Qu’est-ce qu’une ville ?
Avant même de définir la notion de « ville moyenne » il convient de s’attarder sur ce qu’est une ville. Ainsi, A. Cambier (2005) estime que « la ville se présente d’abord comme un ensemble de constructions où logent ses habitants » avant de préciser qu’il « semble difficile de définir la ville à partir de sa stricte réalité matérielle ». La ville est en effet, comme le note J.-M. Besse (2005), « à la fois une cité et un espace construit, une organisation politique et un espace organisé, une idée et une réalité spatiale ». C’est aussi une histoire, des représentations qui y sont associées et, dans certains cas, une identité qui peut être très forte. Y. Fijalkow (2007) pense finalement que l’indicateur le plus commode pour décrire une ville est sa population, mais sans manquer de souligner que « le critère de la population urbaine agglomérée est très variable selon les pays : il y a ville lorsqu’une agglomération dépasse 250 habitants au Danemark, 2 000 en France, 11 000 en Égypte, 30 000 au Japon. » Ainsi, selon Smith, la ville est, à la fois le support spatial de la division du travail et des tâches et le lieu de réalisation de l’échange économique. Pour Marshall, la ville permet la circonscription des avantages d’agglomération dont bénéficie l’organisation industrielle, manifestés sous forme d’économies externes. La ville peut donc être définie par des critères quantitatifs tels que la taille de sa population, la surface de son étendue, sa densité ou même le volume de sa production marchande. Elle peut également être définie de façon fonctionnelle à travers son statut administratif, sa spécialisation économique ou son rôle dans la structuration des échanges et communications. La coalition de concepts alternatifs à la ville, tels que l’agglomération, l’unité urbaine ou l’aire métropolitaine renvoient, tous, à un groupement de populations spatialement agglomérées, caractérisé par une organisation économique et sociale historiquement construite (George, 1956).
Les villes petites et moyennes : genèse et définitions
Il existe de nombreuses définitions dans la littérature sur la notion de « villes petites et moyennes » dues aux nombreuses études réalisées sur ces dernières. Néanmoins, « le premier critère qui vient à l’esprit pour la définition d’une ville moyenne, c’est la taille. Une taille ni grande, ni petite, mais moyenne » (Bruneau, 1989). Si, au Québec et en France, les villes moyennes sont définies comme tel, il est important de prendre en compte d’autres critères plus large. En effet, « La définition réelle des petites villes (et des villes moyennes) passe nécessairement par la conjonction de plusieurs critères géographiques : le poids démographique, mais aussi la fonction de centre local rayonnant sur un petit pays, et la morphologie urbaine, fort bien ressentie à travers les caractères de l’habitat, la concentration des commerces, un début d’animation citadine » (Barrère et al, 1980, p. 98). Marquées par une forte concentration de main-d’œuvre après guerre, on peut également parler de « villemoyen », en l’occurrence « moyen d’exploiter des gisements de main d’œuvre » (Michel, 1977, p. 670) venue du monde rural et un phénomène de déconcentration industrielle. Les villes petites et moyennes se sont donc développées pendant les trente glorieuses. Ces dernières ont alors une fonction industrielle et résidentielle. En effet, « il est fréquent dans les villes de cette catégorie qu’une fonction domine nettement les autres, ce qui permet de distinguer des types très nets caractéristiques d’une activité, ou même d’une structure sociale » (Barrère et al, 1980, p. 99). Jusqu’au début des années soixante, les villes moyennes ne présentent que peu de changements par rapport à ce qu’elles étaient avant guerre. En effet, la vie économique et sociale est alors régulée par une petite bourgeoisie locale. L’activité commerciale se situe alors au cœur du centre-ville, où se tient un marché hebdomadaire. L’activité immobilière quant à elle conserve son caractère artisanal. En effet, la majorité des édifices construits sont de petites tailles. Quant au périmètre urbain, ces derniers sont de petites dimensions : le centre ville où se concentre le commerce et ses « franges » pour la promotion immobilière que fait fructifier la petite bourgeoisie locale. Néanmoins, dans les vingt années qui vont suivre, marquées par une forte concentration de main d’œuvre, le phénomène urbain va prendre une ampleur considérable. En effet, on constate dans les villes moyennes, une croissance urbaine considérable à laquelle va se superposer une progression des revenus des ménages dans une économie en expansion. Cela se traduit donc par des changements de comportements de consommation. Ainsi, en quelques années le défit pour ces villes moyennes est d’étendre son domaine urbanisé afin de loger un nombre important de nouveaux ménages. De plus, une « société de consommation » de plus en plus motorisées s’imposent petit à petit à ces villes moyennes nécessitant une meilleure desserte, des infrastructures de communication et d’accessibilité. A cette période charnière, les villes moyennes opèrent donc des changements importants. Ces dernières passent d’un marché immobilier artisanal à professionnel, mais