Radiolyse de l’eau libre et autoradiolyse de l’eau tritiée
La radiolyse de l’eau libre, richement documentée aujourd’hui, a notamment fait l’objet de plusieurs études référencées [14]–[17]. Les conditions d’irradiations (source de rayonnement, dose déposée, débit de dose…) affectent néanmoins les rendements radiolytiques [15] et l’autoradiolyse de l’eau tritiée présente des différences par rapport à la radiolyse de l’eau exposée à une source de rayonnements externe. Dans cette partie, seront d’abord comparés les différents types de rayonnement mis en jeu au cours de ce travail de thèse et leurs effets potentiels sur la radiolyse, au travers des grandeurs couramment utilisées en chimie sous rayonnement. Les connaissances actuelles concernant la radiolyse de l’eau libre pourront alors être décrites. Le cas spécifique de l’autoradiolyse de l’eau tritiée sera finalement abordé.
Interactions rayonnement / matière
La mise en place de systèmes zéolithes 4A / eau tritiée nécessite, pour des questions de sûreté et de sécurité, une longue préparation et des manipulations contraignantes puisqu’elles sont notamment réalisées en boîte à gants. Il n’est pas possible, par ailleurs, de suivre à l’échelle d’une thèse, la radiolyse de ces systèmes durant un temps représentatif de la durée d’un entreposage réel, de plusieurs dizaines d’années. Nous avons donc choisi d’associer l’étude de systèmes en situation d’entreposage, contenant de l’eau tritiée, à l’étude de systèmes contenant de l’eau non tritiée, exposés à des irradiations externes. Ces dernières sont moins contraignantes dans leur mise en œuvre et permettent d’atteindre des doses totales, correspondant aux doses déposées dans des systèmes qui auraient subi les irradiations de plusieurs années d’entreposage. Deux sources d’irradiations externes ont été utilisées. La première est une source gamma de 137Cs, qui produit des photons caractéristiques ayant une énergie de 662 keV. La seconde est une source d’électrons accélérés, un LINAC (LINear ACcelerator), qui produit des électrons de 10 MeV. Cette partie met en évidence des similitudes entre ces deux sources d’irradiations externes ainsi qu’avec le tritium, qui peuvent paraître pourtant très différentes en première approche. a. Interaction rayonnement γ/ matière On rencontre trois principaux types d’interaction entre les rayonnements gamma et la matière, desquels résulte une perte d’énergie par mise en mouvement d’un électron : · L’effet photoélectrique : le photon incident arrache un électron lié de l’atome cible, qui est alors dans un état ionisé. L’électron arraché, appelé électron secondaire, est mis en mouvement avec une énergie cinétique E = hν – Eliaison (où hν est l’énergie du photon incident et Eliaison l’énergie de liaison de Radiolyse de l’eau libre et autoradiolyse de l’eau tritiée Chapitre 1 : Adsorption d’eau tritiée dans les zéolithes 4A : état de l’art 19 l’électron). La réorganisation électronique de l’atome cible s’accompagne par ailleurs d’une nouvelle émission de photon. · La création de paires électrons/positrons : si le photon incident possède une énergie supérieure à l’énergie de seuil (1,022 MeV, somme des énergies de masse d’un électron et d’un positron), au voisinage d’un noyau lourd ou d’un électron, la création stable d’une paire électron/positron peut être observée. · L’effet Compton : il s’agit d’une collision élastique au cours de laquelle le photon incident cède une partie de son énergie à un électron de l’atome cible. L’électron est alors diffusé. Du fait de sa perte d’énergie et de la loi de conservation de la quantité de mouvement, le photon est également dévié. La probabilité d’observer plutôt l’un ou l’autre des trois modes d’interaction précités, dépend du numéro atomique de l’atome cible, ainsi que de l’énergie du photon incident. La section efficace de chaque mode d’interaction a été relevée en fonction de l’énergie, pour de l’eau exposée à un rayonnement gamma, en utilisant la base de données en ligne du NIST (National Institue of Standards and Technology) [18]. Les valeurs obtenues sont reportées sur la Figure II-1, qui montre que l’effet Compton est prédominant pour des photons possédant une énergie comprise entre 30 keV et 28 MeV La même démarche a été réalisée en utilisant la formule chimique des zéolithes 4A, plutôt que celle de l’eau, comme entrée pour la composition du milieu cible. Les sections efficaces d’interaction suivent les mêmes allures, sur des domaines d’énergie très proches. Le domaine de prédominance de l’effet Compton s’étend alors de 40 keV à 20 MeV. Les photons produits par la source de 137Cs interagissent donc majoritairement avec l’eau ou les zéolithes par effet Compton, jusqu’à ce qu’ils aient perdu environ 95 % de leur énergie. L’exposition de nos systèmes à la source de 137Cs est à l’origine de nombreux électrons secondaires, porteurs d’une énergie cinétique comprise entre 0 et 662 keV. Les électrons secondaires ainsi générés, engendreront de nouvelles interactions rayonnements matière, cette fois-ci propres aux particules β – . b. Interaction rayonnement β – / matière L’interaction rayonnement matière dans le cas des électrons peut avoir lieu de trois manières différentes : · La diffusion élastique : les électrons faiblement énergétiques sont susceptibles d’être déviés au voisinage des noyaux atomiques du matériau cible. Ils ne perdent que très peu d’énergie, mais changent de direction. Les effets sur le matériau sont faibles, étant donnée la faible quantité d’énergie cédée. Lorsque l’électron incident, à l’issue d’une ou plusieurs diffusions élastiques, ressort du matériau cible, on parle d’électrons rétrodiffusés. La probabilité d’observer des diffusions élastiques est d’autant plus importante que le numéro atomique du matériau cible est grand et l’énergie de l’électron incident petite. · La collision inélastique : l’électron incident transfère une partie de son énergie à un électron du milieu cible, causant une excitation, ou ionisation de la molécule ou atome cible et engendrant l’émission d’électrons secondaires, susceptibles de générer de nouvelles interactions. Les collisions inélastiques sont d’autant plus probables que les atomes composant le matériau cible ont un numéro atomique élevé et les électrons incidents une énergie faible. · Le Bremsstrahlung : les électrons très énergétiques, lorsqu’ils passent au voisinage du champ électromagnétique d’un noyau, peuvent être ralentis. La perte d’énergie, dans ce cas, se traduit par l’émission d’un rayonnement de freinage, encore appelé Bremsstrahlung. Ce mode d’interaction est favorisé par une énergie cinétique importante des électrons incidents et un numéro atomique élevé des noyaux cibles. Le LINAC du Laboratoire de RADiolyse (LRAD) à Saclay produit des électrons accélérés de 10 MeV, qui sont capables d’engendrer l’émission de Bremsstrahlung. Après ralentissement, ces électrons sont susceptibles d’être déviés (diffusion élastique), ou de subir des collisions inélastiques. Chapitre 1 : Adsorption d’eau tritiée dans les zéolithes 4A : état de l’art 21 Les électrons secondaires générés par effet Compton lorsque nos échantillons sont exposés à une source de 137Cs, ainsi que les électrons émis par la désintégration radioactive du tritium, interagissent préférentiellement avec l’eau adsorbée ou les zéolithes par diffusion élastique ou collision inélastique. Ces deux derniers modes d’interactions seront donc communs aux trois sources mises en jeu par l’ensemble de nos irradiations, intervenant néanmoins dans des proportions différentes.