EPIDEMIOLOGIE
L’épidémiologie du delirium tremens reste difficile à préciser compte tenue de l’hétérogénéité des populations et surtout des critères diagnostiques utilisés. L’incidence de l’agitation augmente avec l’âge. Le delirium tremens est plus fréquent en unité de soins intensifs 3 à 40%, qu’en hospitalisation conventionnelle (au maximum 10%). La durée du delirium tremens est habituellement courte (24 à 48 heures), mais peut atteindre parfois 14 jours..
Le taux de mortalité liée à l’alcoolisme correspond à la somme des décès directement imputable à l’abus d’alcool (psychosealcoolique, cirrhose hépatique ) et des décès indirectement causés par cet abus ( 80% des cancers de la bouche, du larynx, du pharynx et de l’ œsophage ), 50% des victimes d’ accidents de la route, d’ accident domestique et du travail et une partie de décès par suicide..
L’alcoolisme est responsable d’environ 3500 décès par an en France (7% de décès masculins, 2% de décès féminins. En moyenne annuelle, sur la période 1995 – 1997 la cirrhose du foie, à elle seule tuait 8900 personnes, et la psychose alcoolique 2400 individus..
METABOLISME DE L ’ ALCOOL
L’alcool est absorbé par le tube digestif à une vitesse qui dépend du contenu gastrique. Un estomac plein et contenant de graisses ralentit l’absorption de l’alcool. Deux mécanismes dégradent l’alcool. Le premier repose sur l’enzyme Alcoolo- déshydrogénase qui produit une dégradation peu toxique. Lorsque l’alcoolo- déshydrogénase est débordée par excès de boisson, une autre enzyme microsomale entre en jeu. Elle produit des radicaux libres qui sont des substances toxiques.
Lors de son absorption, l’alcool se fixe sur le cerveau et procure des sensations plus ou moins agréables. Les dérivées toxiques (les radicaux libres) agissent sur presque tous les tissus de l’organisme.
L’alcool se diffuse plus difficilement dans les tissus gras que dans les tissus maigres (foie, cœur, etc. …) ; l’espace de diffusion de l’alcool est donc plus faible et la concentration en alcool est plus forte dans les tissus maigres (13).
ETIOPATHOGENIE DU DELIRIUM TREMENS
L’interaction entre alcool est amines cérébrales a été dernièrement incriminée.
L’intervention de médiateurs biochimiques, plus ou moins génétiquement déterminés, seraient susceptibles d’interférer avec :
l’appétence : rôle de sérotonine et de système GABAergique,
la tolérance et la dépendance : rôle des systèmes dopaminergiques et GABAergiques et de la diminution de la fluidité membranaire (16).
La diminution du contenu en sérotonine des nucléusaccumbens et du cortex frontal, dans un modèle animal d’appétence alcoolique, pourrait être reliée à l’augmentation de l’appétence alcoolique : l’alcool aurait un rôle stimulant, et donc compensatoire, par renforcement de l’activité sérotoniergique au niveau de ses régions.
L’éthanol a ses effets sédatifs à sa potentialisation des systèmes cérébrauxGABA dépendants, majoritairement inhibiteurs. L’alcoolisme chronique entraine une diminution des taux cérébraux deGABA et une augmentation des récepteurs au GABA.
Au cours du sevrage, la stimulation des récepteurs GABA par l’alcool cesse brutalement, d’où un arrêt brutal de l’inhibition centrale due au GABA. Cette brusque désinhibition explique les signes de sevrage comme les crises comitiales et les signes d’activité hyperadrénergique (sueur, tachycardie, hypertension, tremblement)..
Il existe des facteurs de prédisposition qui sont associés à des facteurs étiologiques : l’âge élevé, le sexe masculin, la présence d’une démence ou d’une maladie psychiatrique, la consommation de médicaments (par exemple : benzodiazépine, sédatifs, hypnotiques) une dépendance à l’alcool et la baisse de l’acuité visuelle. Les facteurs étiologiques comprennent :
Les troubles métaboliques
Les infections (pneumonie, urinaires, septicémie …)
Les affections neurochirurgicales (chocs opératoires, immobilisation, au décours d’une anesthésie générale).
Les problèmes cardiaques (insuffisance cardiaque, infarctus, trouble du rythme cardiaque)
Les traumatismes
Les affections somatiques
Les causes psychologiques.
