GESTION DES RISQUES
Démarche d’amélioration de la qualité visant en priorité la déclaration et l’analyse des événements indésirables susceptibles d’engendrer un dommage pour un patient, un membre du personnel ou un visiteur. Les risques potentiels pour un établissement de santé sont multiples et variés : cliniques (erreur diagnostic, iatrogénie, nosocomial), juridique, technologique, informatique, juridique, lié au personnel, financier, naturel, écologique, éthique … De plus, les hôpitaux présentent certaines caractéristiques défavorables en terme de sécurité : • Hétérogénéité des risques (spécialités, patients), donc difficulté d’analyse • Fonctions 24h/24h liées à la mission de service public • Activité fondée sur l’humain, peu automatisée • Faible standardisation des pratiques • Transfert des tâches fréquent lié au manque d’effectif et aux habitudes créées • Présence de professionnels débutants liée au rôle de formation de l’hôpital universitaire • Formation basée essentiellement par compagnonnage • Culture sécurité peu développée, non incorporée dans la formation initiale, peu dans la formation continue.
L’objectif n’est pas le risque zéro, qui n’existe pas, mais de fixer puis atteindre un niveau d’acceptabilité du risque. Nous n’aborderons ici que les risques cliniques. Volet 2 : Gestion des Risques Outils Gestion Signalement Indicateurs Erreurs Informatique Cartographie ? La situation de la iatrogénie en France (Etude ENEIS présentée dans un chapitre suivant) est comparable à celle des autres pays de même niveau de développement. On estime qu’un séjour hospitalier sur 10 est marqué par un événement indésirable, qualifié de grave dans 30% des cas. Il est évitable dans 30 à 40 % des cas, et ne serait donc pas intervenu si les soins s’étaient déroulés en conformité avec la prise en charge considérée comme satisfaisante. La gestion des risques devant ce tableau est donc bien une réelle problématique de santé publique et touche l’ensemble des établissements de santé. Dans un souci d’efficacité et de modernisation de la gestion interne hospitalière, une approche transversale et coordonnée des systèmes de vigilance, et plus largement des risques, doit être privilégiée.
Cette approche globale, systémique est la seule pouvant prétendre viser des solutions durables. A. DEFINITIONS De nombreuses définitions, parfois subtiles, concernent le domaine des risques. Nous les avons regroupées dans le tableau 5. Nous ne reprenons ici que la définition du risque et de la gestion du risque et un schéma récapitulatif. Danger : médicament utilisé dans des conditions de nuisance (toxicité ou inefficacité) pour patient, suite à EM. Situation dangereuse ou à risque : EM. Evénement redouté : erreur avérée (parvenue au patient). Erreur acceptable : erreur potentielle (erreur interceptée avant le patient). Barrière de sécurité = interception de l’EM avant le patient. Risque : mesure de situation dangereuse et potentialité de nuisance. Risque = Fréquence x Gravité Risque = Vulnérabilité Résilience Probabilité Intensité Aléa x Enjeu – Tableau 5 : PRINCIPALES DEFINITIONS DANS LE DOMAINE DU RISQUE Terme Définition Illustration Risque Situation non souhaitée dont l’occurrence est incertaine résultant de la survenue d’un événement ou d’un ensemble d’événements Le risque d’un événement est défini par deux paramètres indissociables : La probabilité de survenance de cet événement, définie en termes de fréquence d’apparition ou de vraisemblance pendant une période de temps ou un nombre d’opérations La gravité ou nature et l’importance de des conséquences de cet événement en termes de dommage sur l’élément vulnérable Risque = Aléas x Vulnérabilité Risque = Aléa x Enjeu La composante probabiliste du risque correspond à l’incertitude que l’on sur la survenance de l’événement (on ne sait pas s’il se produira et on ne sait pas quand il se produira) Erreur médicamenteuse Transfusion incompatible Danger Propriété intrinsèque d’une substance dangereuse ou d’une situation physique de pouvoir provoquer des dommages pour la santé humaine et/ou l’environnement (potentiel de nuisances) Composante qui génère la gravité des conséquences En sécurité des systèmes, le danger est un potentiel de dommage aléatoire.
