QUE FAIRE DEVANT UN SEPSIS SUR PROTHESE PARIETALE APRES CURE D’EVENTRATION ?
La prothèse est infectée, faut‐il l’explanter ?
Le traitement classique de l’infection péri‐prothétique est l’ablation complète de la prothèse, ‘explant’ qui règle rapidement le problème infectieux : Parfois on ne peut pas faire autrement, la prothèse, séquestrée, flotte dans le pus, son ablation est facile. Cette complication s’observe surtout avec des prothèses de type II ou bifaces mais peut se voir aussi avec des prothèses macroporeuses de type Mersilène. Le plus souvent l’ablation complète de la prothèse apparait difficile et/ou risquée. Surtout si certaines parties de la prothèse sont ‘trop’ bien intégrées et proches des viscères. Laisser en place des portions de prothèse peut se faire avec succès, si celles‐ci sont très bien intégrées. On peut même parfois sauver l’essentiel de la prothèse comme nous le verrons plus loin. Les conséquences de l’ablation de la prothèse sont très différentes en inguinal et en ventral: En inguinal, la récidive après explant n’est pas fréquente. Seulement 2 récidives à 3 ans et demie de recul après 14 explants dans la série de Fawole, probablement en raison de l’importante sclérose générée par les phénomènes infectieux locaux qui confère une certaine solidité locale. Une ré‐intervention est donc rarement nécessaire, et si elle l’est, une réparation au fil reste le plus souvent possible. Le pronostic vital est rarement en jeu Les conséquences de l’ablation de la prothèse sont toutes autres en ventral. Le pronostic vital peut être engagé, du fait du risque de lésions de viscères, de fistules exposées, du fait du volume et de la profondeur des collections qui peuvent conduire à des chocs septiques dramatiques, du fait des conséquences physiopathologiques d’une réparation sous tension (syndrome du compartiment abdominal), du fait des soins de réanimation prolongés en cas de technique de type ‘ventre ouvert’…
Et alors par quoi la remplacer ?
L’explant de la prothèse conduit à un défect plus large que le précédent. Une suture sous tension peut conduire à un syndrome du compartiment abdominal, et si la suture est tolérée par le patient, la récidive est inéluctable. La remise en place d’une prothèse non résorbable conduit à un échec immédiat. L’utilisation d’une prothèse résorbable gène parfois le contrôle de l’infection et conduit à une récidive inéluctable mais différée dans le temps qui permet de ‘passer un cap’ et d’envisager une cure prothétique itérative 6 mois à un an après extinction de toute infection générale ou locale. Les prothèses biologiques, potentiellement très intéressantes dans ces indications sont encore à l’étude. Elles pourraient permettre de passer le cap infectieux avec un taux moindre de récidives qu’avec les prothèses entièrement résorbables. Les prothèses biologiques n’effacent pas le risque de poursuite de l’infection, (un tiers des 19 patients rapportés par l’équipe de la Cleveland), mais elle serait mieux contrôlable et n’aboutirait pas, dans cette série, à une récidive avec un recul moyen de 16 mois. Le traitement classique est un traitement en plusieurs temps : ablation de la prothèse, suture ou prothèse résorbable voire biologique, puis cure prothétique (prothèse synthétique) de la récidive plusieurs mois plus tard. Ce type de traitement impose des hospitalisations prolongées, répétées, entrainant un coût humain et financier non négligeable, incitant à ré‐explorer le traitement en un seul temps : Suture après séparation des composants de la paroi [, suture qu’il vaut mieux renforcer d’une prothèse pré‐musculaire à la manière de Chevrel, pour réduire le taux de récidives, comme viennent de le décrire de Vries Reilingh et al. La séparation des composants peut être réalisée par une voie d’abord distincte, sous laparoscopie par exemple, pour éviter une contamination latérale liée à la dissection. Ces traitements restent actuellement des traitements de recherche.
Si est‐elle conservable ? Comment faire ?
L’ablation de la prothèse règle le problème infectieux mais pose d’autres problèmes tout aussi épineux, incitant à explorer les traitements conservateurs : Dans les cas favorables, la prothèse peut être sauvée par drainage sous scanner et antibiothérapie générale ou en irrigation locale. Des succès ont été rapportés avec cette technique utilisée pour traitement de collections infectées survenues après cure laparoscopique ventrale. Ces sauvetages de prothèse ont été réussis sur des prothèses de type II, ePTFE quatre fois, et Polyester composite, une fois. Le sauvetage effectif n’est malheureusement pas la règle, et dans la plus grande série rapportée d’infections profondes après cure prothétique de hernies de l’aine (45 cas pour 53 976 implants), le traitement conservateur a été un échec immédiat ou secondaire dans près de 80% des cas. Il s’agissait principalement de prothèses profondes posées sous laparoscopie. La prothèse peut être sauvée, plus classiquement, par un large débridement chirurgical complété d’irrigations et d’une cicatrisation dirigée, nécessitant des soins attentifs méticuleux quotidiens prolongés, une patience exemplaire du patient et des soignants, en hospitalisation puis en soins externes, car les délais de cicatrisation complète peuvent prendre de longs mois. Les greffes cutanées ou les lambeaux de recouvrement sont rarement nécessaires: La rétraction des berges due à la cicatrisation réduit la taille du défect cutané dans des proportions surprenantes. Les délais de récupération semblent plus courts grâce à un VAC (‘vacuum assisted wound dressing’). S’il ne s’agit pas d’un abcès mais d’un sinus chronique, une technique inspirée des techniques de fistulectomie : excision monobloc du trajet de fistule repéré par injection préalable de bleu de Méthylène (ou équivalent) du séquestre profond et des seules zones non intégrées de la prothèse, respectant les zones bien intégrées, donc non colorées, est souvent couronnée de succès. Il est fréquent de lire que les possibilités de sauvetage de la prothèse dépendent de sa nature : sauvetage possible, sauf avec prothèse de type II [ePTFE] pour certains, réalisable même avec ePTFE pour d’autre ; Possible, sauf avec type III pour certains, réalisable même avec Mersilène pour d’autres, possible plus aisément avec prothèses de type I. Les données de la littérature apparaissent, à l’évidence, assez contradictoire, et non basées sur des preuves scientifiques, notamment, et c’est heureux, en raison de la relative rareté des cas et d’une randomisation impossible.