CLASSIFICATION SELON LE MODE DE CONSOMMMATION
-Classification américaine du DSM (16).
Le DSM III –R : parle de la notion de dépendance alcoolique pour y inclure l’ensemble des patients alcooliques. L’abus d’alcool demeure une classe.
Selon la CIM 10 « consommation massive, nocive pourla santé », sans dépendance, s’accompagne des complications sociales, psychiques ou somatiques.
Au vu de ces classifications, les facteurs les plus déterminants dans l’établissement d’une alcoolo-dépendant sont : le caractère primaire ou secondaire du comportement la présence d’un syndrome de dépendance caractérisée ou d’une conduite d’usage nocif (20).
CLINIQUE
ALCOOLISME
Le syndrome de sevrage alcoolique est un tableau clinique allant de petit tremblement matinal au véritable délirium tremens.
SYMPTOMATOLOGIE
Les symptômes de sevrage quelle que soit leur expression clinique ou leur gravité, apparaissent dans les 12 heures suivant l’arrêt ou réduction d’une consommation d’alcool. Dans certains cas, notamment chez les sujets âgés, le sevrage est plus retardé. Les symptômes atteignent leur plus forte intensité au 2 ème jour et diminuent significativement au 4 ème ou au 5ème jour.
Des formes persistantes peuvent toutefois s’observer, marquées par des troubles du sommeil, une anxiété et des perturbations du système nerveux autonome pouvant aller jusqu’à 3 à 6 mois.
Les syndromes les plus sévères sont le délirium tremens, le délire alcoolique subaigu et la crise d’épilepsie de sevrage. Ces formes ne s’observent que chez environ 5% des sujets dépendants. (21)
LES COMPLICATIONS
Elles peuvent être reparties en 3 groupes :
Intoxication aigue,
Complications viscérales,
Complications neurologiques.
L’intoxication éthylique aigue
Toute prise massive d’alcool se complique rapidement par des manifestations cliniques diverses traduisant une atteinte du système nerveux central.
L’intoxication éthylique aigue se déroule en 3 phases :
*La phase d’excitation motrice : elle se produit généralement lorsque l’alcoolémie atteint un taux de 0,8 à 2g /l, et se traduit essentiellement par une perte du contrôle supérieur et une libération des tendances instinctives. Etat de désinhibition, d’euphorie avec labilité émotionnelle, agressivité, logorrhée, familiarité excessive.
L’atteinte de la vigilance, de la perception et de la mémoire est présente dès ce stade.
METHODOLOGIE
ETAT DE LIEU DU SERVICE DE NEUROPSYCHIATRIE
Historique du service neuropsychiatrie de l’hôpital hjrb Antananarivo
Le service a été crée en 1958 par le Docteur Pruvost, puis Docteur Levy Cavalere, et enfin le Professeur Giudicelli jusqu’en 1959. Le Docteur Ratandra Ratsimihala prend ensuite le relais, suivi en 1966 par le Professeur Rajaonera Fréderic, et à son décès en 1984, par le Professeur Damasy Andriambao Seth. Par la suite les
Professeurs Tehindrazana Alain et Raharivelo Adeline les ont succédés jusqu’à ce jour, sauf en 2004 à 2011 où le Professeur AndriantsehenoMarcellin a assuré la direction de l’USFR de neurologie.
Actuellement, un (01) Neuropsychiatre, trois (03) Neurologues, un (01) pédopsychiatre, deux (02) Neuropsychiatres en formation et sept (07) Médecins Assistants de neuropsychiatrie assurent le fonctionnement de cet unique centre de Référence en Neuropsychiatrie à Madagascar.
ETUDE PROPREMENT DITE
Ethique
L’accès à ces données a été réalisé avec l’autorisation du Médecin Chef d’Unité de Soins de Formation et de Recherche (USFR) en Neuropsychiatrie tout en respectant les règles du secret médical.
Cadre d’étude
Population étudiée : à partir des dossiers des malades admis en hospitalisation dans l’Unité de Soins, de Formation et de Recherche en Psychiatrie du Centre Hospitalier – Universitaire Joseph Raseta de Befelatanana, durant les 7premiers mois de l’année 2012.
