QUESTION DE TRADUCTION DES TOPONYMES THAÏLANDAIS

QUESTION DE TRADUCTION DES TOPONYMES THAÏLANDAIS

Au moment de l’acte de dénomination, les noms de lieux ont généralement leur propre étymologie, motivée par la géographie, l’histoire, etc. Au fil du temps, la motivation sémantique, métaphorique ou associative subit un processus de désémantisation par le changement phonétique ou sémantique ou l’acte de rebaptiser et elle est de moins en moins perçue. Elle est donc devenue opaque et a seulement la fonction de nommer un lieu comme étiquette. Quant aux noms de lieux thaïlandais, ils sont motivés par divers facteurs tels que la topographie, le bouddhisme, la coutume ou la tradition. Udom WAROTAMASIKKHADIT (2000) relève les huit motivations suivantes pour les toponymes thaïlandais : 1) la majorité des noms de lieux thaïlandais sont liés à la topographie ; 2) certains sont liés au bouddhisme ; 3) certains sont composés à partir d’emprunts aux langues des pays voisins tels que le cambodgien, le malais, le birman ou le chinois ; 4) certains sont sanskritisés pour avoir une sonorité évoquant des mots savants ; 5) ceux qui expriment une mauvaise connotation sont souvent rebaptisés par une dénomination ayant une bonne connotation ; 6) certains prennent le nom de temples, de personnes, de la faune, de la flore, de monuments, etc. ; 7) certains décrivent une caractéristique de la situation ; 8) la trace d’une migration peut être révélée à l’aide du toponyme. Dans un guide touristique, ces motivations sont évidemment opaques pour les étrangers. Certaines sont transparentes pour les Thaïlandais mais la romanisation ne peut pas les révéler au lecteur étranger. Par conséquent le toponyme primitif ne peut pas susciter l’intérêt du lecteur. Afin d’atteindre ce but, l’auteur doit traduire ou créer un appellatif qui peut transmettre la connaissance de la motivation ou l’étymologie au lecteur par divers procédés traductologiques. Chaque procédé exprime différemment le degré de transparence mais avant de les étudier, nous allons d’abord présenter la relation entre la forme et le sens des appellatifs. 8.1 Classification morpho-sémantique des appellatifs78 Afin de traiter une analyse traductologique des appellatifs toponymiques thaïlandais, il faut d’abord étudier le degré de transparence des appellatifs. Karima ZEBOUDJ (2011) tente de classer les dénominations monoréférentielles (DM) en se mettant dans la position d’un récepteur-lecteur-décodeur. Elle propose trois types morphosémantiques de DM : DM opaque, DM descriptive et DM semi-opaque (ou mixte). Cette classification correspond à celle de Jonasson (1994) : la DM opaque pour le nom propre « pur », la DM semi-opaque pour le nom propre à base mixte et la DM descriptive pour le nom propre à base descriptive. Ici, nous préférons emprunter sa classification pour notre objet d’étude afin d’expliquer la forme traduite des appellatifs toponymiques thaïlandais.

