ ~hmol · δ~n dx dy dz (2.9) On a introduit ici la dérivée fonctionnelle ~hmol(~r) = − δ f δ~n(~r) (2.10) 23 2 Rappels sur les cholestériques appelée le champ moléculaire 3 . On peut montrer que pour minimiser l’énergie élastique totale F, les interactions moléculaires tendent à aligner le directeur le long de ~hmol, avec une « force » égale à son amplitude. Le couple volumique qui s’exerce sur le directeur dû aux interactions moléculaires s’écrit donc ~Γmol = ~n ×~hmol (2.11) 2.5.2 Couple électrique De même, la densité d’énergie électrique dépend de l’orientation du directeur. Il s’exerce donc un couple supplémentaire sur le directeur. L’analogue électrique du champ moléculaire est ~helec ´ = − δ felec ´ δ~n (2.12) On peut le décomposer en une partie d’origine diélectrique et une partie d’origine flexo-électrique. La partie diélectrique vaut ~hdiel´ = ε0εa (~n · ~E)~E (2.13) et la partie flexo-électrique vaut 4 ~hflexo = (e1 + e3)(∇ · ~ ~n)~E − e1 ∇~ (~n · ~E) + e3 (~n · ∇~ )~E − e3 (∇~ ~n) · ~E (2.14) Le couple électrique total se déduit de ~helec ´ par la relation ~Γelec ´ = ~n ×~helec ´ (2.15) 2.5.3 Couple visqueux Lors d’une rotation du directeur, celui-ci subit un couple visqueux qui s’oppose au changement d’orientation. En l’absence d’écoulement, ce couple s’écrit ~Γvis = −~n × γ1 ∂~n ∂t (2.16) Le coefficient γ1 est appelé viscosité rotationnelle. Il n’a pas d’équivalent dans les fluides isotropes. 3. Ses composantes sont hmol i = − ∂ f ∂ni + d dxj ∂ f ∂ni,j où la sommation sur les indices répétés est implicite et où ni,j = ∂ni ∂xj . Notons que seule la composante de ~hmol perpendiculaire à ~n est pertinente compte tenu du fait que ~n est unitaire. 4. On entend par (~n · ∇~ )~E le vecteur dont la i eme ` composante vaut njEi,j et par (∇~ ~n)· ~E le vecteur dont la i eme ` composante vaut nj,iEj . 24 2.5 Équation d’équilibre des couples 2.5.4 Couples du type Lehmann En présence d’un gradient de température (ou d’un champ électrique), la théorie de Leslie de l’hydrodynamique des cholestériques prédit que le directeur subit un couple d’expression ~ΓLehmann = ν ~n × (~n × ∇~ T) = ~n ×~hLehmann (2.17) avec ~hLehmann = ν ~n × ∇~ T. ν est le coefficient Lehmann. La convention de signe choisie pour l’effet Lehmann électrique est la suivante ~ΓLehmann = νE ~n × (~n × ~E) (2.18)
Équilibre des couples
D’après le théorème du moment cinétique et en négligeant le moment cinétique propre des molécules, la somme des couples volumiques doit être nulle à chaque instant et en tout point. Cette condition s’écrit ~n × γ1 ∂~n ∂t = ~n × (~hmol +~helec ´ +~hLehmann) (2.19) que l’on peut réécrire, en projection dans le plan perpendiculaire au directeur γ1 ∂~n ∂t =~hmol ⊥ +~helec ´ ⊥ +~hLehmann (2.20) Il s’agit de l’équation d’évolution du directeur en l’absence d’écoulement et sous l’influence de champs extérieurs — gradient de température ou champ électrique.