Matériels et méthode
Type d’étude
Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur la prévalence du delirium tremens chez les patients hospitalisés dans l’Unité de Soins, de Formation et de Recherche (USFR) en Psychiatrie de Befelatanana.
La période d’étude qui va du 1 èreJanvier au 31 Juillet 2012, est choisie par commodité.
Critères d’inclusion
Sont inclus dans ce travail :
Tous les cas de « DELIRIUM TREMENS » recensés dans le registre d’admission de l’unité de Psychiatrie de l’Hôpital Joseph Raseta Befelatanana durant les 7premiers mois du 2012.
Selon le DSM-IV texte révisée, le « DELIRIUM TREMENS » est une affection gravissime liée à la suspension brutale de la consommation d’alcool typiquement après un syndrome de sevrage alcoolique aux 2 ème à 4 ème jours d’abstinence.
RESULTATS
Durant les 7 premiers mois du 2012, 605 patients sont recensés dans le registre d’admission de l’unité de Psychiatrie de l’Hôpital Joseph Raseta Befelatanana.
Sur les 605 malades hospitalisés 124 sont étiquetés « alcooliques » dont 20 femmes et 104 hommes.
Parmi ces 124 malades éthyliques 25 malades ont présenté le « delirium tremens » dont 3 femmes et 22 hommes.
COMMENTAIRES
Epidémiologie
La consommation d’alcool se répand d’une façon constante dans le monde depuis les 30 dernières années : en Afrique, Extrême orient et Océanie : augmentation de la consommation sous forme de bière. En Europe :consommation de spiritueux. La production augmente parallèlement à la consommation (2).
On assiste actuellement à une augmentation de l’alcoolisme mondial marqué par l’absorption de boissons fortement alcoolisées ainsi que l’extension de certaines formes féminines et juvéniles.
L’épidémiologie de la consommation d’alcool en France n’est connue que de façon approximative. La consommation même d’alcool pur par an et par habitant était de 9litres en 2003. Près de 10 millions de français consomment de l’alcool au moins 3 fois/semaines et 6 millions tous les jours (10).
Le mésusage d’alcool est la cause directe ou indirecte de 25% de l’ensemble de la maladie, de 30.000 à 40.000 décès par an, sans compter les accidents, agressions ou suicides sous l’empire de l’alcool (25).
En France : l’alcool constitue la 3 ème cause de décès 60.000 décès / ans, il réduit l’espérance de vie de 10 ans.
Une consultation sur 5 en médecine générale, 15 à 25% des hospitalisations sont en rapport avec un mésusage d’alcool. La consommation d’alcool est responsable de nombreux problèmes familiaux, sociaux ou professionnels (26, 14).
Selon les critères du DSMIII-R : une étude épidémiologique américaine d’une population en générale(ECA) a ainsi retrouvé une prévalence de l’alcoolo-dépendance de 27% chez les hommes âgés de 18 à 29 ans, de 28% entre 30 et 44 ans, de 21% entre 45 et 65 ans et de 14% chez les sujets de plus de 65 ans (26). Sur le plan épidémiologique, nous rapportons 25 cas de delirium tremens sur une période de 7 mois allant de Janvier 2012 au Juillet 2012. Pendant cette période, le service Neuropsychiatrie de Befelatanana avait enregistré 605 patients hospitalisés.
Et le delirium tremens constitue 4,13% des malades hospitalisés.
Concernant le genre
Nous savons que chaque malade a ses motifs pour boire. Des études ont montré qu’il y a des bases biologiques et génétiques de l’appétence pour l’alcool ; l’environnement socio-culturel ou économique est aussi un facteur étiologique de l’alcoolisme.
Les femmes représentent 10% des consultants pour des difficultés avec l’alcool en médecine générale. Elles ont une consommation d’alcool le plus souvent en solitaire à domicile. La prise associée de psychotropes est fréquente et une comorbidité dépressive est présente deux fois sur trois (32).
Chez les femmes enceintes, le risque de malformation et de retard du développement du nouveau-né est une donnée établie.
Les dernières études faites à Madagascar confirment cette prédominance masculine qui représente 72,2% (33).
Dans notre étude, on notait une prédominance des sujets de genre masculin à 88% de la population. Notre étude a une fois de plus mis en exergue la prédominance masculine de l’alcoolisme, ce qui n’est pas une nouveauté en soi, mais le delirium tremens touche également le genre féminin mais il est rare car retrouvé dans 3 cas.
