Prototype d’un régénérateur
Le régénérateur, cœur du procédé AA-CAES, est l’équipement qui va subir les plus fortes contraintes mécaniques, thermiques, chimiques, aérauliques et hydrauliques. Sa paroi, est sans doute l’élément le plus sensible de tous les équipements constituant l’AA-CAES. Des températures élevées jusqu’à 600°C peuvent en effet régner dans le régénérateur. La roche hôte et le béton de soutènement étant incapables de les supporter, il est nécessaire alors de les isoler thermiquement. La paroi doit aussi résister aux contraintes mécaniques induites par la taille du régénérateur avec une pression pouvant atteindre 15 MPa et un risque de vieillissement prématuré provoqué par les chargements cycliques répétés. Cette paroi doit en plus garantir une étanchéité parfaite et être préservée pendant toute la durée d’exploitation sans possibilité d’intervention. Il sera en effet très délicat et onéreux d’intervenir dans le régénérateur une fois celui-ci rempli de réfractaire et mis en température et en pression. Le chapitre 2 a été consacré à l’étude des différents matériaux qui entrent en jeu dans un régénérateur souterrain et à l’analyse de leur comportement dans la gamme de température et de pression considérée. Une campagne d’essai en laboratoire a été mise en œuvre pour caractériser les matériaux constituant le revêtement et une loi rhéologique de l’air humide à haute température et haute pression a été établie. Nous avons utilisé ces résultats dans le chapitre 3 dans un modèle numérique dans le but de dimensionner les revêtements des régénérateurs et d’étudier en détail le couplage thermo-hydromécanique dans le système de stockage ainsi que l’influence de chaque mécanisme de couplage sur la stabilité des ouvrages. La complexité des problèmes abordés dans un régénérateur et les nombreuses hypothèses simplificatrices adoptées dans toutes les étapes d’étude et de recherche (laboratoire, modélisation et conception) nécessitent une validation expérimentale à une échelle réduite avant d’envisager la réalisation d’un site pilote à échelle industrielle. Dans ce cadre, un prototype d’un régénérateur combinant pression et température et représentant une paroi réelle a été construit dans le laboratoire LITEN du CEA à Grenoble. Trois éléments principaux ont été définis : les céramiques de stockage de la chaleur, les matériaux isolants et l’enveloppe de l’enceinte pour contenir la pression régnant dans celle-ci.
Description du prototype d’essais
Le prototype représente un régénérateur à échelle réduite et a pour but principal de tester le comportement des revêtements préconisés face à des sollicitations cycliques en température et en pression, générées par un air sec ou humide. Il reproduit la vraie paroi du régénérateur, mais se limite à une zone active de céramiques d’un diamètre beaucoup plus faible (0,7 m). La configuration simulée se prête donc à un régénérateur aérien où la pression est reprise non pas par la roche, mais par une enceinte métallique d’épaisseur 3 cm capable de tenir une pression de 3 MPa dans un diamètre intérieur de 2,25 m (ce qui correspond à un TES moyenne pression). 4.1.1 Construction du prototype et préparation de l’expérimentation La hauteur du prototype a été limitée à 2 m de manière à décrire le comportement en température d’une tranche donnée du régénérateur réel. Cette hauteur permet d’étudier les interactions avec la paroi en différents points en changeant les conditions d’entrée, mais n’offre pas la possibilité de reproduire l’empilage des matériaux et le gradient thermique tout au long du régénérateur. Le choix du diamètre du prototype a été fixé de manière à simuler la séquence réelle du revêtement avec les trois caractéristiques principales décrites précédemment : l’isolation thermique moyennant une perte inférieure à 1 %, l’étanchéité du système et le refroidissement actif. Une épaisseur de 0,775 m est donc réservée pour tester les différents schémas de revêtements isolants sachant que l’étanchéité est assurée par l’enceinte métallique qui comprend un système de refroidissement actif sur sa face extérieure. L’air est fourni par un compresseur qui délivre un débit de 540 Nm3 /h (de l’ordre de 0,2 kg/s) à une pression allant jusqu’à 3 MPa. L’air passe ensuite par un système de chauffage équipé d’une résistance chauffante permettant de réguler la température à la valeur voulue. En phase de charge, l’air est acheminé par le haut de l’enceinte via un cône de répartition. La décharge se fait par le bas dans les mêmes conditions. Ainsi, la boucle d’essais comprend un circuit d’air fourni par un compresseur, une vanne de régulation de débit, un système de chauffe électrique réglable, l’enceinte d’essais, un détendeur, un échangeur de refroidissement