Quantum dots I-III-VI et croissance de coque épaisse de zinc

Propriétés optiques et applications

L’int´erˆet des mat´eriaux de type CuInE2 r´eside dans le fait qu’elle poss`ede des bandes interdites directes relativement petites pour les mat´eriaux massifs en structure chalcopyrite 1 : 1,53 eV pour le CuInS2 et 1,04 eV pour le CuInSe2. Ces bandes interdites permettent d’obtenir des spectres d’absorption qui couvrent tout la gamme du visible. Dans les ann´ees 70, les premi`eres applications de ces mat´eriaux ont concern´e le d´eveloppement de cellules photovolta¨ıques sous forme de couches minces.[154, 155] Ce domaine d’application est toujours en d´eveloppement. Avec l’apparition des synth`eses de nanoparticules, les m´ethodes de d´epˆots de films ou couches minces ont ´et´e simplifi´ees puisqu’on peut 1. La largeur de la bande interdite d´epend de la structure cristalline mais des valeurs proches ont ´e ´e trouv´ees pour la structure wurtzite[153] maintenant utiliser les techniques de d´epˆots de solution (spin- ou dip-coating), ce qui permet de traiter de plus grandes surfaces et ainsi de diminuer les couts.
La photoluminescence des quantum dots I-III-VI est complexe `a cause de la pr´esence de d´efaut dans la structure cristalline, notamment `a cause d’´ecart `a la stœchiom´etrie.[158] Comme pour les quantum dots II-VI, il existe une ´emission excitonique qui correspond `a une transition entre les bords des bandes de valence et de conduction. Malheureusement, cette transition est difficilement observable `a temp´erature ambiante pour les nanoparticules p ´esentant des d´efauts.[159] Pour les mat´eriaux, il existe ´egalement des transitions entre les bords de bande (conduction ou valence) et des niveaux situ´es dans la bande interdite.[158, 160, 161] La formation de paires de d´efauts (2V− Cu + In2+ Cu) soit deux lacunes de cuivre et un In3+ substitu´e `a un Cu+ pourrait cr´eer des niveaux proche de la bande de valence qui conduirait au pi´egeage des trous.[158, 161, 162] Le recouvrement des fonctions d’ondes des trous et des ´electrons est alors plus faible, ce qui pourrait expliquer que les temps de vie de fluorescence des quantum dots I-III-VI sont plus longs, de l’ordre de quelques centaines de nanosecondes, que ceux `a base de II-VI, de l’ordre de quelques dizaines de nanosecondes.[161]
Mˆeme si une ´etude du d´ebut des ann´ees 80 s’est int´eress´e `a la fluorescence de ces mat´eriaux,[159, 160] les propri´et´es d’´emission particuli`eres de ces objets n’ont pas ´et´e beaucoup ´etudi´e avant les ann´ees 2000. La synth`ese de nanoparticules a permis d’obtenir des longueurs d’onde d’´emission couvrant une large gamme spectrale allant du vert au proche infra-rouge (Fig. II.3).[157, 163, 164] Le d´eveloppement de synth`eses qui permettent d’obtenir des particules poss´edant un rendement quantique ´elev´e a permis la diversification des applications de ces mat´eriaux. Outre les utilisations comme marqueurs pour l’imagerie de fluorescence, ces nanoparticules ont pu ˆetre utilis´ees pour la fabrication de diodes ´electro-luminescentes[165, 166] ou encore le d´eveloppement de photod´etecteurs.[167]