Concernant l’âge
Le delirium tremens est une complication fréquente de l’alcoolisme chronique.
Les facteurs prédictifs sont moins bien établis.
La tranche d’âge la plus touchée par l’alcoolisme est entre 25- 45 ans car elle concerne 19 individus sur 25.
On peut dire que c’est la population active qui est beaucoup plus vulnérable à l’alcoolisme.
C’est l’âge où l’individu se trouve confronté réellement à la vie, c’est-à-dire qu’à cet âge la consommation d’alcool devient abusive : on se procure de l’argent. On se sent indépendant dans la gestion de ses propres ressources.
Aussi Ramilijaona Rajaonarivelo A.H., dans son étude a rapporté une nette prédominance de l’alcoolisme chronique entre l’âge de 40 à 60 ans.
L’âge antérieur, entre 15-25 ans, correspondant à l’adolescence connu comme l’âge de tout les possibles, connu comme l’âge bête qui veut défier et imiter les grands, n’est que l’âge initiateur et l’âge d’expérimentation. Il n’empêche que, si l’individu manque de personnalité, donc influençable, il ne fera qu’un pas entre « être amateur » et « être fanatique ».
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
RAPPEL THEORIQUE SUR L’ALCOOLISME ET DELIRIUM TREMENS
I- DEFINITION
– Appétence
– Tolérance
– Accoutumance
– Dépendance
– Alcoolodépendance
– Alcoolopathie
– Alcoolisme
– Sevrage
– Delirium tremens
II- HISTORIQUE
III- EPIDEMIOLOGIE
IV- METABOLISME DE L’ALCOOL
V- ETIOPATHOGENIE DE DELIRIUM TREMENS
VII- CLASSIFICATION SELON LE MODE DE CONSOMMATION
VI- CLINIQUE
A. ALCOOLISME
A.1. Symptomatologie
A.2. Les complications
– intoxication éthylique aigue
– complications viscérales
– complications neurologiques
B. DELIRIUM TREMENS
B.1. Signes
B.2. Les différents stades selon la gravité
B.3. Modification des analyses biologiques
B.4. Evolutions
B.5. Pronostics
VIII- TRAITEMENTS
A. TRAITEMENT DU DELIRIUM TREMENS
A.1. But
A.2. Moyens
A.3. Surveillance
B. TRAITEMENT DE LA DEPENDANCE ALCOOLIQUE
C. PRISE EN CHARGE PSYCHOTHERAPEUTIQUE
– Psychothérapie de soutien
– Thérapie de groupe
D. PRISE EN CHARGE SOCIOTHERAPEUTIQUE
DEUXIEME PARTIE : ETUDE PROPREMENT DITE
I- METHODOLOGIE
A. ETAT DE LIEU DE SERVICE DE NEUROPSYCHIATRIE
1. HISTORIQUE DU SERVICE NEUROPSYCHIATRIQUE DE L’HOPITAL HJRB
2. ETAT DU SERVICE DE NEUROPSYCHIATRIE DE L’HJRB ANTANANARIVO
B. ETUDE PROPREMENT DITE
1. Ethique
2. Cadre d’étude
3. Matériels et méthode
3.1 Type d’étude
3.2 Critères d’inclusion
3.3 Critères d’exclusion
3.4 Paramètres étudiés
II- RESULTATS
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIREET SUGGESTION
I- COMMENTAIRE
1.1 Epidémiologie
1.2 Concernant le genre
1.3 Concernant l’âge
1.4 Concernant la profession
1.5 Concernant la domicile
1.6 A propos de la situation matrimoniale
1.7 Concernant le motif d’admission
1.8 Concernant les signes cliniques
1.9 A propos de durée d’intoxication
1.10 Concernant la commorbidité de l’alcoolisme chronique
1 .11 Concernant l’association avec d’autre toxique
1.12 Selon le milieu d’origine
1.13 Concernant le motif de consommation
1.14 A propos de la durée de séjour hospitalier
1.15 Concernant le traitement
1.14 Selon l’évolution
II- SUGGESTIONS
II.1 Prévention
II.2 Prophylaxie
a) Prophylaxie de propagation
b) Prophylaxie de contact
II.3 Actions sur les boissons alcoolisées
II.4 Actions sur l’environnement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE