Quelques problèmes d’inspiration physique en théorie des probabilités
Limite de champ moyen pour un modèle de Boltzmann
Cette section est un résumé du travail présenté en détail dans la partie II de la thèse. 2.a Les modèles particulaire et continu On considère un modèle particulaire stochastique pour l’évolution d’un gaz spatialement homogène. Dans ce modèle, il y a N particules i ∈ {1,…, N}, complètement décrites par leurs vitesses vi ∈ R d . Les collisions entre deux particules de vitesses respectives v et w sont décrites par une mesure positive γv,w, où N−1dγv,w(v ′ ,w ′ )δt donne la probabilité, pendant un intervalle de temps infinitésimal δt, que ces particules subissent un choc élastique et repartent instantanément avec les vitesses émergentes respectives v ′ et w ′ . On fera sur les γv,w les hypothèses physiques habituelles de conservation et d’invariance. Le système particulaire évolue ainsi suivant le processus de Markov de générateur L f (v1,…,vN ) = 1 2N X 0 0 : logE[U (λ( ^XT − XT))] É logE[U (λe −κT ( ^X0 − X0))]+λ 2 e2(λe 2κ−TL)e1(−2κT)V T, (2H) où e1(·) et e2(·) notent les fonctions e1(z) · ·= (e z −1)/z, resp. e2(z) · ·= (e z −1−z)/z 2 , prolongées par continuité en 0 par e1(0) = 1, resp. e2(0) = 1/2. ♣ Ce théorème montre que pour tout T fixé, ^XT converge vers XT à vitesse N−1/2 quand le nombre de particules augmente, pour peu qu’initialement ^X0 soit suffisamment proche de X0. Toutefois, pour κ < 0 les constantes se dégradent très vite dès que T & 1/|κ|. Sans donner une démonstration complète du théorème, expliquons où se situe son argument central. Il s’agit montrer qu’une fonctionnelle de la forme F(t) = e h(t)U (λe κ(t−T) ( ^Xt − Xt)) (2I) est une surmartingale. Pour cela, on regarde l’espérance de l’évolution de F sur un intervalle de temps infinitésimal [t,t+δt], en supposant ^Xt connu. Par définition d’un générateur, on a alors E[δ ^X] = (L I)( ^Xt)δt+O(δt 2 ), (2J) ce qui suggère d’écrire la décomposition suivante, où ^Yt note ( ^Xt − Xt) : F(t+δt)− F(t) = h ′ (t)F(t)δt (2K) + e h(t)λe κ(t−T)∇U (λe κ(t−T) ^Yt)·(L I( ^Xt)−L I(Xt)+κ ^Yt)δt (2L) + e h(t) [U (λe κ(t−T) ^Yt+δt)−U (λe κ(t−T) { ^Yt +[L I( ^Xt)−L I(Xt)]δt})](2M) + O(δt 2 ). Dans cette décomposition, chaque ligne est contrôlée de manière à assurer que la somme soit toujours négative : • La ligne (2K), qui est déterministe, sera contrôlée par un choix judicieux de h. • L’hypothèse (i) du théorème est précisément ce qu’il faut pour assurer que la ligne (2L) soit toujours négative. • Dans la ligne (2M), réécrivons le terme entre crochets sous la forme U (A + b) − U (A), où A est déterministe et b est aléatoire. Nous observons alors que E[b] = 0 (à un terme O(δt 2 ) près), de sorte que, par application de la formule de Taylor, on a moralement, sous réserve que les sauts ne soient pas trop grands — c’est là qu’intervient l’hypothèse (iii) — : E[U (A + b)−U (A)] ≃ E[∇ 2U (A)·(b,b)]. (2N) Comme ici b est essentiellement égal au saut effectué par le processus, on voit ainsi que l’espérance de (2M) est contrôlée par l’espérance du carré de la longueur des sauts, que nous majorons par l’hypothèse (ii). 2.c Mise en œuvre dans le cas maxwellien Voyons maintenant comment on peut appliquer le théorème 2.1 au modèle de Boltzmann. Pour le choix de l’espace de Hilbert H dans lequel on étudie de processus, j’ai pris l’espace de Sobolev homogène . H−s défini par kµk . H−s · ·= µZ Rd |µ^(ξ)| 2 |ξ| −2s dξ ¶1/2 , (2O) Quelques problèmes d’inspiration physique en théorie des probabilités ou encore, à un facteur constant près : kµk . H−s = ° ° °µ∗(|·| −(d−s) ) ° ° ° L2 (Rd) . (2P) Posant s =· · d/2+ r, on a que pour r ∈ (0,1), la différence de deux mesures de probabilité ayant des moments polynômiaux de degré r sera dans . H−s , de sorte que cet espace convient effectivement pour mesurer la distance entre µt et µ^N t . Dans . H−s , la collisions entre deux particules de vitesse relative v correspond à un saut d’amplitude proportionnelle à N−1 |v| r . Quand le nombre de particules augmente, il est raisonnable de supposer que cela se fait de façon que l’énergie cinétique totale du système croisse en O(N) ; par conséquent on vérifie l’hypothèse (ii) du théorème 2.1 avec V = O(N−1 ). Pour l’hypothèse (iii), il faut contrôler la vitesse de la plus rapide des particules : par conservation de l’énergie, on peut montrer que celle-ci est bornée par O(N1/2), de sorte que L = O(N−1+r/2) convient — on s’attend même à ce que sous des hypothèses raisonnables, on puisse en fait prendre L = O(N−1+η ) pour tout η > 0. L’hypothèse du théorème abstrait la plus délicate à vérifier est (i). Commençons par observer que dans notre cas, (L I)(µ) est la forme quadratique Q(µ,µ), de sorte que 〈∇[L I](x) · f , f〉 = 2〈Q(µ, f ), f〉. Comme µ est une mesure de probabilité, en décomposant celle-ci sous la forme µ = R Rd δvdµ(v), on s’aperçoit que pour vérifier l’hypothèse (i) il suffit de démontrer