La nature du danger peut être matérielle (dispositif mécanique, substance chimique, agent infectieux, …) ou immatérielle (énergie potentielle ou cinétique, formation incomplète d’un opérateur, …) Le danger peut être la propriété d’une substance (produit chimique toxique, …), un objet (machine, virus, …) ou un phénomène (foudre, séisme, …), une situation (conflit social, …) ou un processus mal défini ou mal réalisé (erreur humaine, erreur de diagnostic, erreur de stratégie, erreur de management,…) La connaissance de la nature du danger est le point de départ obligé de l’analyse de risques. Traitement de morphine Page – 56 – Terme Définition Illustration Alea Conditions latentes susceptibles de se transformer en menaces, conditions latentes d’origine naturelle (géologique, hydrométéorologique et biologique) et/ou induites par l’activité humaine (dégradation de l’environnement et aléas technologiques) Administration Enjeu Personnes, biens, équipements, environnement menacés par l’aléa et susceptibles de subir des préjudices ou des dommages Santé du patient Vulnérabilité Caractéristique d’un système exprimée par l’aptitude ou la probabilité que le système se dégrade, avec réduction de sa capacité à réaliser sa mission sous l’effet d’une agression de nature et de niveau définis Ensemble de conditions et de processus résultant de facteurs matériels, sociaux, économiques et environnementaux qui accentuent la sensibilité d’une communauté à l’impact des aléas Susceptibilité d’un enjeu à être détruit par un aléa Caractérise le niveau de sensibilité de l’élément cible du système On associe le concept de vulnérabilité d’un système à sa susceptibilité ou sensibilité aux agressions potentielles mais aussi au concept de dégradation contrôlée. Le concept d’invulnérabilité d’un système peut alors se définir comme l’aptitude d’un système à maintenir son intégrité physique et fonctionnelle lorsqu’il est soumis à des agressions Patients à risques Personnes âgées Nouveaux nés Insuffisants rénaux sévères Résilience Aptitude des individus et des systèmes (les familles, les groupes et les collectivités) à vaincre l’adversité ou une situation de risque. Cette aptitude évolue avec le temps ; elle est renforcée par les facteurs de protection chez l’individu ou dans le système et le milieu ; elle contribue au maintien d’une bonne santé ou à l’amélioration de celle-ci Procédure de double contrôle infirmier Page – 57 – Terme Définition Illustration Situation dangereuse Situation dans laquelle les éléments du système sont exposés à un danger. La situation dangereuse (SD) est un état du système en présence d’un danger.
Elle résulte de la conjonction d’un danger (D) et d’un événement contact (EC) qui met le système en présence ou au contact du danger sans pour cela que les éléments vulnérables du système soient systématiquement ou directement exposés. Cet événement peut être le résultat d’un ensemble de circonstances. Les éléments du système qui sont exposés sont les personnes et les biens ainsi que l’environnement dans lequel le système évolue. Pour un même danger certains paramètres comme la durée de l’exposition peuvent influer sur la dangerosité de la situation Préparation de la solution de morphine Situation accidentelle Situation dangereuse dans laquelle les éléments vulnérables sont en présence d’un danger les affectant directement. Le passage en situation accidentelle (SA) d’un système initialement en situation dangereuse (SD) résulte de la survenance d’un événement amorce (EA) qui déclenche la dangerosité sur le ou les éléments vulnérables du système. Cet événement peut être le résultat d’un ensemble de circonstances Le degré de sensibilité des éléments vulnérables au potentiel de danger entraîne ou non le passage de la situation accidentelle à l’accident.
