Qu’est-ce que la recherche scientifique ?

Qu’est-ce que la recherche scientifique ?

La recherche scientifique, c’est avant tout un processus, une démarche rationnelle qui permet d’examiner des phénomènes, des problèmes à résoudre, et d’obtenir des réponses précises à partir d’investigations. Ce processus se caractérise par le fait qu’il est systématique et rigoureux et conduit à l’acquisition de nouvelles connaissances. En d’autres termes, la recherche scientifique se définit comme un processus systématique de collecte de données observables et vérifiables à partir du monde empirique. La recherche se distingue donc d’un simple tâtonnement ou de l’essai circonstanciel du praticien: elle suit une démarche rigoureuse pour trouver des réponses à des questions qui nécessitent des investigations dans le réel. Elle tente de découvrir ce qui est caché, de mettre à nu ce qui ne se constate pas de manière évidente; elle tend vers la découverte de loi, de principe d’explication. On retient par conséquent que la recherche est un processus, une activité de quête objective de connaissances sur des questions factuelles. Ses fonctions sont de décrire, d’expliquer, de comprendre, de contrôler, de prédire des faits, des phénomènes, des conduites, donc d’élucider le mécanisme de production des faits, en l’occurrence des faits sociaux. Pour accumuler des connaissances sur ces questions factuelles, le chercheur mobilise tout un «métier». Il met entre parenthèses ce qu’il croit savoir (les prénotions, comme dit Durkheim), prend du recul par rapport à la façon commune de penser, de voir, de poser les problèmes, de faire les observations. Il définit des hypothèses mettant en relation des concepts, des variables. Ses hypothèses sont ensuite soumises à l’épreuve des faits, sont donc testées à l’aune des données construites grâce à une variété de techniques ou instruments de recherche. Le chercheur peut par exemple élaborer des grilles pour observer les interactions dans une classe, peut faire une analyse de contenu de manuels, de journaux, de toutes sortes de documents, peut mener une enquête sur les trajectoires des élèves, peut sonder les opinions des consommateurs, des lecteurs d’un journal ou dans une bibliothèque. On le voit, la recherche a pour finalité de découvrir l’inconnu, de traquer la vérité cachée afin de faire sortir quelques évidences. Les parcelles de vérité se dissimulent sous les objets, les faits, les comportements et attitudes, les événements, les phénomènes, les pratiques sociales, etc. Pour leur manifestation, le chercheur peut aller de la supposition ou de l’hypothèse à la découverte de vérité plus assurée en passant par un cycle d’opérations La recherche scientifique 18 rigoureux, méthodique. La rigueur dans l’observation, dans l’analyse et l’interprétation des données, des faits, des idées, caractérise le chercheur. 

Les grandes démarches scientifiques et le falsificationnisme 

Depuis l’avènement de la science moderne dont l’un des fondements est l’empirisme, s’imposent trois grandes démarches scientifiques : l’inductive, la déductive et l’hypothético-déductive. Autant dire qu’il existe trois manières de cheminer, de marcher, de progresser vers un but, de décrire les principes fondamentaux à mettre en œuvre dans le travail de recherche. François Dépelteau (2005) présente bien ces trois démarches.

 La démarche inductive 

Selon les empiristes (Francis Bacon (1561-1620), John Locke (1632- 1704) et David Hume (1711-1776), nous connaissons la réalité à partir de nos sens. Mais comment procède-t-on ? L’induction consiste à induire des énoncés généraux (des vérités) à partir d’expériences particulières rigoureuses et systématiques. L’expérience de la réalité est celle fournie par les cinq sens ou renvoie à une manipulation et à une observation de la réalité pour vérifier des hypothèses. Après avoir observé plusieurs phénomènes similaires, le chercheur élabore des énoncés généraux qui deviennent des hypothèses, des théories, puis des lois scientifiques. En sciences humaines et sociales, la démarche inductive est souvent utilisée avec des techniques de collecte des données comme l’observation, l’entretien, etc.

La démarche déductive 

La déduction dont le père dans la science moderne est René Descartes (1596-1650) soutient que la véritable connaissance ne peut se fonder sur les sens. La certitude vient de la déduction (de notre raison, de nos raisonnements). A partir des intuitions (ou prémices), il s’agit de déduire d’autres affirmations qui en sont les conséquences. La démarche déductive est présente aujourd’hui dans les sciences humaines pour des travaux et réflexions qui permettent à des penseurs d’élaborer des systèmes d’idées, des théories. 

La démarche hypothético-déductive 

C’est aujourd’hui la démarche « classique » de la science moderne. Elle découle de la méthode expérimentale. Le chercheur se pose une question, formule une réponse provisoire, élabore des conjectures théoriques et les soumet à des tests empiriques dont le but est de vérifier la véracité de la réponse provisoire. Avec les chercheurs en sciences de la nature qui recourent à l’aise à la méthode expérimentale, les chercheurs en sciences de l’homme et de la société utilisent différents instruments de collecte des données que sont par exemple l’analyse de contenu et l’analyse statistique pour s’engager dans la démarche déductive.

