Qu’est-ce qu’un pointeur informatique ?

Rencontre, découverte et exploration géographiques

Au sortir du baccalauréat, j’avais eu de bons résultats en Histoire/Géographie. J’aimais bien cette discipline. Ne sachant pas précisément ce que je voulais faire mais sachant assez bien ce que je ne voulais pas faire, je me suis inscrit en première année de Géographie à l’Université. La “fac” était à Aix. J’habitais à Marseille. Cela nécessitait un changement de résidence et d’habitudes. J’en avais envie. Les trente kilomètres qui séparent Aix-en-Provence de Marseille sont probablement les
kilomètres les plus stratégiques que j’ai effectués au cours de ma courte existence.
J’avais choisi l’Université pour la souplesse de son encadrement et la grande autonomie qu’elle laisse à ses élèves. Je n’étais pas encore ouvert à la maîtrise de mon travail et de mon temps ; j’ai été emporté par le tourbillon festif auquel j’avais d’ailleurs aspiré, renonçant à me présenter aux examens cette année-là. Rencontrant l’intérêt de l’organisation ou plutôt de l’auto-organisation, j’ai essayé de l’appliquer l’année suivante.

A la suite d’une demande d’exercice de définition de la Géographie Régionale, j’ai découvert que les géographes n’étaient pas d’accord entre eux. La lecture de divers écrits des géographes fut éclairante. La géographie était un problème pour les géographes. Les idées s’affrontaient dans un débat qui prenait parfois le ton de la polémique. Ce début de réflexion épistémologique m’a permis de mettre en perspective la discipline, de prendre du recul par rapport à la matière, à ses enseignements et de mieux l’apprécier. Cette interrogation sur l’activité géographique a accompagné continuellement mon apprentissage et mon travail à partir du second cycle d’étude. Mon travail de maîtrise s’apparentait à une ébauche de géographie régionale de “l’Eurorégion Méditerranéenne Nord-Occidentale”. Je m’y efforçais d’exploiter un modèle régional proposé par J.-P. Ferrier, nommé “modèle provisoire de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur” et noté (paca), afin de rendre compte d’un possible “être géographique” encore nommé “Arc Méditérranéen”.

Géographicité des pointeurs

Les pointeurs connectent activités informatique et géographique. Il s’agit d’un outil-construit géomatique.
C’est un lieu désormais commun que de considérer que “l’informatique a changé beaucoup de choses” dans les “mondes du travail”, de la “création”, de la “décision”, de “l’action”, de la “pensée”, de la “science”… et quelques autres mondes encore. En d’autres termes, l’informatique a contribué à changer “la logique du monde”. Et cette “logique du monde” est ici inséparable de cette proposition résolument affirmative de J.-P Ferrier : « pour moi, la logique du monde commande la logique du discours sur le monde ».
Si la logique du monde a changé, change, sinon la logique de tout discours sur le monde, du moins la logique du discours géographique peut, pourrait changer. Si il existe des «rapports étroits entre structuration de la pensée géographique et nature de la relation au monde de l’homme, de l’homme-actant», et si l’informatique modifie la nature de cette relation, si il existe des « rapports entre structures et territoire dans la production du discours géographique, où se révèlent les liens entre structure du monde/structure du discours scientifique/structure du discours géographique », et si l’informatique recompose la “structure du territoire-monde”, alors l’organisation de la pensée géographique, la production et l’organisation du discours géographique peuvent exprimer ces modifications-recompositions. La pensée géographique et la production du discours géographique, afin de poursuivre et de prolonger son projet scientifique et humain multimillénaire, de rendre compte de la “réalité nouvelle”, d’y être sensible et de la rendre intelligible, réclament une organisation témoignant de la relation contemporaine au monde de l’homme-actant.
Les pointeurs proposeraient ici une organisation de la pensée et du discours géographique qui s’efforcent de répondre à cette exigence contemporaine : actualiser la relation de “l’homme-habitant-la-planète-Terre” à la “Nouvelle-Terre-des-hommes”.

Et ils proposent une réponse géographique : outil-construit géomatique issue de l’itinérance, les pointeurs reposent sur, et mettent en œuvre, des savoirs de l’espace — se placer, se déplacer, se situer, s’orienter, rapprocher, distancier — afin de produire-construire et peut-être faire-émerger, énacter, un espace de savoirs.
Depuis le “miracle grec”, voire la “révolution néolithique”, la Terre est parfois comprise comme “écriture”. Un système d’écriture s’accompagne nécessairement d’un système de lecture. Toute réforme-modification du système d’écriture est ipso facto une modification du système de lecture. L’activité informatique, nouvelle écriture-lecture, relit et dé-lit “géographie”, délie “géo-graphie” et relie “géo- (so)matique”, REDIT, REVISE la Terre paléolithique et PROJETE sur ces écrans la “Nouvelle Terre”.