La gravité des conséquences directes et indirectes de l’accident correspond au montant des dommages en terme de perte ou préjudice mesurable. La situation accidentelle conduit à un accident auquel elle peut être assimilée Surdosage Événement contact Événement dont la survenance, en présence de danger, met le système en situation dangereuse. Cet événement peut être l’aboutissement d’un scénario issu de la combinaison, ou non, de défaillance matérielle, de défauts logiciels, d’erreurs humaines, d’agressions externes … Prescription de morphine Événement amorce L’événement amorce est l’événement qui déclenche l’accident. Cet événement peut être l’aboutissement d’un scénario issu de la combinaison, ou non, de défaillance matérielle, de défauts logiciels, d’erreurs humaines, d’agressions externes … Erreur de calcul Page – 58 – Figure 10 : REPRESENTATION SCENARIO D’ACCIDENT Danger Evénement contact ET Situation Dangereuse Evénement amorce ET Situation accidentelle Conséquences Page – 59 – Figure 11 : REPRESENTATION D’UNE ERREUR MEDICAMENTEUSE Morphine Prescription ET Préparation Morphine Erreur de calcul ET Surdosage Danger Evénement contact Situation dangereuse Evénement amorce Situation accidentelle Conséquences Décès
VIGILANCES SANITAIRES
Un système de vigilance correspond à un système d’information finalisé, construit comme un processus continu de recueil, d’analyse et de diffusion standardisés de données pour permettre des prises de décisions immédiates concernant une ou plusieurs facettes des activités du système de santé. Il existe des vigilances sanitaires officiellement reconnues et bénéficiant d’un circuit bien défini. Médicaments (effets indésirables) Pharmacovigilance Dispositifs médicaux (DM) Matériovigilance Produits sanguins labiles Hémovigilance DM de diagnostic in vitro Réactovigilance Cosmétiques Cosmétovigilance Infections nosocomiales Infectiovigilance Tissus Biovigilance Stupéfiants et psychotropes Pharmacodépendance Sécurité anesthésique Anesthésiovigilance Intoxications humaines Toxicovigilance Puis, plus récemment, sont apparues des nouvelles vigilances non encore réglementées : Information Infovigilance Identification du patient Identitovigilance Et en ce qui nous concerne plus ici, Médicaments niveau processus Iatrovigilance. Les vigilances sanitaires réglementaires ont pour missions de signaler aux autorités centrales les incidents sérieux qui pourraient se produire avec les produits sanguins, les matériels biomédicaux, les médicaments, les réactifs de laboratoire et les produits d’origine humaine. Outre ces actions de signalement et d’enregistrement, elles ont/peuvent également avoir comme activité : • Des évaluations dans un but de prévention, • La réalisation et suivi des actions correctives décidées, • La traçabilité de certains produits, • La capacité de répondre à une alerte sanitaire par une mise en place de procédures de gestion de l’alerte et des risques. Ces vigilances ont suivi un développement autonome, progressif, effet d’une production continue de textes réglementaires difficiles à intégrer dans la pratique quotidienne. Le manque de ressources allouées ne favorisait pas non plus la mise en place d’un dispositif cohérent. Une problématique est leur nécessaire ajustement à une l’évolution de la nature des risques. (Académie Nationale de Médecine) cite deux exemples : – L’hémovigilance. Le domaine de la transfusion a été marqué il y a vingt ans par la contamination par le virus du Sida. Cela a entraîné des réorganisations avec d’une part la création d’une structure de production des produits sanguins labiles, l’Etablissement français du sang (EFS) et d’autre part la mise sur pied d’un système d’hémovigilance. Le principal objectif de l’EFS a été de lutter contre les risques de transmission virale.
Aussi les données de l’hémovigilance ont-elles mis en évidence au cours des dernières années une diminution importante de ce risque. Les efforts en ce sens ont néanmoins continué au prix d’investissements qualifiés de Page – 61 – déraisonnables par certains experts. D’autant plus déraisonnables que dans le même temps persistait un taux beaucoup plus élevé d’erreurs graves par incompatibilité immunologique dont une large part était due à des erreurs d’attribution. – La pharmacovigilance. Première des vigilances, la pharmacovigilance s’est centrée avec efficacité sur le dépistage des effets imprévus en rapport avec un médicament. Mais les grandes enquêtes épidémiologiques ont bien mis en évidence que la majorité des accidents médicamenteux relève, non pas d’un produit découvrant des risques insoupçonnés mais bien plutôt d’erreurs dans la prescription, la dispensation ou l’administration du médicament. Or il se démontre à l’usage que la pharmacovigilance ne répond pas à une démarche d’analyse adaptée à ce fonctionnement typiquement systémique qu’est le circuit hospitalier du médicament (David). Elle ne peut donc jouer un rôle de prévention de ces accidents si fréquents et en grande partie évitables. Les perspectives actuelles au niveau des vigilances sanitaires sont de : • Développer des outils pratiques, rédiger un livret vigilance, • Renforcer la formation continue, • Réfléchir à harmoniser les procédures des différentes vigilances pour une méthodologie commune et permettre une approche transversale d’un risque, d’une question de santé, y compris en libéral.