Quantification du glissement pleural par speckle-tracking dans le diagnostic de pneumothorax
Le pneumothorax
La plèvre est une membrane séreuse composée en continuité de deux feuillets ; un feuillet pariétal tapissant les côtes, le médiastin et le diaphragme et un feuillet viscéral tapissant les poumons et s’insinuant dans les scissures inter-lobaires. Ces deux feuillets délimitent entre eux l’espace pleural, zone de glissement essentielle à la mécanique ventilatoire. Celui-ci est rendu physiologiquement virtuel par la pression négative qui y règne en comparaison à la pression intra-alvéolaire. Ainsi, le pneumothorax (PNO) est défini par la présence anormale d’air au sein de l’espace pleural. Celui-ci est responsable d’une élévation de la pression intra-pleurale entraînant une rétractation du parenchyme pulmonaire homolatéral sous l’effet de son élastance naturelle, du fait de la modification de la pression trans-pulmonaire ..Ce mécanisme physiopathologique explique la gravité potentielle du PNO, lorsque celui-ci devient « compressif » par un effet de valve unidirectionnelle, laissant passer l’air dans l’espace pleural à l’inspiration mais empêchant sa sortie à l’expiration (Figure 1). Le PNO alors en tension entraîne une défaillance respiratoire mais aussi hémodynamique. Cette dernière est due à une chute du débit cardiaque par diminution du retour veineux et par la compression des cavités cardiaques. Le pronostic vital peut alors être engagé par tamponnade gazeuse jusqu’à l’arrêt cardio-circulatoire et le décès du patient. Les étiologies du PNO sont multiples, et classiquement divisées en PNO dit « spontanés » primitifs ou secondaires, ou en PNO « secondaires » traumatiques ou iatrogènes. Le PNO spontané survient en dehors de tout traumatisme ou geste invasif. On le qualifie alors de primitif ou idiopathique lorsqu’il survient chez un patient sain, exempt de toute pathologie pulmonaire préexistante. Le PNO spontané secondaire survient quant à lui sur un poumon pathologique présentant des lésions à risque. Enfin, le PNO secondaire survient après effraction de la plèvre viscérale, soit par traumatisme direct ou indirect, ouvert ou fermé, soit par lésion iatrogène suite à la réalisation d’un geste invasif [4]. Cette pathologie est fréquente, notamment dans les services de réanimation et constitue du fait de son caractère potentiellement évolutif vers une forme grave, un véritable challenge diagnostic et thérapeutique pour la prise en charge des patients qui en sont atteints [5]. Le diagnostic positif tient compte à la fois des antécédents, de l’anamnèse, de la symptomatologie clinique du patient mais aussi des données d’imageries à la disposition du clinicien [6]. L’examen le plus sensible pour la détection du PNO est la tomodensitométrie (TDM) thoracique [7]. Cependant, il s’agit d’un examen coûteux, irradiant, souvent difficile à obtenir rapidement et nécessitant le transport du malade, parfois dangereux pour celui-ci. La radiographie thoracique de face (RT) est donc communément utilisée en première intention pour les patients suspects de PNO. Il est pourtant admis qu’il s’agit d’un examen peu fiable dans ce contexte, sa sensibilité étant insuffisante. Ainsi, la littérature décrit jusqu’à 70% de PNO « occultes », c’est-à-dire non visibles à la RT mais révélés par la TDM [8]. C’est dans ce contexte que l’échographie pleuro-pulmonaire (EPP) est progressivement apparue comme un outil diagnostic prometteur et performant dans le diagnostic de pathologies pulmonaires parenchymateuses et du PNO .
Echographie « Point-of-care »
L’échographie dite “Point of Care” ou Point of Care Ultra Sound (POCUS) est bien définie depuis 2011 [12]. Il s’agit d’une échographie simple et rapide, amenée et réalisée sur les lieux de la prise en charge du patient par un clinicien connaissant le contexte et l’examen clinique de celui-ci. Ses résultats sont souvent de type binaire ; oui ou non, immédiats, permettant ainsi d’être pris en compte en temps réel. Ses champs d’applications sont multiples, principalement représentés par le guidage de réalisation de procédures invasives, le dépistage et le diagnostic de certaines pathologies mais aussi le monitorage des patients notamment en réanimation . La miniaturisation et la simplification du matériel, l’amélioration de la qualité des images échographiques et de leurs définitions dans la littérature, ont progressivement amené l’échographie POCUS à passer de la main des radiologues à celles des médecins spécialistes. Elle est ainsi maintenant utilisée par de nombreuses spécialités : gynéco-obstétriciens, cardiologues, pneumologues, néphrologues, anesthésistes-réanimateurs et médecins urgentistes notamment. Cet outil fiable, non invasif, reproductible, d’apprentissage rapide, immédiatement disponible auprès des patients améliorent la pertinence diagnostic des cliniciens et peut permettre la mise en place de mesures thérapeutiques immédiates notamment chez les patients de réanimation. C. Échographie pleuro-pulmonaire 1. Généralités L’EPP représente le deuxième type de POCUS le plus utilisé en réanimation après l’échographie cardiaque . En routine elle permet une évaluation qualitative du poumon et de la plèvre. Elle aide au diagnostic de PNO, qu’ils soient spontanés ou secondaires, guide et contrôle l’efficacité du drainage lorsque celui-ci est indiqué . En traumatologie, elle a été intégrée à la FAST échographie (Focus Assesment with Sonography for Traumas) ainsi nommée e-FAST (pour extended-FAST) [9]. Certains praticiens ont même abandonné la réalisation d’une RT systématique pour la prise en charge de patients traumatisés stables ou avec une EPP normale. . Son utilisation est encadrée, depuis 2012 par des recommandations internationales .
Principes et sémiologie de l’EPP normale
La réalisation de l’EPP peut sembler « paradoxale » lorsque l’on connaît les principes échographiques de base, puisque les ultrasons ne passent pas à travers l’air ou les os. Pourtant, l’EPP a été bien définie au fil du temps, en étant principalement basée sur l’interprétation combinée d’images échographiques morphologiques (épanchement pleural liquidien, condensation pulmonaire par exemple) et d’artéfacts créés à partir de la ligne pleurale. L’EPP repose alors sur une analyse dynamique des différents quadrants thoraciques. La sonde d’échographie est appliquée sur le thorax dans un espace intercostal dans une direction cranio-caudale sur ces quadrants. Les recommandations actuelles ne préconisent pas pour sa réalisation l’utilisation d’une sonde en particulier mais la sonde vasculaire linéaire superficielle de haute fréquence ou de la sonde d’échographie cardiaque permettent toutes deux une bonne analyse de la plèvre [21]. L’image physiologique de l’EPP montre entre deux cônes d’ombre (correspondants aux 2 côtes) une ligne horizontale hyperéchogène ; c’est la ligne pleurale. Cette ligne se déplace parallèlement à la sonde via un mouvement de « va-et-vient » synchrone de la respiration ; c’est le glissement pleural (GP), qui correspond au glissement physiologique des deux feuillets pleuraux. L’ensemble de ces images échographiques réalise le signe de la « chauve-souris » (Figure 2). En mode temps-mouvements (TM) la ligne pleurale est là encore bien visible, hyperéchogène, mobile et sous tendue par un granité immobile postérieur ; c’est le signe du « bord de mer »
I. RESUMES |