Qualité des eaux souterraines sous l’impact de l’urbanisation
Aperçu de l’urbanisation en Afrique de l’Ouest
Les grandes villes africaines connaissent une rapide croissance de leur démographie, entraînant un développement anarchique de l’espace urbain (Fayiga et al. 2018). La majeure partie de la population urbaine est concentrée dans la plus grande ville (« primauté urbaine ») dans les pays d’Afrique (WWAP 2017). 40 % de la population africaine est urbaine contre 8%, il y a un siècle (ONU Habitat 2014). L’Afrique de l’Ouest n’échappe guère à cette « révolution urbaine » qui est en cours sur le continent. En 1960, il n’y avait encore aucune agglomération urbaine de plus d’un million d’habitants en Afrique de l’Ouest. L’urbanisation n’a progressé que lentement jusqu’en 1990. C’est à cette époque que le taux d’urbanisation de l’Afrique de l’Ouest a dépassé la moyenne du continent et s’est mis à augmenter. La population urbaine est passée à 92 millions en l’an 2000 et a été estimée à 137 millions en 2010 (près de 50% d’augmentation ; ONU Habitat 2010). Selon les projections pour l’Afrique de l’Ouest, la population urbaine pourrait atteindre 196 millions en 2020 (ONU Habitat 2014). Entre 2020 et 2030, on pourait atteindre une augmentation annuelle moyenne de plus de 6 %. Les pays de la sous-région Ouest-Africaine sont donc confrontés à l’accélération des taux d’expansion des villes urbaines. La Figure 1, présente l’évolution estimée des agglomérations urbaines entre 1990 et 2030 en Afrique. Les populations africaines résidant dans les villes de petites et moyennes tailles ont enregistré une nette augmentation de 1990 à 2030 (WWAP 2017 ; Fig. 1a). De même, d’après les projections des Nations Unis (https://population.un.org/wup) en Afrique, entre 2018 et 2030, la croissance de la population sera forte pour les villes de petites et moyennes taille (pop.< 5 millions, Fig.1b).
Typologie de la pollution des eaux en Afrique de l’Ouest
Les eaux souterraines demeurent la plus grande et la plus importante source d’approvisionnement en eau potable en Afrique (MacDonald et al. 2012 ; Ketchemen-Tandia et al. 2017). Les sources possibles de pollution des eaux en milieu urbain en Afrique et dans le monde sont présentées dans le Tableau 1 et résumées dans la Figure 2a.La contamination des eaux souterraines repose sur des processus physiques, chimiques et biologiques qui se produisent de la surface du sol (zone interface du sol) au travers de la zone non saturée (ZNS). La migration d’un polluant parcourt les zones suivantes (Figure 2b) : – la Zone de l’Interface du Sol, qui constitue le domaine des activités polluantes ; – la Zone Non Saturée (ZNS), qui est le domaine du transfert vertical ; – la Zone Saturée (ZS), qui est le lieu de la propagation et de la dilution de la pollution. La dégradation de la qualité des eaux souterraines peu profondes par des substances chimiques et bactériologiques dans les pays de l’Afrique de l’Ouest est principalement due aux pollutions d’origine anthropique et agricole. A Cotonou (Bénin), les principales sources de pollutions sont liées aux activités anthripiques (ordures ménagères, fosses septiques et latrines). Le Tableau 2, présente les sources de pollution des eaux souterraines dans quelques métropoles de l’Afrique de l’Ouest.