 Appellatifs toponymiques opaques

Les appellatifs opaques ne peuvent transmettre aucune information au lecteur. Il n’arrive pas à imaginer ce que la suite graphique veut présenter car il ne possède pas le contenu conceptuel. On peut deviner que ce nom est un nom de lieu à cause de sa fonction dans l’énoncé, le toponyme est très souvent grammaticalement inscrit sous la forme d’un syntagme prépositionnel avec les divers prépositions comme à, en, de, sur, etc. : une préposition locative + un toponyme. Le lecteur peut aussi avoir l’intuition onomastique à cause de la sonorité étrangère. (286) (a) Si vous achetez un cadeau en Thaïlande, sachez que le papier d’emballage doit beaucoup au pachyderme. (GV, 356) (b) Mais la meilleure saison pour la visibilité est la période qui s’étend entre décembre et mars, à Phuket, et entre mars et mai à Koh Samui. (PF, 71) (c) À 62 km de Trat et à 190 km de Pattaya. (GV, 199) (d) Croisière sur le Mékong vers la Chine. (GR, 319) (e) A gauche du Chakri Maha Prasat, une porte donne accès à l’ancien quartier des femmes, où le souverain était le seul homme autorisé à pénétrer. (EV, 145) À cause du groupe prépositionnel, le lecteur pourrait comprendre que c’est un toponyme thaïlandais. En fait, il existe d’ailleurs des procédés indiquant que le nom visé est un nom de lieu tels que l’anaphore du pronom relatif où qui donne la valeur locative par l’antéposition des prépositions ou le sémantisme du verbe, notamment les verbes copules comme être, rester, devenir, sembler ou demeurer qui donnent une description du lieu visé. (cf. 7.1.1) En revanche, dans le discours touristique, l’auteur emprunte de temps en temps les termes locaux pour le nom de catégorie de lieu en raison de la couleur locale. Pourtant nous pouvons les considérer comme opaques pour le lecteur francophone tels que ko ‘île’, khlong ‘canal’, wat ‘temple’ ainsi que le montrent les exemples suivants : (287) (a) D’autres bateaux en bois, plus grands, assurent le transport régulier pour les habitants des quartiers excentrés et remontent les klongs parfois très loin (Klong Bangkok Noï ou Klong Saen Sep). (PF, 114) (b) Avec masque et tuba, allez découvrir la faune dans les eaux cristallines autour de Ko Dam, Ko Poda, Ko Kai, Ko Tap ou Ko Mor. (GV, 400) (c) Sachez qu’il existe un pass journalier, qui coûte 220 Bts, et qui donne accès à cinq temples (sinon compter 50 Bts pour chacun d’eux) : Wat Phra Sri Sanphet, Wat Mahathat, Wat Ratchaburana, Wat Chai Watthanaram et Wat Phra Ram. (GR, 200-201) Par ailleurs, pour certains francophones qui ont plus ou moins une connaissance de la langue thaïe, les noms catégorisateurs thaïs pourront être porteurs de sens, en particulier, pour ceux qui ont étudié les sites touristiques thaïlandais à travers différentes sources telles que le documentaire ou l’émission télévisée, les sites ou forums Internet comme TripAdvisor ou les magazines de voyage avant de consulter le guide touristique. Ils pourraient alors arriver à comprendre de quoi il s’agit. 

Appellatifs toponymiques semi-opaques

 L’appellatif semi-opaque est défini comme une combinaison d’un élément descriptif ou d’un nom catégorisateur comme fleuve, colline, île et d’un élément opaque, nom de lieu. (288) (a) Sur l’ancienne et magnifique barge à riz tout en teck, il est possible de faire une balade le long du fleuve Chao Phraya accompagnée d’un bon repas. (PF, 131) (b) Son mondop abrite une empreinte du Bouddha qui aurait été découverte en 1359 par Li Thai au sommet de la colline de Phra Baht Yai. (EV, 254) (c) De superbes terrains de golf entourent Bangkok, ainsi que les régions de Pattaya, de Hua Hin de Cha Am (à proximité de Khao Yai) et sur l’île de Phuket. (GV, 10) Bien que le lecteur ne puisse pas associer à ces appellatifs un contenu conceptuel à partir du nom de lieu, il est capable de se rendre compte à quelle catégorie les appellatifs appartiennent grâce au nom commun qui les précèdent. Par exemple dans le (288a), le lecteur ne connaît pas le nom Chao Phraya mais à cause du mot fleuve, il reconnaît que c’est un fleuve thaï qui s’appelle Chao Phraya et il ne connaît jamais la signification du nom. 

Appellatifs toponymiques descriptifs 

C’est un appellatif toponymique constitué seulement des éléments dont le lecteur francophone connaît la signification. Il est normalement constitué d’un nom catégorisateur avec un adjectif ou un groupe prépositionnel qui indique sa nature. Karima ZEBOUDJ (2011) distingue dans ce type morpho-sémantique deux groupes : le descriptif direct et le descriptif indirect.  