aussi du local au national. Et ce, jusqu’en 1968, où le marché local va commencer à se réduire, l’urbanisation s’essouffle Le commerce des villes moyennes va connaître des mutations importantes à la charnière des années soixante-dix. On y observe alors la généralisation des magasins de petites surfaces, le centre-ville se spécialise à travers des commerces d’équipements de la personne, de petits équipements de la maison, de Halles mais aussi de magasins très spécialisés. Ainsi, les activités consommatrices de surface telles que l’automobile et l’ameublement migrent vers la périphérie : création de centres commerciaux périphériques. Les villes moyennes disposent alors de deux pôles commerciaux à savoir des centres périphériques pour la grande distribution et dans les centres villes des espaces réservés au petit capital local à travers des commerces de proximités. Mais cette offre bipolaire n’est souvent qu’illusoire car se sont les petits artisans qui sont souvent à l’origine de l’implantation de grands centres périphériques. En ce sens, la spécificité des villes moyennes par rapport aux grandes villes résiderait donc dans le léger décalage, dans le temps des mutations présentées précédemment. En effet, les villes moyennes sont soumises aux mêmes acteurs, mêmes stratégies et mêmes conséquences sur la vie sociale que les grandes villes. Mais, ce qui les distinguent des grandes villes c’est la symbiose qu’elles ont réussie à installer avec le monde rural, la qualité de vie qu’elle propose à ces habitants ou encore la convivialité. En d’autres termes, « la ville moyenne serait donc l’élément encore sain, à « l’échelle humaine » (« small is beautiful »), d’une urbanisation qui aurait atteint sa démesure, son inhumanité à Paris et dans les grandes villes » (Groupe de Recherche sur les Villes Moyennes, 1982). A travers ce concept de « ville moyenne » c’est donc l’identité locale qui est affirmée, de ce fait, l’économie des ces villes et donc leur vie sociale qui en découle, dépend de stratégies et de structures nationales. En effet, les villes petites et moyennes sont définies comme des territoires où il fait bon vivre, qui sont des espaces urbanisés possédant aussi une matérialité fortement inscrite dans l’histoire et la culture locales (Guay et Hamel, 2004) mais surtout qui sont des villes à taille humaine « moyen est souvent identifié à équilibrer, harmonieux, mesuré, par une confusion fréquente entre le quantitatif et le qualitatif » (Pinchemel, 1973, p. 33). Afin d’améliorer les conditions de vie de ces dernières, de favoriser leur développement économique, social et la mise à disposition d’équipements de 1973 à 1982, plus de 70 communes françaises bénéficient d’un contrat avec l’Etat dans une politique nationale d’aménagement alors initiée par la Datar qui souhaite privilégier, dans la politique d’aménagement du territoire, les villes moyennes par rapport aux métropoles. Cette initiative est lancée après l’initiative des contrats de Pays en 1973. La raison de cet intérêt, porté par l’Etat au développement des villes moyennes, s’explique par le fait que ces dernières ont enregistré une très forte croissance entre 1962 et 1968. En effet, les villes de tailles moyennes rassemblaient alors plus de 11 millions d’habitants. A travers ce plan, l’Etat prends conscience de l’importance des villes moyennes dans l’aménagement des territoires et envisageaient donc une politique de promotion des principales fonctions urbaines se traduisant aussi par le développement des équipements publics : développement de l’emploi, équipements collectifs, logements…). C’est également dans les années 70, que le Québec reconnaît le rôle des villes petites et moyennes en tournant sa politique vers une densification urbaine qui se traduit alors par la protection et aménagement du territoire ou encore la revitalisation des centres villes. Se crée alors en France, l’association des petites et moyennes villes de France mais également la fédération des maires des villes petites et moyennes
Les villes petites et moyennes dans la hiérarchie urbaine
La position d’une ville dans la hiérarchie urbaine est un levier de détermination prépondérant lorsque les acteurs sont amenés à intervenir sur ou pour la ville moyenne appartiennent à des structures englobantes (régionales), et ce, même s’il s’agit d’institutions issues du monde économique. Ainsi, la ville moyenne serait celle qui se situe à distance de la ville centre et dans la catégorie démographique immédiatement inférieure. Sa situation entre la métropole régionale et la petite ville, lui confère un rôle organisateur « de la vie régionale au niveau intermédiaire qui leur est propre » (Commerçon, 1990, p.1). Pour Pierre Barrère et Micheline Cassou-Mounat, elles contribuent à structurer un espace de l’ordre du département ou d’une fraction de département, lui-même inclus dans une entité plus vaste, éventuellement dominée par une métropole régionale (Barrère, Cassou-Mounat, 1980). Ainsi, pour pouvoir jouer ce rôle décrit précédemment, la « ville moyenne » compte une administration diversifiée, un système éducatif développé, des structures dans les domaines de la santé, et des services aux entreprises. Ces « villes moyennes » sont souvent considérées comme « centres