Que deviennent les mycotoxines une foisabsorbées ?
Aussitôt les aflatoxines identifiées, le monde scientifique s’affaire pour mettre au point des méthodes analytiques de plus en plus fiables, précises et sensibles. on passe en quelques années d’une caractérisation simple par chromatographie sur couche mince à une identification associée à une quan- tification beaucoup plus rigoureuse par chromatographie liquide haute perfor- mance. Mais on ne sait pas ce que deviennent ces toxines une fois ingérées. D’autant que la cible de leur action toxique est le foie. De nombreuses études sont engagées sur des modèles in vitro (tissus, cellules, fractions cellulaires) ou chez des animaux recevant des rations alimentaires contaminées par des aflatoxines. Bientôt, tant en Amérique qu’en Europe, des métabolites sont isolés à partir de produits d’incubation pour les études in vitro ou bien à partir des fluides biologiques (urine, sang, bile) prélevés sur les animaux.: de l’aflatoxine dans le lait de vache ! La question est d’importance. Elle interpelle les différents laboratoires de surveillance sanitaire en cette fin des années soixante. Les méfaits pour la santé et surtout l’action cancérogène de l’aflatoxine B1 sont désormais bien établis. on recherche dès lors activement la présence de cette redoutable mycotoxine dans de nombreux aliments destinés à l’homme et aux animaux d’élevage. Comment en est-on arrivé là ? D’autres aliments d’origine animale peuvent-ils être contaminés ? Y a-t-il un risque pour les nourrissons .
Des laboratoires de recherches vétérinaires vont étudier le passage de ces toxines ou de leurs métabolites dans le lait des ruminants, notamment des vaches ou des chèvres. Les chercheurs allemands et français sont parmi les précurseurs en la matière. D’abord on croit que l’aflatoxine B1 elle-même se retrouve dans le lait. Il faudra attendre quelque temps pour que le métabolite aflatoxine M1 soit clairement identifié par des méthodes plus sophistiquées. Il portera le nom de M en raison de sa découverte dans le lait (milk en anglais). Dès lors, les laboratoires d’analyse savent qu’ils doivent rechercher ce métabolite et non la toxine parentale. L’avènement de la chromatographie liquide haute performance va faciliter ces recherches et les rendre très rigou-reuses.d’un dérivé doté d’un potentiel délétère, voire cancérogène, comme la myco- toxine ? La question est d’importance car le lait semble contenir des teneurs d’aflatoxine M1 significatives. De nombreuses recherches démontrent que la concentration en aflatoxine M1 dans le lait est environ cent fois inférieure à la teneur en aflatoxine B1 dans l’alimentation proposée au ruminant. Même peu élevées, de telles contaminations peuvent s’avérer inquiétantes. Le lait constitue l’aliment essentiel des nourrissons et des jeunes enfants dont les enzymes hépatiques de détoxification n’ont pas l’activité protectrice reconnue chez les adolescents et chez les adultes.
Pour caractériser la toxicité du métabolite, des recherches sont entreprises en génotoxicité puis en cancérogénicité sur des modèles in vitro et in vivo. Lors de ces études, le potentiel cancérogène de l’aflatoxine M1 est enregistré chez des espèces sensibles comme la truite et le rat. Il est reconnu dix fois moindre que celui de l’aflatoxine B1. En conséquence, le Centre international de recherche sur le cancer classe en 1993 l’aflatoxine M1 dans le groupe des substances dont le caractère cancérogène est possible. Le danger constitué par le métabolite aflatoxine M1 retrouvé dans le lait des bovins est donc établi. Ici encore, les tourteaux d’arachide ajoutés à l’alimentation classique sont à l’origine des contaminations alimentaires des bovins puis de l’apparition du dangereux métabolite dans le lait. Que devient-il dans les produits laitiers ? L’écrémage en transfère 10 % de la teneur initiale dans la crème, et donc 90 % restent dans le lait écrémé. Le barattage, quant à lui, en exporte la quasi-totalité dans l’eau de barattage et de lavage (babeurre). Il n’y a donc pas d’aflatoxines dans le beurre.