Appellatifs toponymiques descriptifs directs

L’appellatif du type descriptif direct présente le sens compositionnel. Le lecteur connaît tous les éléments composants et comprend tout de suite de quoi il s’agit. L’appellatif descriptif peut se présenter sous diverses formes. D’abord, il peut être le toponyme à base descriptive selon Kerstin JONASSON (1994). La dénomination primitive n’est constituée que de noms communs, la traduction mot à mot peut bien expliquer la catégorie du lieu et sa nature comme le musée des Barges royales, la ferme aux crocodiles ou le théâtre national dans les exemples infra. (289) (a) Premier arrêt sur la rive ouest : le musée des Barges royales (Plan III, A1) s’ouvre sur le quai du khlong Bangkok Noi (9h-17h – entrée payante). (GV, 147) (b) LA FERME AUX CROCODILES. Grande attraction touristique, la ferme aux crocodiles, avec ses trente mille spécimens locaux et étrangers, serait la plus grande du monde. (EV, 191) (c) En sortant du musée, sur la gauche, le Théâtre national, rénové à la truelle dans un style soviético-pâtisserie. (GR, 149) Ensuite, la traduction plus ou moins littérale de l’appellatif opaque, transparente pour les Thaïlandais, peut aussi présenter l’appellatif descriptif direct pour le lecteur étranger. Le lecteur arrive à comprendre la motivation de la dénomination du site visé ou ce qu’il décrit vraiment. Ce type d’appellatif peut bien représenter le profil dominant du site dans divers domaines tels que le profil physique (290a), l’architecture (290b), la faune (290c-d), la flore (290d), etc. comme l’illustrent les exemples supra : (290) (a) « L’île éléphant » est une grande île verdoyante au centre d’un parc maritime encore préservé jusqu’à ces dernières années. (PF, 356) (b) Le chedi du wat CHANG ROP, ou « temple entouré d’éléphants », repose sur des éléphants caryatides en latérite et stuc. (EV, 250) (c) Il vous mène à la grotte aux Poissons (Tham Plaa), qui a donné son nom au parc de Tham Plaa. (GV, 301) (d) C’est le point de départ pour se rendre sur les îles Mosquito et Bambou, deux spots de plongée et de snorkelling situés juste en face. (GR, 541) 

Appellatifs toponymiques descriptifs indirects 

Contrairement au type précédent, le sens des appellatifs descriptifs indirects n’est pas facilement dégagé parce qu’il ne s’agit pas du sens compositionnel mais plutôt du sens métaphorique. La connaissance encyclopédique joue un rôle important pour rendre un appellatif transparent. Prenons les exemples suivants : (292) (a) Au 19e s., la ville devait faire le ravissement des voyageurs occidentaux, qui la surnommèrent la « Venise de l’Orient ». (GV, 133) (b) – parc national maritime de Mu Ko Surin dans la province de Phang Nga : Ao Fai Wap bay, Ko Payu or East of Eden. (GR, 108) (c) CHIANG MAI A 700 km de Bangkok, celle qu’on surnomme la Rose du Nord est devenue une cité florissante grâce à son artisanat diversifié. (PF, 216) Pour conclure, bien que notre travail s’appuie seulement sur les noms de lieux, nous pouvons aussi dégager trois types de structure morpho-sémantique comme le propose Karima ZEBOUDJ (2011 : 150-152) : l’appellatif opaque, l’appellatif semi-opaque et l’appellatif descriptif. En outre, comme elle traite de tous les types de noms propres, les PARTIE IV CHAPITRE 8 QUESTION DE TRADUCTION DES TOPONYMES THAÏLANDAIS 359 exemples présentés dans son travail sont plus variés, surtout les titres de romans ou de films. Ces types de dénominations monoréférentielles peuvent être plus compliqués que les noms de lieux. C’est le cas de l’appellatif descriptif type indirect, dans notre travail la structure est très limitée, GN1 + de + GN2 comme Venise de l’Orient, la Rose du Nord tandis que Karima ZEBOUDJ présente des structures plus variées comme Les voleurs d’écritures suivi de Les tireurs d’étoiles ou L’arbres à dires (titres de roman). D’ailleurs, si nous prenons les appellatifs en version traduite de l’anglais comme dans National Geographic (2006), nous observons que la structure a tendance à se présenter sous le type opaque et le type semi-opaque. Les appellatifs descriptifs sont moins utilisés mais il est à noter qu’ils sont très souvent formés en anglais et parfois suivis de la version française tels que La Rose Garden (Roseraie) (National Geographic 2006 : 123), Crocodile Farm (Ferme de crocodiles) (National Geographic 2006 : 146), Royal Thai Air Force Museum (Musée de l’armée de l’air thaïlandaise) (National Geographic 2006 : 100). Cette classification peut indiquer quel site l’auteur veut mettre en lumière pour son lectorat à travers différentes formes d’appellatif. L’appellatif descriptif, par sa représentation visuelle, peut mieux informer sur le site que l’appellatif semi-opaque tandis que l’appellatif opaque ne possède pas cette fonction. Afin de rendre les appellatifs plus transparents, l’auteur peut créer un appellatif descriptif par des procédés traductologiques différents comme la traduction plus ou moins littérale, le nouvel appellatif, le surnom ou la comparaison. Nous allons ensuite présenter les procédés traductologiques que les auteurs francophones utilisent dans leur ouvrage.

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