La(les) source(s) des séries de flysch: un bref historique
Source des grès du Crétacé inférieur
Modèle d’alimentation unique (Nord)
La plaque Ibérique et le domaine AlKaPeCa aussi appelé plaque Méso-méditerranéenne (Fig. 3) ont été envisagées pendant longtemps comme sources des grès turbiditiques massyliens et maurétaniens datés de l’Aptien-Albien. Cette première hypothèse se fonde sur les directions de courants mesurées dans les flyschs et dans les unités de la marge africaine de Ketama (Wildi, 1983 ; Gübeli et al., 1984 ; Lopez Galindo and Martín-Algarra, 1992). Une polarité proximale/distale entre les séries maurétaniennes et les séries massyliennes est également documentée à partir des palynomorphes et du rapport sable/pélite (Gübeli et al., 1984). L’interprétation qui découle de ces informations, en l’absence de différences majeures dans la composition, est que les séries massyliennes représentent l’équivalent distal des séries maurétaniennes dans un système turbiditique alimenté par le nord (Fig. 3) c’est-à-dire des unités AlKaPeca (Wildi, 1983).
Modèle d’alimentation mixte (Nord et Sud)
La deuxième solution, plus communément admise est que les séries massyliennes d’âge Crétacé sont alimentées par l’érosion du craton africain tandis que les séries maurétaniennes seraient alimentées par le domaine d’Alboran (Fig. 4) c’est-à-dire par l’érosion des unités d’AlKaPeca (Bouillin et al., 1986 ; Martín-Algarra, 1987 ; Guerrera et al., 2005), et plus particulièrement des zones internes Kabyles ou d’un domaine aujourd’hui inconnu dans les zones internes du Rif (Wildi, 1983).
Provenance des séries Massylienne
Stratigraphie
L’affinité africaine des grès massyliens du Crétacé inférieur se fonde sur l’étude de la stratigraphie de ces séries. Il existe de fortes ressemblances entre les faciès des séries du Crétacé inférieur massylienne et ceux du Rif interne (unité de Tanger interne et de Ketama). Ces unités partagent en particulier des niveaux de phtanites datés du Cénomanien ainsi que des séries marno-calcaires datées du Cénomanien-Turonien (Didon, 1973, Michard et al., 2008).
Pétrographie
La pétrographie des grès et des argiles des séries massyliennes est aussi un argument en faveur d’une provenance africaine (Gübeli et al., 1984 ; Lopez Galindo and Martín-Algarra, 1992 ; El Talibi et al., 2014). Ces grès ont une composition très mature et appartiennent à la catégorie des quartzarénites ou des subarkoses (Dickinson and Suczek., 1979; Dickinson et al., 1983) (Fig. 5). Wildi (1983) reporte lui, comme traits caractéristiques, une composition moyenne d’arkose ou de subarkose, une granulométrie moyenne des grès assez fine (10-50µm et 100-200µm) et des recristallisations secondaires de quartz. Ces grès sont composés en grande majorité de grains de quartz avec de faibles quantités de feldspaths, de micas et un ciment quartzeux (Gübeli et al., 1984 ; El Talibi et al., 2014). Leur composition, très enrichie en quartz, indique une source cratonique stable de composition assez uniforme ou un domaine orogénique de collision mature ou intracontinentale (Fig. 5). La composition homogène de ces grès peut être liée à plusieurs cycles de recyclages successifs, favorisés par le contexte intra-cratonique (Dickinson, 1985) et le climat propice à l’altération chimique sur le continent africain depuis le Crétacé inférieur (Fabre, 2005 ; Beauvais and Chardon, 2013 ; Chardon et al., 2016 ; Ye et al., 2017). Une source cratonique pour les séries massyliennes est aussi suggérée par la composition chimique des grès massyliens, enrichis en silice et appauvrie en Cr, Co , Ni et V et la dominance de grains de quartz d’origine plutonique (El Talibi et al., 2014).