Synthese des cœurs I-III-VI

La synth`ese de nanocristaux de CuInS2 peut se faire de diff´erentes fa¸cons : d´ecomposition d’un compos´e contenant les trois ´el´ements,[115, 158, 168, 169] des r´eactions en autoclave, [170 172] ou encore par injection `a haute temp´erature.[173] Malheureusement, ces synth`eses ne permettent pas de bien contrˆoler la taille des objets et aboutissent le plus souvent `a de grands objets (de l’ordre de la dizaine de nanom`etre) 1 et donc une ´emission r´eduite. Les synth`eses solvothermales, bas´ees sur la d´ecomposition d’un m´elange de pr´ecurseurs m´etalliques, d’un pr´ecurseur de chalcog`ene et de ligands, permettent d’obtenir un meilleur contrˆole de la taille des nanoparticules et donc d’obtenir des objets de petite taille avec des rendements quantiques ´elev´es. En 2008, Zhong et al proposent d’utiliser un m´elange d’ac´etate de cuivre (I), d’ac´etate d’indium et de dod´ecanethiol (qui servira de pr´ecurseur de soufre et de ligands) dans de l’ODE pour obtenir des nanoparticules de CuInS2. Cette synth`ese sera ensuite reprise et adapt´ee par plusieurs ´equipes.[1, 157, 161, 174] Comme pour les synth`eses de nanoparticules `a base de soufre, la synth`ese de nanoparticules de CuInSe2 a d’abord ´et´e r´ealis´ee pour des applications dans le domaine photovolta¨ıque.[156, 175] L`a encore les objets obtenus ´etaient trop grands pour pr´esenter un rendement quantique d’´emission suffisamment ´elev´e. En 2008, Allen et Bawendi propose une synth`ese bas´ee sur la d´ecomposition de s´el´eniure de bis(trim´ethylsilyl) en pr´esence d’halog´enure de cuivre et d’indium et de trioctylphosphine.[117] Cette synth`ese permet d’obtenir des objets de tailles contrˆol´ees avec des rendements quantiques ´elev´es, jusqu’`a 25 % et qui diminue lorsque la taille augmente. Malheureusement, ce pr´ecurseur de s´el´enium est dangeureux et cher. Au laboratoire, Thomas Pons, Elsa Cassette et al. ont d´evelopp´e des synth`eses permettant d’obtenir des nanoparticules de CuInS2[1] et CuInSe2.[2] L’introduction de zinc dans la synth`ese permet d’augmenter le rendement quantique des quantum dots I-IIIVI[114] et c’est pourquoi nous avons d´ecid´e d’incorporer du zinc dans nos cœurs. Cependant, l’incorporation de zinc conduit ´egalement `a une augmentation de la bande interdite et donc un d´eplacement hypsochrome de l’´emission.[176] Par souci de simplifi1. Pour pouvoir observer les effets du confinement quantique, il faut que la taille de l’objet soit plus grande que le rayon de Bohr des porteurs de charges qui est de l’ordre de 4 nm pour le CuInS2 cation, et comme la stœchiom´etrie de ces compos´es est complexe, nous noterons par la suite Zn-Cu-In-S et Zn-Cu-In-Se les mat´eriaux que nous utilisons pour nos cœurs.

Synth`ese des cœurs Zn-Cu-In-S

Pour la synth`ese des nanoparticules de Zn-Cu-In-S, nous avons adapt´e la synth`ese solvothermale d´evelopp´ee par Li et al. (voir Annexe A, page 94 pour le d´etail des synth`eses).[174] De l’iodure de cuivre, de l’ac´etate d’indium, de l’ac´etate de zinc et du dod´ecanethiol (DDT) sont m´elang´es avec des rapports molaires (1:1:0,1:21). Le m´elange est d’abord chauff´e `a 120°C, pour solubiliser les diff´erents pr´ecurseurs m´etalliques sous forme de complexe de dod´ecanethiolate,[177] puis `a 220°C pendant environ 15 minutes pour obtenir des nanocristaux ´emettant autour de 800 nm (Fig. II.4). L’introduction de zinc qui permet d’obtenir des sondes plus brillantes avec des rendements de l’ordre de 30 % mais ne permet pas d’obtenir des nanoparticules ´emettant au-del`a de 800 nm : il faut alors synth´etiser des nanoparticules plus grosses qui ne sont plus stables en solution.

Synthese des cœurs Zn-Cu-In-Se

La synth`ese des nanoparticules de CuInSe2 se base sur la synth`ese d´evelopp´ee par Koo et al..[175] Leur synth`ese repose sur un m´elange de chlorures d’indium et de cuivre dans l’ol´eylamine (OAm) qui r´eagissait avec un pr´ecurseur de s´el´enium, la s´el´enour´ee, `a 240°C. L’ajout d’autres ligands dans la synth`ese, de la trioctylphosphine (TOP) et DDT, ont permis d’obtenir des objets plus petits que ceux synth´etis´es par Koo et al. Nous avons l`a encore choisi d’incorporer du zinc dans ces cœurs pour augmenter le rendement quantique. Nous avons ainsi trouver qu’un m´elange Zn:Cu:In:Se (2:1:1:2) nous permettait d’obtenir les objets les plus brillants avec des rendements quantiques de l’ordre de 20 %. On peut ainsi obtenir des longueurs d’onde d’´emission comprises entre 680 et 820 nm (Fig. II.6).

