Le développement de l’adulte, une branche de la psychologie du développement humain, est un champ d’étude en soi. Plusieurs théoriciens et théoriciennes ont apporté des conceptions très pertinentes sur le développement de l’adulte. Pour notre part, nous avons choisi de concentrer notre attention sur trois modèles théoriques : celui de Levinson sur les structures de vie, le modèle d’Erikson sur le développement psychosocial et la perspective du cycle de vie selon Jung. En outre, les points de vue des Renée Houde, Denise BellefleurRaymond, Christiane Collange, Christiane Northrup, Jean Bolen, Helen Bee et Denise Boyd seront considérés car ces auteures, à partir de leurs recherches ou de leur pratique professionnelle, apportent également des éclairages pertinents sur le mitan de la vie et sur des aspects propres au vécu des femmes. Pour l’heure, voyons en quoi consistent les perspectives des Levinson, Erikson et Jung.
Levinson et la structure de vie
Daniel J. Levinson, un important chercheur en psychologie, conçoit le développement de l’adulte dans une perspective psychosociale, par l’évolution de la structure de vie, un concept central dans son modèle qu’il définit comme « le schéma sous-jacent de la vie d’une personne donnée à un temps donné».
« Une »structure de vie » inclut tous les rôles et toutes les occupations individuelles ainsi que toutes les relations d’une personne, qu’ils soient positifs ou négatifs, à une période donnée de sa vie – autrement dit »le modèle sous-jacent de la vie d’une personne à un moment donné ». La structure de vie n’est pas permanente, elle subit des transformations à des âges précis à la suite de changements dans les rôles et les relations».
La structure de vie comprend plusieurs composantes – centrales ou périphériques – qui permettent de saisir l’insertion concrète de la personne dans son univers : les relations de travail, les relations d’amitié et les réseaux sociaux, les relations amoureuses, la relation à soimême et les rôles dans divers contextes sociaux. La structure de vie n’est pas permanente. Le cycle de vie est ponctué par des saisons qui sont reliées entre elles par des phases de transitions. Les périodes de stabilité servent à élaborer une structure de vie par les prises de décision et la poursuite de certains objectifs. « Chaque période de stabilité est suivie d’une période de transition durant laquelle la structure de vie est réévaluée». Lors des périodes de transition, il y a une remise en question des fondements de cette structure et une exploration des possibilités nouvelles. La transition est décrite comme une zone frontière entre deux états de stabilité. Chaque transition rend caduque la structure précédente; elle implique la fin de quelque chose, un processus de séparation ou de perte. Elle suppose une expérience de flottement et de suspension entre le passé et le futur.
Levinson décrit ainsi les quatre grandes tâches du développement du jeune adulte:
1. construire un rêve de vie et lui faire de la place dans la structure de vie
2. établir une relation avec un mentor
3. élaborer sa vie professionnelle ou son travail
4. investir dans une relation amoureuse, se marier, fonder une famille et trouver un style de vie .
La transition du milieu de la vie (de 40 à 45 ans) est une étape entre deux saisons. « Nous mettons fin à la structure de vie de la trentaine, atteignons la fin de notre jeunesse et tentons de créer une nouvelle manière d’être à la fois jeune et vieux qui est propre au milieu de la vie adulte. Le travail de l’individuation du mitan devient crucial: il forme la matrice intérieure à partir de laquelle sortiront puis évolueront tout au cours de cette saison un self et une vie modifiés».
Dans le modèle de Levinson, ce pont développemental comporte trois tâches précises: 1) réévaluer son passé; 2) modifier sa structure de vie; 3) atteindre une plus grande individuation. La personne adulte, davantage consciente de sa propre mortalité et du temps qui passe, éprouve un désir d’utiliser son temps autrement. « C’est un moment de désillusion qui permet un nouvel ajustement à la réalité de ce qu’il est et du monde dans lequel il évolue». Au mitan de la vie, elle aura à réviser les quatre défis de croissance que sont le rêve de vie, le mentor, le travail et l’amour. Elle aura à faire de nouveaux choix et à réorganiser une nouvelle structure de vie autour de ces thèmes:
1. modifier son rêve de vie: l’abandonner ou le réajuster;
2. devenir un mentor: guider et conseiller les moins expérimentés;
3. reconsidérer ou réajuster son travail;
4. évaluer sa relation amoureuse, son mariage et son mode de vie .
Levinson souligne l’importance de la tâche d’atteindre une plus grande individuation. « Le travail de l’individuation du mitan devient crucial: il forme la matrice intérieure à partir de laquelle sortiront puis évolueront tout au cours de cette saison un self et une vie modifiés».
L’individuation implique que la personne aura à composer avec quatre types de polarités qui s’expriment en elle de façon plus marquée au mitan de la vie: jeune/vieux; destruction/création; masculin/féminin; attachement/séparation. Ainsi, avec la quarantaine qui marque le début du mitan, la personne, en mesure de considérer tant le chemin parcouru que celui qui reste à parcourir, se sent à la fois jeune et vieille. Consciente de sa propre mortalité, elle devient sensible « au processus de destruction universel […] et auquel s’opposent ses forces de création». Concernée tant par les forces qui la relient à son environnement que par son monde intérieur, l’adulte du mitan se retrouve au cœur d’une polarité attachement/séparation réactivée.
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