Limites et enjeux de la cognition

La cognition n’est pas sans limites. Certaines, telles les limites de la perception ou de la manipulation et même de l’imagination, sont en quelque sorte inhérentes à la condition humaine. D’autres sont plus discrètes. Trop d’hésitations, un projet insuffisamment précisé, des médiasphères méconnus ou mal adaptées et/ou des techniques mal employées la déroute. N’oublions pas : la cognition vise un résultat. Ici nous rencontrons la limite la plus sûre de la cognition et deux risques qu’il convient de ne pas négliger. Le premier réside dans la confusion possible entre l’utilité et le sens ; l’utilité est différente du sens (» œuvre). Quand la cognition se veut avant tout utile, produit de l’utile, elle bute sur cette question: à quoi sert l’utilité ? Et elle n’y échappe aucunement en produisant de la connaissance. « Aucune connaissance contient la logique de son utilisation : la connaissance éclaire — rend possible — et RIEN DE PLUS ». Le second consiste à concevoir le sens sur le modèle de la vérité. Or, l’enjeu du résultat est ailleurs. La cognition mobilise nos facultés mentales. Elle met notamment en œuvre notre imagination, « sorte de perception déclenchée par des stimuli internes…, capacité de faire “tourner” des modèles mentaux de notre environnement ». Les modèles relèvent plutôt du pôle informatico-médiatique, de la vidéosphère. Ils visent l’efficacité et/ou la pertinence par rapport à un objectif particulier voire le changement, la nouveauté. Efficacité, pertinence locale, changement/nouveauté, tels sont quelques enjeux liés à la cognition.

Avec le changement et/ou la nouveauté, un dernier risque apparaît ; il n’est pas moindre. « Nous savons que l’innovation échappe doublement à son auteur ! Mais ici, plus fondamentalement, l’interrogation sur les fins montre qu’elle ne peut être confisqué par un homme ou un groupe d’hommes : elle appartient à tous les hommes, et engage leur responsabilité comme êtres dans le monde. »Le devenir incertain d’une nouveauté est affaire de dialogue (» pensée).

Raisonnement et logique

La logique est la science du raisonnement. Le raisonnement est l’objet de la logique. La logique et le raisonnement sont inséparables. A ce couple, il manque un partenaire. Il ne se cache pas bien loin. Si “logiké”nous renvoie à “ce qui concerne le raisonnement”, “logos” nous retourne “parole”, “discours”. La parole, la langue, tel est le troisième compagnon. F.-J. Varela nous rappelle que «l’esprit humain est la source principale et l’exemple le plus accessible de la cognition»(» cognition) et J.Chauvineau que « le langage fournit à la pensée ses moyens d’expressions habituels»(»pensée). Le raisonnement peut s’exprimer au moyen du langage naturel (la langue). La logique peut l’étudier.

Mais le langage est un compagnon indiscipliné, nullement disposé à jouer les comparses. La langue sert moins à raisonner qu’à communiquer, et la parole peut, à son insu, révéler “qui est un qui” (» action). Dès l’origine, le logicien le sait et propose « une théorie faisant abstraction de la vérité ou de la fausseté des prémisses, des formules absolument générales dont les termes ne sont que de simples variables ». Le raisonnement logique peut prendre pour objet n’importe quelle activité humaine, et notamment les procédés d’arithmétique et de géométrie (» mathématique). Ce n’est pas tant la parole que le discours, l’écrit, l’écriture qui constitue l’authentique compagnon de la logique et du raisonnement. Parmi les multiples aventures, cultures et civilisations humaines, la rareté de l’entreprise logique ne cesse de nous surprendre ; « une logique à caractère formel, clairement distinguée des techniques de persuasion, de dispute et d’enseignement, ne s’est véritablement épanouie que dans la tradition issue des grecs ». La classification des syllogismes a passionné quelques générations. La tradition s’est perpétuée. La logique en est venue à créer son propre langage, symbolique, son formalisme. De nos jours, encore et toujours, selon A. Thayse et co-auteurs, « la logique formelle a pour objet les formes correctes de raisonnement. A cette fin, elle fournit différents outils permettant la formalisation et l’analyse de la correction de raisonnements déductifs … : systèmes d’évaluation sémantique et systèmes formels d’inférence ».

Ces outils n’en sont pas moins liés à un langage, lequel présente un vocabulaire, une syntaxe rigoureuse et des outils sémantiques associés. Il nous est possible de préciser les éléments d’un système logique : «un système logique sera donc composé d’un langage, d’une sémantique formelle et d’un système d’inférence». Le vocabulaire donne lieu à des assemblages suivant certaines règles de formation. Les assemblages qui suivent ces règles font partie du langage. Ce sont des formules.
Dans un tel système, «un raisonnement est défini comme une opération de démonstration de la validité ou de la consistance d’une assertion logique», en sachant qu’«une formule est valide si toutes les interprétations en sont des modèles et est consistante si elle admet au moins un modèle».