Croissance d’une coque de ZnS

La croissance d’une coque permet de passiver les liaisons pendantes pr´esentes en surface des quantum dots qui peuvent agir comme des pi`eges pour les charges et ainsi diminuer le rendement quantique de nos objets.

Les diff´erents types d’h´et´erostructure

Lors de la fabrication d’h´et´erostructure, on peut obtenir trois types d’alignement de bandes (Fig. II.8) :
Type I : les deux charges sont confin´ees dans le cœur, comme c’est le cas pour les h´et´erostructures CdSe/ZnS ou CuInS2/ZnS ; Quasi type II : l’une des charges est confin´ee dans le cœur tandis que l’autre est d´elocalis´ee dans toute la structure (sur notre sch´ema, le trou est confin´e dans le cœur tandis que l’´electron est d´elocalis´e dans toute la structure). C’est le type d’alignement pr´esent´e par le syst`eme CdSe/CdS ;[178] Type II : les deux charges sont s´epar´ees, l’une est confin´ee dans le cœur (le trou sur notre sch´ema) et l’autre est confin´ee dans la coque (l’´electron sur notre sch´ema).
On retrouve cet alignement de bandes pour le syst`eme CdTe/CdSe.

Choix du materiau de la coque

La croissance d’une coque autour des nanoparticules de Zn-Cu-In-(S,Se) permet de passiver les liaisons pendantes pr´esentes en surface des quantum dots qui agissent comme des pi`eges pour les charges et permettent les recombinaisons non-radiatives, diminuant ainsi le rendement quantique de fluorescence.[161] D’autre part, en choisissant un mat´eriau pour la coque avec une bande interdite plus large et qui permette d’obtenir une h´et´erostructure de type I, la croissance d’une coque permet ´egalement d’am´eliorer le confinement de l’´electron dans le cœur de Zn-Cu-In-(S,Se). Dans notre cas, comme nous visons des applications en imagerie, il faut ´egalement que la coque soit constitu´ee d’un mat´eriau biocompatible, ce qui ´elimine le sulfure de cadmium qui a ´et´e utilis´e pour des applications photovolta¨ıques.[180, 181]
Pour ces raisons, le sulfure de zinc s’est av´er´e ˆetre un candidat id´eal :
– il pr´esente des structures cristallines sphal´erite et wurtzite. Dans le cas de la sphal´erite (qui est la structure cristalline de nos cœurs), le param`etre de maille du ZnS (5,41 nm) est proche de ceux de CuInS2 (5,52 nm, soit un d´esaccord d’environ 2 %) et CuInSe2 (5,78 nm, soit un d´esaccord d’environ 6 %). Ces diff´erences permettent a priori de faire croitre des coques sans avoir des contraintes trop fortes sur les cœurs et devrait donc permettre la croissance ´epitaxi´ee de coques ´epaisses sans cr´eer de d´efauts ;
– sa bande interdite de 3,54 eV pour la structure sphal´erite donne un alignement de type I avec les deux types de cœurs (Fig. II.9) ;[182]
– ZnS est un mat´eriau biocompatible avec une toxicit´e limit´ee[183] et qui permet la r´ealisation d’´echange de ligands pour obtenir des sondes hydrosolubles.