Pollution due aux activités domestiques
Les déchets liquides et solides issus des activités domestiques constituent une des plus importantes sources de pollution des eaux souterraines et de surface en Afrique de l’Ouest. C’est le cas dans les grandes métropoles telles que Lagos au Nigeria, Abidjan en Côte d’Ivoire et Dakar au Sénégal (Lapworth et al. 2017 ; Adjagodo et al. 2016). Les eaux souterraines sont contaminées par les eaux usées au cours de l’infiltration des pluies pendant la recharge (Soro et al. 2010 ; Dieng et al. 2017 ; Kadjangaba et al. 2018). A Niamey au Niger (Hassane et al. 2016), à Ouagadougou au Burkina-Faso (OuandaogoYameogo 2008), à N’Djaména au Tchad (Kadjangaba et al. 2018) et à Dakar au Sénégal (Ndiaye et al. 2010), la contamination des eaux souterraines est liée au fait que les eaux ménagères produites à la surface du sol s’infiltrent au travers de la zone non saturée et parviennent à la nappe peu profonde sans avoir pu bénéficier d’une filtration efficace. La présence des contaminants chimiques est liée également à la dégradation de la matière organique issue des latrines et des fosses septiques (De Waele et al. 2004 ; Hounkpe et al. 2014). Le lixiviat résultant des décharges contribue à l’augmentation des teneurs en matières organiques et en éléments traces métalliques dans les eaux souterraines et de surface (Ouedraogo et al. 2016 ; Kayembe et al. 2018). Les travaux de Chabour et al. (2009) ont montré que les eaux urbaines sont plus chargée en phosphates et en nitrates que les eaux de zones agricoles. Les principales sources sont liées à l’inexistence de systèmes d’assainissement adéquats (dépotoirs d’ordures, des latrines et fosses septiques non étanches) et à l’inadaptation du système d’évacuation des eaux pluviales et usées. Le taux de collecte des déchets ménagers reste encore faible (<50 %) dans la plupart des villes de l’Afrique de l’Ouest. Le taux de collecte est environ 20 % à N’Djaména au Tchad, 42 % à Lomé au Togo, et à 24 % à Dakar au Sénégal (Ngambi 2015). La caractérisation des eaux usées en milieu urbain à Cotonou (Bénin) par Saizonou et al. (2014 ; 2010) et à Abidjan par Soro et al. (2010) a montré que ces effluents bruts véhiculent d’importantes charges de matières azotées, de métaux lourds et de bactéries. Ces eaux usées sont constituées d’eaux-vannes (excréments, urine, boues fécales) et d’eaux usées ménagères (eau de douche, de cuisine, de vaisselle, de lessive, de lavage de cours, de lavage de motos)(Yadouléton 2015)
Pollution due aux activités agricoles
La croissance démographique et les changements dans le régime alimentaire ont contribué à l’augmentation de la demande alimentaire (WWAP, 2017). L’agriculture a connu une forte expansion et intensification afin de pouvoir satisfaire à cette demande. Dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest (ex. Mali, Niger, Bénin, Côte d’Ivoire, Nigéria, etc.) les produits chimiques sont utilisés sous forme d’engrais et de pesticides afin d’accroitre la productivité (Dicho et al. 2013). Des études indiquent que les pratiques agricoles ont conduit à la contamination des eaux souterraines peu profondes et des eaux de surface par les nitrates, les phosphates, les hydrocarbures, les métaux lourds et les fluorines (Soro et al. 2010 ; Paré et Bonzi-Coulibaly 2013 ; Atidegla et Agbossou 2010). Par la dissolution et le transport de quantités excessives d’engrais, de pesticides, d’herbicides et des antibiotiques (Ahouangninou, 2013). Savadogo et al. (2006) et Paré et al (2013) ont montré que les sols sont contaminés par endosulfan (1–22 µg/kg) et imethoate (1.7–5 µg/kg) utilisés comme pesticides dans la production du coton au BurkinaFaso. Plus de 60 % des maraîchers du site de Houéyiho à Cotonou appliquent la fumure au moins quatre fois au cours du cycle végétatif des cultures avec des doses (1000-3000 kg/ha de NPK et 2500- 5000 kg/ha d’urée) supérieures à celles recommandées par les services techniques (Atidégla et al. 2010). Ces doses d’engrais non utilisées se retrouvent dans les eaux souterraines et de surface après lessivage des sols par les pluies (Paré et al. 2013 ; Adjagodo et al. 2016). Ba et al. (2016) ont montré que les pratiques d’utilisation des fertilisants organiques et inorganiques par les agriculteurs en mileu urbain à Dakar (Sénégal) ont des impacts sur les ressources en eau et sur la santé des populations. En dehors de l’utilisation des engrais chimiques en agriculture, certains agriculteurs utilisent des engrais organiques (déjections animales et humaines, engrais vert, lisières et résidus de récolte) comme fertilisant. Le Tableau 3 présente les principaux polluants de l’eau issus de l’agriculture..