Source des séries Maurétaniennes
Structure
Pour ce qui est des séries turbiditiques maurétaniennes du Crétacé inférieur, plusieurs arguments peuvent être cités en faveur d’une alimentation depuis les unités d’AlKaPeCa. Les apports du nord sont admis en partie en raison de la position structurale des nappes de flyschs dans les Bétiques et dans le Rif (Chapitre 2 Fig. 33). En effet, les nappes maurétaniennes sont toujours situées en position structurale supérieure par rapport aux nappes massyliennes (Wildi, 1983, Durand Delga, 1980) (Chapitre 2), impliquant une position paléogéographique plus interne.
Stratigraphie et pétrographie
On considère que l’existence de séries mixtes dans lesquelles, les flyschs maurétaniens et les flyschs massyliens sont inter-stratifiés, implique des alimentations depuis des sources opposées géographiquement. Ces séries sont interprétées comme déposées à la transition entre la partie nord du bassin, alimentée par le continent d’Alboran, et sa partie Sud, alimentée par le continent africain. Cette transition de facies est particulièrement visible dans les séries du Miocène inférieur mais existe depuis le Crétacé (Zaghloul et al, 2002 ; Guerrera et al., 2005).
Cette hypothèse se fonde aussi sur des observations pétrographiques et sédimentaires. En Algérie, des séries d’affinité dorsalienne dans les séries maurétaniennes proximales ont été identifiées (Wildi, 1983 ; Bouillin et al., 1986 ). D’un point de vue pétrographique, les études menées sur le flyschs du Jebel Tisiren (Fig. 5) et ses équivalents en Sicile, en Espagne et en Algérie permettent de ranger cette formation dans la catégorie des subarkoses/sublitharénites (Fig. 5). De plus, le cortège de minéraux lourds associé est caractéristique de l’érosion de granite (Puglisi 1981 ; Raoult et al., 1982 ; Gübeli et al., 1984 ; Carmisciano and Puglisi, 1983 ; Wildi, 1983; Puglisi and Coccioni, 1987 ; Barbera et al., 2011). On peut tout de même remarquer que l’étude de Barbera et al. (2011), parmi les plus complètes et récente qui existe sur les flyschs Crétacé inférieur ne réfute pas une source africaine (externe).
Source des grès Tertiaires
Les grès Massyliens
La source des grès du Numidien (Fig.6) est généralement considérée comme étant le continent Africain (Durand Delga, 1980 ; Hoyez, 1989, Guerrera et al., 1992 ; Thomas et al., 2010 ; Belayouni et al., 2013). D’autres études considèrent à l’opposé une origine septentrionale (Mattauer, 1958 ; Pariz et al., 1986 ; Wildi, 1983 ; Talibi et al., 2008 ; Yaich et al., 2000 ; Boukhalfa et al., 2009 ; Fildes et al., 2010 ; Samie et al., 2010)
Les partisans d’une origine méridionale du « Numidien » se fondent 1) sur la morphologie des grains de quartz indiquant un transport éolien, 2) les âges U-Pb des zircons et 3) l’extrême homogénéité des caractéristiques pétrographiques des grès du Numidien, indiquant une source elle-même homogène et/ou plusieurs recyclages successifs du matériel détritique.
La pétrographie des grès du Numidien, tirée de la littérature, reportée dans un diagramme QuartzFeldspaths-Fragments lithiques (QFL) montre qu’ils contiennent une proportion élevée de quartz similaire aux flyschs crétacés des séries massyliennes et maurétaniennes (Fig. 7). Ce sont des quartzarénites, subarkoses et sublitharénites issues donc, de l’érosion d’un domaine cratonique et/ou d’un contexte d’orogène de collision.
Les partisans d’une origine méridionale du « Numidien » se fondent 1) sur la morphologie des grains de quartz indiquant un transport éolien, 2) les âges U-Pb des zircons et 3) l’extrême homogénéité descaractéristiques pétrographiques des grès du Numidien, indiquant une source elle-même homogène et/ou plusieurs recyclages successifs du matériel détritique.
La pétrographie des grès du Numidien, tirée de la littérature, reportée dans un diagramme QuartzFeldspaths-Fragments lithiques (QFL) montre qu’ils contiennent une proportion élevée de quartz similaire aux flyschs crétacés des séries massyliennes et maurétaniennes (Fig. 7). Ce sont des quartzarénites, subarkoses et sublitharénites issues donc, de l’érosion d’un domaine cratonique et/ou d’un contexte d’orogène de collision.