Table des matières

MOUVEMENTS : DEVENIRS D’UN PROJET ET PROJETS EN DEVENIR 
• ITINERANCES 
Rencontre, découverte et exploration géographiques
Un projet-devenir, une problématique itinérante
Itinérance : le défi organisationnel et la spatialité du sens
• POINTEURS : MICRO-SIGNES POUR MEGA-TERRE 
Qu’est-ce qu’un pointeur informatique ?
Origine Xanadu
Histoire des pointeurs
Sens des pointeurs
Fonction des pointeurs
Géographicité des pointeurs
• BOUSSOLES CHOREMATIQUES 
Un besoin de l’itinérance
Un construit de l’itinérance
Une réponse à un défi
Une réponse à un défi humaniste ?
Un outil géomatique
• UNE INTERFACE OU FAIRE TOURNER LE MOTEUR D’INFERENCE GEOGRAPHIQUE 
1 ACTIVITÉS HUMAINES 
1.1.VIE ACTIVE 
1.1.1.Travail
1.1.1.1. Importance de l’enjeu
1.1.1.2. Deux idées contradictoires du travail
1.1.1.3. Le travail reconnu, nécessaire et insuffisant
1.1.2. Œuvre
1.1.2.1. L’activité productive, la fabrication, les enjeux
1.1.2.2. Imprudences et limites
1.1.3. Action
1.1.3.1. Deux appréciations au cœur de la vie active
1.1.3.2. Oubli
1.1.3.3. Confusion
1.1.3.4. Une action plus vaste ?
1.1.4. Lier le tout
1.2.VIE DE L’ESPRIT 
1.2.1. Éviter un malentendu. Précisions préalables
1.2.2. Contemplation
1.2.2.1. Étonnante faculté
1.2.2.2. Limites et/ou illusions de la contemplation
1.2.3. Pensée
1.2.3.1. Dévoiler quelques caractéristiques
1.2.3.2. La pensée dérape, la pensée déformée
1.2.3.3. Pensée non-discursive
1.2.3.4. Et pensée collective
1.2.4. Cognition
1.2.4.1. Entre pensée et raisonnement : quels paradigmes pour la cognition ?
1.2.4.2. Facultés cognitives
1.2.4.3. Hésitations et projet
1.2.4.4. Fond de l’air, air du temps
1.2.4.5. Limites et enjeux de la cognition
1.2.5. Raisonnement
1.2.5.1. Raisonnement et logique
1.2.5.2. Raisonnement et mathématique
1.2.5.3. Raisonnement logico-mathématique et logique mathématique
1.2.5.4. Raisonnement et calcul
1.2.5.5. Raisonnement et raison/rationalité : vous avez dit “activité mentale”?
1.2.5.6. Raisonnement, mémoire et esthétique
1.2.6. Vie de l’esprit, un tout
1.2.6.1. Origine des distinctions
1.2.6.2. Rapprochement, mise en relation
1.3.ACTIVITES HUMAINES : REUNION 
1.3.1. Réunion
1.3.2. Travail et raisonnement
1.3.3. Œuvre et cognition
1.3.4. Action et pensée
1.3.5. Remarques complémentaires
2 ÉLÉMENTS DU PROBLÈME DE LA REPRÉSENTATION DE LA CONNAISSANCE 
2.1. PROBLEME 
2.2. REPRESENTATION 
2.3. CONNAISSANCE 
3 ACTIVITÉ SCIENTIFIQUE 
3.1. MISE EN PRATIQUE DES CONCEPTIONS 
3.1.1. Questions
3.1.2. Réponses/définitions
3.1.3. Observateur observé
3.1.4. Raisonneur raisonné (1)
3.1.5. Raisonneur raisonné (2)
3.1.6. Organisation à réorganiser
3.2. MISE EN CONCEPT DES PRATIQUES 
3.2.1. Des approches opposées
3.2.2. Des approches opposées mais reliées
3.2.3. Des approches complémentaires, reliées sans oppositions
3.3. LE LANGAGE SCIENTIFIQUE : UN COUPLE (CONCEPTION, PRATIQUE) 
3.3.1. Le langage : un lieu de rencontres
3.3.2. L’empreinte de la logique
3.3.3. Couplage structurel
3.4. PRE-SCIENCE, CRISE, MUTATION, POST-SCIENCE ? 
3.4.1. Stupeur !?
3.4.2. Premier contexte
3.4.3. Deuxième contexte
3.4.4. Troisième contexte : des lieux de réflexions
3.5. TROISIEME CONTEXTE : DES CRITIQUES /INTERROGATIONS CONVERGENTES 