régionaux secondaires » malgré la forte hétérogénéité que leur passé leur a conféré. En effet, on retrouve parmi les villes moyennes des villes industrielles, tertiaires ou encore tertiaires et industrielles. Mais elles se regroupent sur un point commun essentiel, en effet, elles sont chacune le centre d’une petite zone d’influence bien délimitée et contestée (Bouet, Fel, 1983). Ce sont donc des villes intermédiaires importantes mais qui sont fragiles dans leurs attractivités. En effet, si l’identité de ces villes est une force, elle ne suffit pas à les intégrer dans le marché mondialisé. Les villes moyennes évoluent donc dans ce champ en mouvance et changements constants, qu’est le système urbain et qui peut donc dans le temps, être modifier. Ainsi, le statut de « ville moyenne » n’est pas un acquis durable dans le temps. La « ville moyenne » peut être reléguée au rang de « petite ville » ou à l’inverse promu au rang de « grande ville ». Là est toute la complexité de la hiérarchie urbaine. Chaque catégorie urbaine, annonce non seulement des changements de taille, donc de degrés, mais surtout des différences de nature, de structures et des types d’organisation spatiale et fonctionnelle (Ledrut, 1976, P.30). Mais, la hiérarchie n’est pas un pur phénomène d’intégration à multiples niveaux, d’englobement des parties par le tout, de production et de promotion de qualités qui permettent méta-structure et méta-organisation (Morin, 1980, p. 311). La hiérarchie est donc aussi un phénomène de domination /autorité et l’organisation sociale de même que, à travers elle, la structuration urbaine n’échappe pas à ce caractère (domination/subordination). Au sein de la hiérarchie urbaine, cette exploitation prend le plus souvent la forme d’un contrôle en paliers, d’un niveau supérieur sur celui qui lui est inférieur, et annonce l’extrême division des tâches ainsi que le rôle des villes et des catégories urbaines au sein de ce qu’il est convenu d’appeler la division sociale et spatiale du travail. Hiérarchie urbaine donc, mais aussi hiérarchie de dominance qui favorise le développement des inhibitions, des répressions et qui permet l’édification d’une structure d’asservissement où s’exerce une contrainte toujours plus pesante du haut vers le bas, de niveau en niveau, de palier en palier, des grandes villes sur les moyennes, des moyennes sur les petites, etc. (Morin, 1980, p.311).
Les villes moyennes en France et au Québec
Aujourd’hui, 1 français sur 4 vit dans une ville moyenne pour le type de vie, la qualité mais aussi le cadre qu’elle offre. Depuis 40 ans, 13 000 communes françaises rassemblent 20% de la population dont 30% des citadins du pays. Elles concentrent donc essentiellement des jeunes ménages et retraités, on y trouve peu de cadres ainsi qu’une sous représentation des profils d’emplois qualifiés et du secteur tertiaire. Elles jouent donc un rôle structurant pour le territoire Français et Québécois par sa position intermédiaire. La population bien quelle soit importante pour définir ces villes, n’apparaît pas comme le seul élément. En effet, il est important de prendre en compte la ville dans l’ensemble du territoire dans lequel cette dernière s’inscrit. Car, « la ville moyenne se définit par rapport à la zone pour laquelle elle est un pôle d’attraction et de services » (Gohier, 1973, p. 20), ce qui amène donc la ville petite et moyenne à remplir de multiples rôles, et nécessite de cette dernière un bon réseau de services, d’infrastructures, permettant à la population résidentes d’avoir accès au même service que ceux proposé par la ville centre dont dépend la ville moyenne sans avoir à payer le prix » une population trop importante. Ce sont donc des territoires importants, et complexes par leur hétérogénéité (différente selon leur histoire, leur situation géographique, leur densité et peuplement, spécialisation économique…) qui sont soumis à de nombreux enjeux et acteurs au sein de l’espace régional. Malgré cette hétérogénéité, ces dernières constituent toutes des pôles urbains de l’espace non métropolisé. Au Québec, le plus souvent, les villes moyennes comprennent entre 20 000 et 70 000 habitants. Il est important de noter que les écarts qui séparent les catégories urbaines supérieures sont parfois considérables. En effet, l’armature urbaine Québécoise ne comptant aucune ville entre 63 000 et 110 000 habitants, les limites entre moyennes et grandes sont donc franches. En revanche la distinction entre ville petite et ville moyenne apparaît plus complexe à faire. Ainsi, deux critères doivent être pris en compte pour les villes du Québec à savoir la taille mais également le rayonnement que mesure la centralité. De ce fait, on retrouve dans la hiérarchie urbaine Québécoise, les « villes moyennes de niveau supérieur », les « villes moyennes », les « villes petites » et les « villes très petites ». Ainsi, le Québec compte pas moins de 19 villes moyennes dont la taille moyenne est de 38 000 habitants plutôt que de 133 000 comme c’est le cas pour les villes moyennes de rang supérieur. Tout comme, dans la définition des villes moyennes françaises, la « ville moyenne » sous-entend un certain niveau d’activité fonctionnelle, de production ou de service que matérialise la taille (nombre d’habitants).