Qu’est-ce qu’une communauté virtuelle
Notre objectif est de définir provisoirement ce qu‟est une communauté virtuelle d‟apprentissage, en particulier la communauté des apprenants qui bloguent dans le cadre d‟un blogue scénarisé pédagogiquement et en partie formalisé. Nous avons observé que plusieurs questions peuvent être soulevées dans le cadre de la définition d‟une communauté virtuelle d‟apprentissage (CVA): Comment définir les membres d‟une communauté virtuelle d‟apprentissage? Quel est le type, mode, organisation de transfert de savoirs et de compétences? Quels sont les outils exploités? Quel type de communication prévaut?
Quels sont les types de travaux? Quelles sont les proportions de l’importance du statut identitaire individuel du membre versus le statut identitaire collectif des membres? Quelle est la structure sociale et la répartition des rôles au sein de la CVA?
Quelles sont les ressources de connaissance dont la CVA puise? Comment s’effectue l’élaboration des ressources pédagogiques? 126 Quel type de relations sociales unissent les membres de CVA? Quel est le rôle des relations sociales par rapport à la qualité d’apprentissage? Comment la mutualisation des connaissances s’effectue? Quel est la place des tuteurs, enseignants et experts dans une communauté virtuelle d’apprentissage?
Premières tentatives de modélisation du concept de communauté virtuelle
Le concept de communauté virtuelle, issu du réseau social, est né dans les années quatre-vingt-dix et doit son nom à Rheingold Howard qui l’a utilisé pour la première fois dans son livre « Les communautés virtuelles » (1995). Rheingold (1995, cité par Grimbert, 2005: 3) parle de « regroupements socioculturels qui émergent du réseau quand un nombre suffisant d’individus partagent des valeurs communes ».
Il énumère les discussions publiques intenses, le temps et le cœur comme des facteurs indispensables au tissage des relations humaines dans le cyberespace. Dans cette tentative de définition Rheingold, cité par Grimbert, 2005: 4-29, a mis l‟accent sur certains traits caractéristiques fondamentaux:
1. l‟attitude des membres, 2. les objectifs, 3. le canal et le mode de communication, 4. le format de messages, 5. la réaction au problème cognitif, 6. l‟intensité d‟interaction, 7. le dépassement des limites, 8. la liberté de choix. 127 À la suite de Rheingold, d’autres chercheurs (entre autres: Wellman, 1996; Jones, 1997; Bélisle, 2001; Dillenbourg et al., 2003 et Preece et Maloney-Krichmar, 2003) ont tenté d’apporter des précisions à la définition du concept de communauté virtuelle.
L’attitude et le comportement des membres Rheingold soutient que les membres de la communauté partagent l’esprit d’entraide, de générosité et de solidarité, qu‟ils s’offrent mutuellement un soutien moral. Preece et Maloney-Krismar (2003: 597) soulignent l‟aspect de réciprocité dans l‟échange d‟informations, de soutien et de services, point important car il signifie que la communauté n‟est pas un groupe de membres autour d‟un seul individu compétent qui détient et distribue.
Bélisle (2001) accentue l’importance de la réciprocité des échanges, qui est proche de la notion de don, en l’illustrant par la situation où l’on donne, on reçoit et on rend, à tour de rôle, lors d‟échanges multiples. Rheingold souligne que la communauté virtuelle n‟est pas identique à la communauté qui se rencontre en présentiel, car elle constitue une autre configuration de liens. Or, il en résulte que des traits spécifiques, ou au moins une attitude particulière par rapport à l‟Autre, sont indispensables à l‟individu souhaitant rejoindre une communauté virtuelle. Sans serviabilité, sensibilité et disponibilité, son dessein pourra s‟exposer à l‟échec.
Ce que Rheingold appelait « cœur », Preece et Maloney-Krismar (2003: 597) nomment « émotions », en faisant remarquer que dans la communauté elles sont à la base des liens forts et amènent ses membres à réaliser des activités communes. Nous estimons que le facteur de gestion des émotions représente une passerelle subtile mais importante à l‟apprentissage (en général et dans la communauté) qui est conditionné dans une grande partie par les émotions positives accompagnant ce processus (cf. 1.3.5.1).
La communauté peut remplir la fonction de « tampon par choc » face à des difficultés cognitives de ses membres. Les difficultés peuvent provoquer les doutes, la peur, l‟incertitude et finalement une clôture cognitive qui mène à l‟inertie. La communauté peut générer le potentiel d‟activation cognitive de ses membres par l‟atténuation mutuelle des émotions négatives et à travers les exemples des difficultés dépassées relatés (cf. 1.3.4).