3.5.1. Un contenu implicite à expliciter
3.5.2. Le contenu en question (1)
3.5.3. Brève histoire du sujet
3.5.4. Le contenu en question (2)
3.5.5. Bilan
3.5.6. Le contenu en question (3)
3.5.7. Des limites-liens
3.6. UNE CONCEPTION ENTRE-OUVERTE ET PLURIELLE 
3.6.1. Contenu et éléments possibles du troisième contexte
3.6.2. Un enjeu possible du troisième contexte
3.6.3. Débordements
3.6.4. Activité scientifique et activités humaines : quelques liens
3.6.5. Risque-limite et seuil-limite
4 ÉPISTÉMOTOPIES/ÉPISTÉMOGRAPHIES 
5 ACTIVITÉ INFORMATIQUE 
5.1. MEDIATIONS 
5.1.1. Futur antérieur
5.1.2. Destinations
5.1.3. Connexions
5.2. PROGRAMME 
5.2.1. Trois étapes
5.2.2. Situation pratique
5.2.3. Styles
5.3. HYPERTEXTE 
5.3.1. Quelques origines
5.3.2. Dispositifs techniques
5.3.3. L’hypertexte et la communication
5.3.4. Apports
5.4. BASE DE DONNEES 
5.4.1. Le choix relationnel
5.4.2. Méthode
5.5. DU MONDE EN TIQUE AU MONDE ANTIQUE (ET VICE VERSA) 
5.5.1. Une conscience ?
5.5.2. Deux pratiques
5.5.3. Formation, formalisation, (re)fondation
5.5.4. Voyages
6 L’ÉNÉE DES MYTHES
STRUCTURE ET ANALYSE STRUCTURALE DES MYTHES SELON CLAUDE LEVI-STRAUSS 
6.1. VERSION LONGUE 
6.2. VERSION MOYENNE 
6.3. VERSION COURTE 
6.4. SUITE ET FIN (VERSION LONGUE) 
6.5. COMMENTAIRES-EXPLICATIONS SUR LES TROIS VERSIONS 
7 ACTIVITÉ GÉOGRAPHIQUE 
7.1. POURQUOI ET COMMENT RENDRE COMPTE DE LA GRILLE “ANTEE 1”
7.1.1. Pourquoi ce rappel ?
7.1.2. Comment rendre compte ?
7.1.3. Comparaison de l’objectif de rendre compte avec la mise en représentation cartographique
7.2. LA GRILLE D’ANTEE 1 
7.2.1. Des points (d’interrogation), des lieux (de questionnement) et des questions (localisées)
7.2.1.1. Mise au point (1)
7.2.1.2. Mise au point (2)
7.2.2. Des lignes de lecture, des mises en route
7.2.2.1. Des points à la ligne-boucle (1)
7.2.2.2. Des points à la ligne-flèche… (2)
7.2.2.3. … réversible
7.2.3. La ligne de lecture centrale
7.2.4. Une grille dans la grille : le modèle (paca)
7.3. DES GRILLES DE LECTURE, DES MISES A PLAT ET DES PLANS 
7.3.1. Une grille de la grille
7.3.2. Remédiance
7.3.3. Logomatique
7.3.4. Des pôles de l’esprit, des médiasphères
7.3.5. Paragéographie et éveil d’une conscience géographique
7.3.6. Structures élémentaires de l’espace : chorèmes
7.4. DES LIENS, DES MISES EN RELATIONS ET DES RESEAUX 
7.4.1. Une ligne, une grille, un réseau
7.4.2. Des points-lieux et des liens à classer
7.4.3. Des points-lieux et des liens à analyser
7.4.4. La Terre (ré)enchantée, Gé
7.4.5. Un “pôle de la Terre” ou “Géosphère”
7.4.6. Parachorématique
7.5. GEOMATIQUE 
7.5.1. vers une chorématique géomatique
7.5.2. Expériences géomatiques : expérimentations-instrumentations géomatiques
7.5.2.1. L’organisation-structuration de l’espace géographique
7.5.2.2. Instrumentation-Expérimentation “cartomatique” : fonds de cartes du territoire de l’Eurorégion
7.5.2.3. Le module “climate”
7.6 L’EUROREGION A L’ECRAN 
7.6.1. Des menus
7.6.2. Un module de consultation
GÉNACTION 
• STUCTURES ELEMENTAIRES DE L’ESPACE ET DISCOURS GEOGRAPHIQUE
• TERRITOIRE ET COGNITION
• LA GENACTION CACHEE
• LA GENACTION SAUVAGE
PAUSE : MEMOIRES EN DEVENIR 
BIBLIOGRAPHIE 

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