Quelle turbulence sur les bords des nuages convectifs ?
Physique et modélisation de la turbulence dans les modèles atmosphériques
Dans cette section, nous présentons brièvement ce qu’est la turbulence puis nous nous intéressons à la façon dont elle est paramétrisée dans les modèles atmosphériques. Les limitations des paramétrisations les plus courantes dans les nuages convectifs aux plus nes résolutions de la méso-échelle sont exposées. Pour nir, certaines approches alternatives sont introduites.
La turbulence
Un écoulement turbulent est déni comme un écoulement présentant en tout point un caractère tourbillonnaire. La turbulence, de son côté, est décrite comme la part du mouvement qui contribue au caractère chaotique, désordonné d’un écoulement. Elle possède une propriété de mélange qui se manifeste par une forte diusion des quantités transportées. Statistiquement, la turbulence transfère l’énergie des grandes échelles vers les petites échelles et cette énergie cinétique se dissipe sous forme de chaleur lorsque les tourbillons deviennent assez petits. La turbulence peut être dénie en fonction des variations spatiales de quantités d’intérêt ou en fonction de leurs variations temporelles ce qui peut revenir au même sous certaines conditions (hypothèse d’ergodicité). Les écoulement turbulents sont fréquemment étudiés en utilisant des lois de similitudes ce qui signie que les équations sont adimensionnées en divisant par des grandeurs caractéristiques propres à l’écoulement (taille, vitesse …). Le but est de pouvoir les appliquer à n’importe quelles échelles et à n’importe quel type de uide en considérant que seules les grandeurs caractéristiques qui ont servi à adimensionner changent. Des nombres sans dimension informant sur la nature des écoulements naissent des lois de similitudes. Le nombre de Reynolds donné par Re = V D ν est calculé en eectuant le rapport des forces d’inertie aux forces visqueuses où V est la vitesse de l’écoulement, D sa dimension caractéristique et ν sa viscosité cinématique. Un nombre de Reynolds élevé indique que l’écoulement est fortement turbulent. Dans l’atmosphère, on considère généralement qu’un écoulement est laminaire lorsque son nombre de Reynolds est inférieur à 1000. La turbulence atmosphérique se produit sur des échelles spatiales allant du micromètre à plusieurs kilomètres. La zone de l’atmosphère dans laquelle la production de turbulence est la plus importante est la couche limite. Elle est composée des quelques kilomètres les plus proches du sol qui sont directement impactés par la présence de la surface terrestre ou maritime. Les phénomènes convectifs sont le siège de mouvements turbulents diciles à modéliser. Historiquement, la recherche en modélisation de la turbulence atmosphérique s’est principalement concentrée sur la couche limite atmosphérique laissant de côté la convection nuageuse qui était paramétrisée. Cela signie qu’elle n’était pas résolue par le modèle et qu’elle était représentée par des relations qui font intervenir les grandeurs résolues. Avec l’augmentation de la puissance de calcul, les modèles opérationnels de prévision du temps à ne échelle commencent à résoudre explicitement la convection ce qui justie un travail d’amélioration des paramétrisations de la turbulence au sein des nuages convectifs. D’autres phénomènes météorologiques peuvent générer de la turbulence au dessus de la couche limite avec notamment la turbulence en ciel clair associée au déferlement d’ondes orographiques, aux forts cisaillements de vent dus aux courants jets ou au voisinage des enclumes des cumulonimbus.
La cascade d’énergie
La théorie de la cascade d’énergie a été imaginée par Richardson (1922) avant d’être formalisée par les travaux du mathématicien russe Kolmogorov (1941). Elle postule qu’entre l’échelle à laquelle les tourbillons dépendent de la forme de l’écoulement et l’échelle à laquelle les eets visqueux équilibrent les eets d’inertie, l’énergie des grands tourbillons est transmise vers des tourbillons plus petits avec un taux de transfert constant. La limite supérieure de la cascade d’énergie dépend du phénomène étudié. Elle correspond aux échelles d’injection de l’énergie cinétique turbulente. Le sommet du pic de micro-échelle du spectre de Van der Hoven (1957) (présenté plus loin) correspond aux échelles auxquelles l’énergie cinétique turbulente cesse d’être injectée et commence à se propager vers des échelles plus petites. La limite inférieure de la cascade d’énergie appelée « échelle de Kolmogorov », correspond à l’échelle à laquelle les eets visqueux équilibrent les eets d’inertie : η = (ν ) 1 3 = L Re 3 4 (1.1) où = U3 L est le taux de dissipation par unité de masse, L est la taille caractéristique de l’écoulement et U est sa vitesse caractéristique. L’ensemble des échelles sur lesquelles la cascade d’énergie existe est appelée la « zone inertielle ». Kolmogorov (1941) décrit les transferts d’énergie dans la zone inertielle par la loi de puissance suivante : E ∝ 2/3 k −5/3 (1.2) où k est le nombre d’onde. Une pente en − 5 3 apparait donc sur les spectres d’énergie cinétique (Figure 1.1). Le modèle de Kolmogorov (1941) suppose l’homogénéité locale des taux de dissipation turbulente qui n’est pas toujours vériée. On parle d’intermittence lorsque ce n’est pas le cas. Des modèles de cascade d’énergie plus aboutis ont été mis en place an de prendre en compte les uctuations spatiales et temporelles des transferts d’énergie par la turbulence.
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