Organisation des vortex d’Abrikosov
Les vortex d’Abrikosov se repoussent. Cette interaction répulsive peut être appréhendée facilement à partir des courants de vortex et de champs magnétiques microscopiques. La circulation des courants autour du cœur du vortex induit un champ magnétique. Comme les courants de deux vortex voisins circulent dans le même sens lorsqu’ils sont soumis au même champ magnétique extérieur (je n’aborde pas le cas des antivortex), chacun est traversé par les lignes de champ de l’autre. Les courants induits circulent alors dans le sens opposés aux courants de vortex, ce qui est énergétiquement défavorable. Les vortex s’éloignent.
La densité de vortex d’Abrikosov augmente avec le champ magnétique appliqué. Dans un matériau macroscopique, les vortex s’organisent en réseau triangulaire dit d’Abrikosov (figure 1.1.6). La distance minimale entre⁄ vortex est atteinte au champ critique de transition vers l’état normal . Elle vaut près de trois fois la longueur de cohérence, compense pas le coût en énergie de décondensation- au niveau du cœur et en énergie magnétique. Les supraconducteurs de type I ne créent don des vortex qu’à une valeur du champ magnétique très proche de celle de transition vers l’état normal. On observe en effet des zones normales à l’approche du champ critique de transition, le système se scinde en morceaux supraconducteurs avant de transiter entièrement dans l’état normal. Dans le cas des supraconducteurs de type II, la longueur de cohérence est petite devant celle de London, , le système gagne plus d’énergie liée à la pénétration de vortex qu’il ne perd d’énergie de décondensation et d’énergie magnétique. En augmentant le champ magnétique, le système crée donc des vortex d’Abrikosov afin d minimiser son énergie libre.
Les vortex en limite propre
La limite sale influe sur l’état du cœur de vortex. Comme le prévoit la théorie de Ginzburg-Landau, le cœur est normal sur la distance . Les équations de Bogoliubov-de Gennes mettent en évidence qu’en réalité des états existent au cœur de vortex. Elles sont construites à partir de considérations microscopiques comme dans la théorie BCS. Les électrons interagissent via un potentiel d’interaction de contact qui tient compte, d’une part, du désordre,et d’autre part, du potentiel moléculaire. L’amplitude du paramètre d’ordre varie très rapidement sur distance au cœur du vortex, et atteint une valeur asymptotique sur une distance du centre. Le potentiel associé est alors un potentiel confinant pour les électrons, et induit des états localisés [Caroli 1964] Ces états localisés peuvent être mesurés en spectroscopie tunnel [Renn 1991]. En mesurant des spectres tunnel sur des films de Pb/Si(111) supraconducteurs de type II, Ning et al montrent qu’un pic d’états localisés est présent au niveau de Fermi pour des épaisseurs supérieure à une soixantaine de monocouches, et que ce pic disparaît des spectres tunnel en deçà de cette épaisseur (figure 1.1.7) [Ning 2010]. On peut ainsi déterminer expérimentalement la limite propre ou sale du système étudié. Les nanostructures de Pb/Si(111) de cette thèse d’une épaisseu de quelques nanomètres, sont donc a priori dans la limite sale.
Figure 1.1.7 : Spectres tunnel mesurés par Ning et al au cœur d’un vortex sur deux films de Pb/Si(111) d’épaisseurs différentes : l’un présente un pic au niveau de Fermi, signature de la limite propre, et l’autre n’en présente pas, signature de la limite ales. [Ning 2010]
Jusqu’à présent, j’ai basé mon discours sur les équations de Ginzurg-Landau en négligeant les termes de surface. Si on s’intéresse à ce qu’il se passe au voisinage de la surface parallèle au champ magnétique, on constate que la supraconductivité survit au-delà du champ critique , sur une épaisseur de l’ordre de la longueur de cohérence . Cet effet est dû à la compensation entre les courants Meissner et de vortex. On s’attend à ce qu’il soit d’autant plus important que les dimensions du système sont réduites à quelques longueurs de cohérence. La transition vers l’état normal se fait alors au champ supérieur au champ critique
Equation 1.1.17 : Champ critique de transition vers l’état normal avec la supraconductivité de surface. [Saint-James 1963].
Système mésoscopique extrême
Nous venons de rappeler quelques grandes caractéristiques de la supraconductivité dans un système macroscopique, nous allons voir à présent que ces caractéristiques diffèrent beaucoup dans un système don les dimensions sont réduites aux échelles caractéristiques de l supraconductivité. Nous verrons aussi qu’il sera alors possible de créer un vortex géant dans un supraconducteur de type II, ce qui fut l’objectif premier du travail de thèse.
La supraconductivité persiste dans des systèmes dont une des dimensions est inférieure à la longueur de London. Des grandeurs telles que la longueur de cohérence et la longueur de London dépendent alors de l’épaisseur du film.
Supraconductivité dans les films minces
Les nanostructures de Pb/Si(111) ont une épaisseur inférieure à la longueur de London macroscopique. Or dans les supraconducteurs d’épaisseur inférieure à la longueur de London, les courants Meissner ne génèrent pas de moment magnétique suffisant pour expulser le champ magnétique appliqué. Pour que le matériau conserve ses propriétés diamagnétisme parfait sans que les courants ne dépassent localement le courant critique, ces derniers doivent circuler sur une largeur plus grande. La longueur de pénétration du champ de London est inversement proportionnellement à l’épaisseur du film.
Equation 1.2.1 : Longueur de London dans les couches minces, [ref Pearl 1964].
Comme les courants Meissner et de vortex s’étendent sur une mêm longueur caractéristique (deuxième équation de Ginzburg-Landau), les variations des grandeurs associées au vortex sont modifiées et varient en
et non plus en avec la réduction de l’épaisseur du film mince (équations 1.1.9, 1.1.10 et 1.2.2). Ainsi le champ magnétique interne varie plus lentement avec la distance au cœur du vortex et les courants circulent sur une surface plus étendue autour du cœur. Le profil des vortex est donc modifié dans les couches minces. L’interaction répulsive entre vortex est de fait à plus grande portée que dans les systèmes de taille macroscopique.