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Quelle démarche choisir ?

 La démarche inductive et la démarche hypothético-déductive sont régulièrement utilisées dans la science moderne au point où la démarche déductive fait apparemment figure de parent pauvre en sciences humaines. Cependant, son importance n’est pas à minimiser sous le prétexte qu’elle ne serait pas empirique. Plusieurs observations peuvent être faites. Des sociologues et anthropologues ont une préférence pour la démarche inductive qui, selon eux, permettent de produire des théories « ancrées » dans la réalité et non dans l’imaginaire du chercheur. Ils commencent donc leur recherche par une observation empirique. D’autres chercheurs débutent leur recherche par un travail théorique. C’est après cela qu’ils se livrent à des observations empiriques afin de vérifier la validité de leurs spéculations théoriques. Il se trouve que des chercheurs n’éprouvent point le besoin de vérifier leurs hypothèses et théories par des tests empiriques. Leur démarche est essentiellement déductive. Ainsi, procèdent de grands penseurs comme Karl Max écrivant Le Capital pour expliquer les ressorts de l’exploitation capitaliste (théorie de la plus-value) ou Emile Durkheim rédigeant De la Division du travail social, encore qu’il adopte la démarche hypothéticodéductive pour son étude sur Le suicide. La plupart des essais de philosophie tout court, de philosophie politique, d’économique politique se fondent en bonne partie sur la démarche déductive, voir par exemple Le contrat social de Jean-Jacques Rousseau, Léviathan de Thomas Hobbes, La richesse des nations d’Adam Smith. La diversité méthodologique en sciences sociales et humaines n’autorise pas à penser que l’on peut faire n’importe quoi, n’importe comment. Le chercheur doit toujours être en mesure de justifier le choix qu’il fait d’une démarche, en se fondant sur des principes épistémologiques et les besoins de la recherche. 

Pertinence et limites du falsificationnisme

 Certains principes épistémologiques de la science moderne ont été critiqués sinon contestés par des falsificationnistes dont le maître à penser est Karl Popper. Le falsificationnisme s’attaque au problème de l’induction et de l’impossibilité de la vérification. Pour Popper, la démarche inductive ne peut garantir la véracité des énoncés généraux, car une expertise future est toujours susceptible de contredire un énoncé général issu d’expériences passées. En effet, si l’observation de milliers de corbeaux pendant cent ans donne à croire que les corbeaux sont noirs, rien ne prouve, de façon logique, que le prochain corbeau observé sera noir. C’est dire que l’induction ne permet pas d’arriver à la découverte de liens de causalité certains. Les positivistes ont beau rétorquer que les vérités scientifiques sont plutôt probables (la probabilité de la véracité d’un énoncé général s’élevant avec le nombre élevé d’expériences), Popper maintient que la vérification par l’expérience s’avère logiquement impossible. Pour lui, une démarche scientifique doit pouvoir simplement permettre la falsification (ou la réfutation) des hypothèses et des théories, sans garantir une impossible vérification. Concrètement, le falsificationnisme soutient que l’expérience ne mène pas à la découverte de la vérité ; elle corrobore ou réfute un énoncé général qui n’est ni plus ni moins qu’une supposition ou une conjecture théorique. Et le chercheur ne peut que dire que telle expérience va dans le sens de ses conjectures théoriques, de ses anticipations, que son hypothèse a résisté à un test empirique et non soutenir qu’elle a été vérifiée. La science ne conduit pas à la vérité mais en rapproche en démontrant ce qui est faux. Selon Popper, la bonne démarche est hypothético-déductive. Elle permet de soumettre une conjecture théorique et spéculative (par exemple selon laquelle chez les jeunes, le suicide découle de la perte d’emploi) à l’épreuve ou la critique des tests empiriques. Il peut se faire par exemple que les tests révèlent que plusieurs suicides de jeunes ne sont pas le fait de la perte d’emploi. La conjecture est donc falsifiée ou refusée par le fait que la perte d’un emploi n’est pas la seule cause du suicide chez les jeunes. Le falsificationnisme de Popper est une mise en garde sage et pertinente contre l’arrogance des énoncés généraux-vérités à partir de la seule expérience. En sciences sociales et humaines, c’est déjà beaucoup de rechercher des corroborations provisoires et même une falsification des hypothèses de recherche, et de réaliser que la quête du savoir est une croisade contre la fausseté, contre l’erreur, d’avoir conscience des limites de nos sciences, de nos théories et de nos lois qui tôt ou tard pourront peut-être être réfutées par des faits. Ces observations ne voilent pas l’excès dans la démarche exigeante de falsification des hypothèses telle qu’elle a été développée par Karl Popper. Les sciences sociales et humaines n’ont peut-être pas besoin de parvenir au degré satisfaisant de falsification d’hypothèse qu’il souhaite.

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