Quand clerc rime avec faussaire « in sigillo suo et litteris curie sue falsitatem commiserat »
(il avait falsifié des sceaux et des lettres de cure) Le faussaire, à toutes les époques, a toujours été considéré comme « un malfaiteur, auteur d’une tromperie »447. Mais si la falsification des monnaies existait depuis l’Antiquité, d’autres formes virent le jour ou se développèrent dans les derniers siècles du Moyen Âge.
La plus fréquente d’entre elles semble avoir été celle concernant les écrits, dont le nombre se multiplia de façon considérable à partir du XIIIe siècle, dès le moment où la formation universitaire permit à un plus grand nombre d’hommes d’accéder à la rédaction d’actes,
publics ou privés, et que ceux-ci se généralisèrent à tous les niveaux de la société, depuis les chancelleries royales jusque dans les instances communales, en passant par les relations commerciales ou privées entre individus. 446 A.N. X1A 10 (jugés), fol. 484b dans Denifle Heinrich et Châtelain Emile, C.U.P., Op. cit., vol. 2, n° 1129, p. 592 447 Fianu Kouky,
« Détecter et prouver la fausseté au Parlement de Paris à la fin du Moyen Âge », Ecrit et pouvoir dans les chancelleries médiévales, éd. Fianu Kouky, Louvain-La-Neuve, Fédération internationale des instituts d’études médiévales, 1997, p. 295 154 Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 1
Faux en écriture « une lettre passée soubs le seel dudit Chastelet, pour en faire ung vidimus, […], qui avoit esté faite à son proufit, et mis Bernard en lieu de Jehan »448 L’expression « faux en écriture » recouvre dans la réalité deux notions sensiblement distinctes : d’une part, un texte qui a été entièrement créé, et d’autre part, un acte original qui a été en partie modifié, par grattage ou par effacement, en substituant un ou plusieurs caractères par un autre449 dans un mot, un nombre ou une date. Dans la grande majorité des écrits qui firent l’objet de contestations,
le faussaire médiéval utilisait cette seconde façon de faire450 car la création complète d’un document, outre la complexité et la quantité de travail qu’elle demandait, nécessitait de posséder le sceau adéquat censé en attester la validité et donc bien souvent de fabriquer et d’utiliser de faux sceaux. La falsification des écrits devint une pratique de plus en plus répandue et il n’était pas toujours simple de détecter une altération.
Elle commença à inquiéter le roi qui en fit, dans le courant du XIVe siècle, un crime de lèse-majesté pour les lettres et les sceaux émanant de lui451. Concernant les étudiants, la plupart des affaires que nous avons rencontrées et qui firent l’objet de procès n’avaient pas la portée d’un cas royal, mais elles pouvaient toutefois être très pénalisantes pour ceux qui en étaient victimes. En novembre 1431,
deux d’entre eux s’opposèrent devant le Parlement de Poitiers pour l’attribution de la même cure. Le premier, Valentin, accusait Piédieu, son adversaire, d’avoir été excommunié en cour de Rome et de ne pouvoir ainsi en bénéficier.
Barbin, l’avocat de Piédieu affirmait, pour sa part, qu’il n’en était rien et que, bien au contraire, il se faisait fort de prouver que la lettre rendant compte de cette sentence était un faux et qu’elle « a esté exquise indeument et à tort, et que tout procède de haine que avoient aucuns contre lui à Romme »452. Nous ne savons hélas pas comment s’y prit l’avocat pour apporter cette preuve, ni quelle fut l’issue du procès.