Quelques enjeux économiques du numérique pour l’édition
En France, l’ampleur des débats autour du livre numérique est sans commune mesure avec son importance économique actuelle. En 2014, l’e-book contribuait pour seulement 1,6% aux ventes de détail de livres mais pour 5 à 6% dans le chiffre d’affaires des éditeurs. Mais le livre numérique est déjà une réalité dans certains segments de marché (25% en sciences humaines et sociales) et aux Etats -Unis, il représente 27% des ventes. De plus, le numérique bouleverse fondamentalement la chaîne de valeur du livre et conduit nécessairement les différents acteurs à s’interroger sur leur positionnement. Sans prétendre à l’exhaustivité, sont analysés quelques-uns des enjeux économiques majeurs auxquels le secteur de l’édition est confronté dans le processus de numérisation en cours. L’apport de cette étude relève ici plus de l’aide à la réflexion stratégique que d’implications managériales. Aujourd’hui la vente d’e-books au titre domine, mais le streaming se développe dans des segments comme la bande dessinée et surtout les livres scientifiques et universitaires. Même si les industries du livre et de la musique présentent des différences importantes, il convient de garder à l’esprit que le streaming a mis seulement cinq à six ans pour supplanter le téléchargement dans l’industrie musicale française. Dans le monde numérique les éditeurs se trouvent confrontés à des acteurs puissants (le chiffre d’affaires d’Apple est soixante fois plus élevé que celui d’Hachette), éloignés du monde de la culture et pour qui la vente de livres n’est qu’un mo en et non une fin. Ils tirent leur profit de la vente d’appareils de lecture (tablettes, téléphones, …), de la constitution de clientèle captive ou de la monétisation de leur audience auprès des annonceurs. Le contrôle qu’exercent, en théorie, les éditeurs sur l’accès à leurs catalogues via le droit d’auteur reste plus que jamais stratégique dans les négociations avec ces nouveaux acteurs.
Focus – Les Prix Littéraires : quelle place pour les petits éditeurs
Le rapport contient également un focus sur les prix littéraires, basé sur l’exploitation du palmarès de ces dix dernières années de dix prix littéraires : grands prix d’automne (Goncourt, Femina, Renaudot, Médicis, Interallié), prix du public (Prix du Livre Inter, Grand Prix des Lectrices de Elle, Goncourt des Lycéens) et prix de professionnels (Prix des Libraires, Prix des maisons de la Presse). Cette étude offre un éclairage sur les caractéristiques des auteurs et des éditeurs primés et sur la phase amont à l’obtention des prix. En moyenne, un lauréat attend dix-sept années après son premier roman pour obtenir un des cinq prix « historiques », moitié moins pour les prix de lecteurs ou de professionnels. Les prix vont en très grande majorité à des éditeurs appartenant à l’un des cinq premiers groupes, mais 24% des lauréats sont publiés par un éditeur qui n’en fait pas partie (qualifié de manière nécessairement réductrice dans cette étude de « petit »). Ce ratio est cependant plus faible pour les prix « historiques » (12%) que pour les prix décernés par le public (43%). Les petits éditeurs ont découvert 43% des lauréats. Toutefois, les découvreurs nets de talents, qui font plus de découvertes qu’ils n’obtiennent de prix, se trouvent aussi bien parmi les petits éditeurs que parmi les éditeurs de groupes. Les plus primés ont également une activité significative de découverte. Les trajectoires de carrière des lauréats remettent en cause quelques idées reçues : Un lauréat sur cinq a fait carrière hors des cinq principaux groupes. Les lauréats sont assez fidèles à leur premier éditeur : 45% des auteurs ont été primés avec l’éditeur de leur début. Près de 70% des auteurs récompensés avec un petit éditeur ont été découverts par celui-ci ; dans 41% des cas, les maisons d’édition les plus primées dans les dix dernières années l’ont emporté avec des auteurs qu’elles avaient elles-mêmes découverts.