que pour tout v ∈ R d , l’opérateur Q(δv,·) est (−κ/2)-dissipatif, i.e. que pour toute f ∈ H, 〈Q(δv, f ), f〉 É − κ 2 kf k 2 . (2Q) Pour établir (2Q) dans l’espace . H−s , nous avons besoin de supposer que le modèle est maxwellien. Cela signifie que la probabilité par unité de temps que deux particules données subissent une collision présentant un angle de déviation θ est la même quelles que soit la vitesse relative incidente entre ces deux particules. Cette propriété est vérifiée par exemple par le modèle « de Kac », où on tire poissonniennement des paires de particules dont les vitesses émergentes sont redistribuées uniformément sur l’ensemble des couples (v ′ ,w ′ ) vérifiant la conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie. Dans un tel contexte, l’opérateur Q(δv,·) se décompose en une somme (continue) d’opérateurs « en cerceau » Qˇ θ, par lesquels une masse de Dirac δw est envoyée uniformément sur un « parallèle » de la sphère de diamètre [v,w] (voir figure 1). Le comportement dissipatif d’un tel opérateur peut être calculé explicitement. Considérons en effet l’ensemble Rθ des similitudes de R d qui fixent v, ont un rapport cos(θ/2), et font tourner tous les points de R d d’un angle θ/2 autour de v. Nous supposerons ici que d est pair (le résultat reste vrai pour d impair, mais la démonstration est plus compliquée) ; dans ce cas, l’ensemble Rθ est non vide et muni d’une mesure de probabilité naturelle [une sorte de mesure de Haar], que nous noterons πθ, pour laquelle Qˇ θ(f ) = Z Rθ (R # f )dπθ(R). (2R) On ramène ainsi Q(δv,·) à une combinaison de similitudes de R d , dont le comportement dissipatif dans . H−s est facile à étudier grâce aux propriétés d’homogénéité de cet espace, en particulier la formule (2P). In fine, dans le cas d’un modèle maxwellien étudié dans . H−s , nous obtenons une valeur explicite pour κ. Cette valeur est toutefois strictement négative, ce qui est comme nous le verrons le cas le moins favorable. Résumé des travaux présentés v w θ FIGURE 1 – L’opérateur « en cerceau » Qˇθ. Cet opérateur envoie une masse de Dirac en un point w sur la mesure de probabilité uniforme sur le « cerceau » dessiné ci-dessus [ici en dimension 3]. Il nous reste à contrôler l’écart initial entre la mesure limite µ0 et la mesure empirique µ^N 0 . Nous supposerons que µ0 a un moment r-exponentiel (i.e. R e a|v| r dµ0(v) < ∞ pour un a > 0), et nous prendrons pour condition initiale sur le modèle stochastique des particules i.i.d. selon la loi µ0. On peut alors contrôler E[U (λe −κT ( ^X0 − X0))] par les mêmes méthodes de martingales que pour la démonstration du théorème 2.1. En mettant bout-à-bout l’estimation sur la différence initiale, le théorème 2.1 et les estimations sur V, L et κ, nous obtenons alors une majoration explicite de la probabilité d’un événement de la forme P(kµ^N T −µTk Ê ε). Cette majoration est assez compliquée à écrire [son expression précise est donnée dans la partie II de cette thèse, formule (CJ)], mais peut aisément être appliquée numériquement. J’ai fait une telle application numérique dans le cas du modèle « de Kac » en dimension 3, avec µ0 = 1 2 (δ−1 +δ1) (on part loin de l’équilibre maxwellien) et T = 3 (chaque particule subit trois collisions en moyenne), le paramètre r de l’espace . H−s étant pris à 1/2. Je trouve alors que N Ê 4×105 ⇒ P(kµ^N T −µTk . H−s Ê 10−2 ) É 10−1 , (2S) ce qui montre qu’un nombre de particules assez faible (et largement à portée de simulation) assure avec grande probabilité une très bonne concordance (correspondant à des erreurs de vitesse de l’ordre de 10−3 ) entre modèle particulaire et modèle continu. D’un point de vue plus qualitatif, ma borne présente les comportements suivants : • Quand on regarde les asymptotiques pour N → ∞, on obtient : lim N→∞ P(kµ^N T −µTk Ê xN−1/2) É 2exp³ −x 2 2[e 2|κ|Tσ2 + e1(2|κ|T)ωT] ´ , (2T) où σ 2 est relié aux queues de la distribution initiale et ω à l’énergie du système, ces quantités étant calculables explicitement en fonction de µ0. Cette borne montre une convergence à vitesse N−1/2, avec un contrôle gaussien, ce qui est typique du théorème-limite central (uniforme). • Quand on s’intéresse au comportement non asymptotique, mes bornes explicites donnent un contrôle gaussien des fluctuations tant que xN1/2 reste plus petit que O(N−r/2), c.-à-d. jusqu’à un régime intermédiaire entre les déviations standard et les grandes déviations ; au-delà, on garde encore un contrôle exponentiel des fluctuations. • Toujours du point de vue non asymptotique, dans le cas κ < 0, mes bornes se dégradent très rapidement quand T augmente. En revanche, dans le cas κ > 0, les bornes obtenues restent Quelques problèmes d’inspiration physique en théorie des probabilités bonnes quand T devient grand, et on peut même obtenir de bonnes bornes sur la déviation uniforme supt∈[0,T] kµ^N t −µtk.
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