Quel axe de travail pour répondre à la problématique ?
Dans quelles mesures les porteurs des programmes de coopération transfrontalière et les porteurs des projets se réapproprient-ils l’idée européenne ? Nous nous interrogeons sur la réappropriation des objectifs européens par les acteurs locaux via les programmes de coopération transfrontalière. Les projets qui sont le fruit de cette réappropriation traduisent-ils les objectifs européens de développement et de paix précisés précédemment ? Dans quelles mesures ces projets transcrivent, traduisent, ou non, ces aspirations au développement et à la paix ? Un travail de terrain est nécessaire afin d’apporter des éléments de réponse à cette question. Le mécanisme global liant les objectifs de l’UE et sa représentation sur le terrain, contient deux outils d’intermédiation : le programme de coopération transfrontalière et les projets mis en place. Le programme et les fonctionnaires nationaux qui y travaillent sont le premier échelon de la réappropriation de l’idée européenne. L’UE propose aux Etats de créer des programmes de coopération transfrontalière. Cette étape marque le premier mécanisme de traduction de la politique européenne. Dans un second temps, ces programmes financent des projets transfrontaliers qui s’adressent aux bénéficiaires et aux habitants du territoire. Cette interface entre le programme et les projets financés est le second mécanisme de traduction. Cette recherche se concentre sur la compréhension de la réappropriation de ces mécanismes pour analyser comment l’idée européenne de paix par le développement est mis en place concrètement sur un territoire frontalier.Afin d’analyser ces mécanismes nous nous appuyons sur l’analyse des discours des personnes concernées par le processus de traduction, à savoir les porteurs du programme et les porteurs des projets. Echanger avec ces personnes nous donne à voir leurs points de vue. Ces points de vue sont la retranscription la plus directe de la réappropriation qu’ils se sont fait des objectifs européens initiaux. De même, nous porterons notre attention sur les outils promotionnels issus des projets. Ces documents, réalisés par les porteurs des projets, sont leurs traductions matérielles des objectifs de l’UE. Nous avons, dans la partie précédente, dégagé les enjeux liés aux frontières extérieures de l’UE, nous avons donc choisi d’étudier un programme de coopération transfrontalière se tenant entre pays adhérents de l’UE et pays non-adhérents. Notre choix s’est porté sur le programme de coopération transfrontalière Roumanie-Ukraine-Moldavie. En effet, notre situation d’étudiant Erasmus pendant six mois à l’université de Iasi en Roumanie nous a permis d’être sur place pour le travail de terrain. De plus, ces trois pays ont tous une situation particulière par rapport à l’UE. La Roumanie a intégré très récemment l’UE, en 2007. C’est donc sur une frontière nouvelle de l’UE que se porte ce travail de recherche. En outre, l’Ukraine et la Moldavie sont des pays où les enjeux européens sont importants. Le gouvernement ukrainien a renoncé à signer un accord d’association avec l’UE en novembre 2013, ce qui a entrainé des manifestations importantes dans le pays qui ont aboutis au renversement du gouvernement de Ianoukovitch. Tandis qu’en Moldavie, depuis le 28 avril 2014, les moldaves n’ont plus besoin d’un VISA pour voyager dans l’espace Schengen. Et le gouvernement de Chisinau s’apprête à finaliser en juin 2014 un accord d’association avec l’UE. Son premier ministre, Iuri Leanca, a lui même annoncé la volonté de la Moldavie d’intégrer l’UE en 2019. La présence d’un programme de coopération transfrontalière sur ce territoire était donc une opportunité intéressante afin de répondre à notre problématique.
Les études de cas : trois projets touristiques sélectionnés
Dans cette recherche, nous faisons le choix d’une méthode qualitative plutôt que quantitative. En effet, ce travail de recherche est une première étude sur la réappropriation des programmes de coopération transfrontalière, c’est un travail « exploratoire » plus adapté à une approche qualitative. Nous questionnerons donc trois projets à vocation touristique qui sont recensés sur le premier appel à projet du programme de coopération transfrontalière Roumanie-Ukraine-Moldavie. Etudier trois projets permettra d’effectuer des comparaisons mais aussi d’appuyer certaines hypothèses si les mêmes tendances se dégagent sur ces trois projets. De plus, nous avons choisi trois projets aux budgets différents afin d’identifier si les mécanismes de traduction sont différents suivant l’importance des projets, l’importance des équipes de travail formées. Cette section présente brièvement les trois projets sélectionnés pour une meilleure compréhension des propos suivants. Une analyse détaillée de ces projets est présente dans la troisième partie de ce dossier. Nous présentons ici deux cartes de la Bucovine, l’une afin de situer cette région par rapport aux Etats et l’autre afin de repérer les villes concernées par les projets financés et se représenter spatialement la région d’influence de ces projets.
Valorisation du potentiel touristique des communes de Siret et Hliboca
Photo 1 : Eglise romano-catholique de Siret ; Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Siret_(Suceava) L’objectif de ce projet est de promouvoir le tourisme dans les deux villes de Siret (Roumanie) et de Hliboca (Ukraine) qui sont seulement éloignées de 20 kilomètres à la frontière nord roumano-ukrainienne. Le projet a débuté en mars 2012 et s’est terminé en mars 2013 pour un budget de 168 000 euros. La commune de Siret est le leader pour ce projet tandis que celle de Hliboca est le partenaire. Ces deux villes se sont associées dans le but de promouvoir leurs atouts de manière commune. Elles ont donc réalisés des prospectus et brochures promotionnelles, ont participé à des salons de promotions touristiques à Bucarest, en Pologne et à Suceava, installé des panneaux informatifs dans la ville et négocié avec les agences de voyage afin d’intégrer les deux villes dans leurs circuits touristiques.