Methodes existantes pour la croissance de coques de ZnS

Une fois le mat´eriau choisi, il nous a fallu choisir la m´ethode pour la croissance de la coque de ZnS. Plusieurs crit`eres ont ´et´e pris en compte lors du choix de la m´ethode de synth`ese. Premi`erement et comme pour les autres synth`eses que nous avons d´evelopp´ees, nous avons choisi de limiter l’emploi de mat´eriaux toxiques et/ou dangereux `a l’utilisation. Il a fallu ´egalement trouver une m´ethode qui ne n´ecessite pas une temp´erature de chauffage ´elev´ee qui peut poser probl`eme avec les cœurs que nous avons synth´etis´es. Premi`erement, une temp´erature ´elev´ee peut favoriser le mˆurissement d’Ostwald et augmenter la dispersion en taille des particules. Deuxi`emement, avec les mat´eriaux I-III-VI, comme nous l’avons montr´e dans la partie pr´ec´edente, le zinc peut prendre la place du cuivre et ce ph´enom`ene sera favoris´e `a temp´erature ´elev´ee et si trop de zinc est incorpor´e, l’´emission ne se fera plus dans la gamme spectrale d’int´erˆet. Il existe plusieurs types de synth`eses pour la croissance de coques de ZnS sur des nanoparticules. La d´eposition successive de couches de cations et d’anions (SILAR, pour Successive Ionic Layer Adsorption and Reaction en anglais), qui a d’abord permis la croissance de CdS sur CdSe[186, 187] avant d’ˆetre utilis´ee pour la croissance de ZnS,[93] permet d’obtenir un tr`es bon contrˆole sur la taille des objets ainsi que sur la position du mangan`ese qui peut ˆetre inclus.[188] Cependant, cette technique pose deux probl`emes : la n´ecessit´e de connaitre pr´ecis´ement la concentration en nanoparticules pour pouvoir ajuster les quantit´es de pr´ecurseurs `a ajouter et la temp´erature . Cette pr´ecision est ais´ee `a obtenir pour les quantum dots `a base de cadmium pour lesquels il existe une relation entre la concentration et la position du pic d’´emission.[189, 190] Elle est en revanche beaucoup plus compliqu´e `a obtenir, malgr´e quelques tentatives,[191, 192] pour les mat´eriaux I-III-VI pour lesquels la position du pic d’´emission est li´ee non seulement `a la taille des particules mais ´egalement `a leur composition
Il existe ´egalement des m´ethodes d’injection de pr´ecurseurs de soufre et de zinc dans une solution contenant les cœurs. Les premi`eres croissances de coques de ZnS n´ecessitaient l’utilisation de pr´ecurseurs particuli`erement toxiques et dangeureux. Ainsi Hines et Guyot-Sionnest proposent en 1996 l’injection de solutions de dim´ethylzinc (extrˆemement pyrophoriques) et de sulfure de bis(trim´ethylsylil) ((TMS)2S, toxique) dissous dans de la TOP.[193] L’ann´ee suivante, Dabbousi et al. remplacent le dim´ethylzinc par le di´ethylzinc, certes plus stable mais toujours tr`es pyrophorique.[194] Outre leur dangerosit´e, le fait que ces compos´es soient tr`es r´eactif ne permet de contrˆoler la croissance de la coque de mani`ere satisfaisante. En 2005, Jun et Jang injectent une solution contenant de l’ac´etate de zinc dans de la trioctylamine et une autre contenant de l’octanethiol pour faire croitre une coque de ZnS sur des quantum dots CdSe.[195] La mˆeme ´equipe propose l’ann´ee suivante l’utilisation de soufre dissout dans de la TOP (TOPS) pour faire croitre des coques de CdS et ZnS.[196] Du fait de la faible r´eactivit´e de ce pr´ecurseur de soufre, l’injection se fait `a 300°C. Afin de limiter les probl`emes li´es aux hautes temp´eratures d’injection, Proti`ere et Reiss proposent d’utiliser l’´ethylxanthate de zinc `a la fois comme pr´ecurseur de zinc et de soufre pour la croissance de coques de ZnS sur des cœurs de CdS.[197] Pour combler le d´eficit de zinc (il y a deux ´ethylxanthates par zinc et chaque ´ethylxanthate peut apporter deux soufres), ils ajoutent 3 ´equivalents de st´earate de zinc. La bonne r´eactivit´e de l’´ethylxanthate de zinc leur permet d’abaisser la temp´erature d’injection `a 225°C.
Enfin, plus r´ecemment des techniques ont ´et´e propos´ee pour la croissance de coque `a temp´erature ambiante. Par exemple, Benoit Mahler, Brice Nadal et al. ont d´evelopp´e une m´ethode pour la croissance de coques de CdS et CdZnS sur des nanoplaquettes de CdSe.[198] Cette m´ethode utilise un m´elange d’ol´eate de cadmium et zinc, de thioac´etamide et d’octylamine qui est ajout´e `a une solution contenant les nanoparticules de cœurs. Une autre  ´ethode d´evelopp´ee par Ithurria et Talapin permet de d´eposer des coques de ZnS dop´ees en Mn2+ sur des plaquettes de CdS en d´eposant successivement des couches de soufre (avec Na2S) et de cations (avec Mn(OAc)2) dans un m´elange biphasique.[199]

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