et une cheminée d’évacuation. Un système de contrôle commande est mis en place pour le pilotage automatique de la boucle et la réalisation des cycles thermiques. La Figure 4.1 montre des schémas et une photo du prototype avec tous ses composants. Le programme d’essais prévoit de tester avec le prototype deux configurations de revêtements : la première correspond à un isolant unique constitué par une couche de briques poreuses de type RI30 sur une épaisseur de 0,69 m, et la seconde comprend une épaisseur de 0,2 m de matériau réfractaire dense (Monoguard, Y75LCC ou MS6) suivie de deux couches de briques poreuses de 0,46 m de type RI26. L’espace restant entre l’enceinte métallique et l’isolant est rempli d’un béton réfractaire. En raison du retard accumulé par les procédures d’agrément et de conformité aux règles de sécurité (équipements sous pression, interrupteurs thermiques, système d’arrêt total de l’installation…), seule la première configuration de revêtement a pu être testée dans le cadre de cette thèse (Figure 4.2). Les matériaux de stockage testés sont des céramiques structurées mis au point par Saint Gobain après les difficultés rencontrées avec les céramiques en vrac. Ils sont constitués des blocs parallélépipédiques percés pour assurer la circulation d’air. Comme le montre la Figure 4.3, les blocs sont séparés par des entretoises en céramique à chaque niveau dans le sens vertical ainsi que deux feuilles isolantes au centre de la colonne pour maitriser les dilatations thermiques. Compte tenu de la forme des blocs, l’espace les séparant de la paroi de l’enceinte est rempli par des billes en céramique dont les dimensions sont définies de manière à garantir un écoulement uniforme. Le matériau isolant est constitué de briques séparés par des joints dans les directions radiale, tangentielle et verticale. Les dimensions des briques et les caractéristiques des joints ont été déterminées de manière à garantir la stabilité et l’étanchéité du système. Ce point sera largement discuté dans le paragraphe suivant de ce chapitre.Tout autour de la dernière rangée de briques RI30, une feuille de silicone de 10 mm est mise en place pour permettre un bon scellement avec l’anneau de béton coulé. Au sommet et à la base de l’enceinte, l’isolation thermique est assurée avec des matériaux isolants fibreux (Isofrax, laine de verre) ou sous forme de béton réfractaire. La Figure 4.5 donne un plan détaillé de l’intérieur de l’enceinte et la Figure 4.4 montre des photos des différentes étapes de la préparation de l’expérimentation avec un schéma de revêtement utilisant des briques RI30.
Instrumentation mise en œuvre
La maquette d’essais a été instrumentée pour mesurer la pression, le débit et la température à différentes positions. Un système d’acquisition permet le traitement en continu des informations fournies par les capteurs. En tout, 162 thermocouples, disposés sur 4 orientations et 9 niveaux de hauteur, ont été installés dans les blocs de céramique et les briques de l’isolant RI30. La Figure 4.6 donne l’emplacement de ces thermocouples dans l’enceinte, et la Figure 4.7 montre la gestion des câbles et leur acheminement vers la centrale d’acquisition.
Paramètres de l’expérimentation
Définition des sollicitations thermiques
Le chargement appliqué aux parois du revêtement est inspiré des sollicitations envisagées pour les régénérateurs. Le chargement le plus critique en température correspond au régénérateur unique opérant à 8 MPa et associé à 4 cavités LRC (le cycle est défini avec une compression de 5 h et 2 décharges de 2 x 4 h). Le plus grand écart de température se situe à 20 m de profondeur du sommet du TES (Figure 4.8). Le chargement choisi au niveau de la maquette est montré en pointillés dans la Figure 4.9. C’est le même chargement appliqué à une profondeur de 20 m dans le TES mais en éliminant la pause entre les temps 12 heures et 15 heures dans le but de rendre le chargement plus critique. La vitesse avec laquelle la température croit est un facteur très important à étudier. En effet, en montant très vite à partir de la température ambiante, des contraintes de traction peuvent être induites et ainsi endommager les matériaux qui ne supportent pas une telle vitesse. En revanche, une montée très lente est très favorable à la stabilité mais très couteuse en temps. Une optimisation de ce paramètre est donc nécessaire. Ce paramètre a été étudié en tenant compte du critère imposé pour la stabilité des céramiques (vitesse inférieure à 2,5 °C/min) et les résultats des simulations thermomécaniques ont montré qu’une montée pendant 1 jour est la plus optimale. L’historique de température retenu se compose d’une phase d’initialisation comprenant une montée en 1 jour de la température ambiante à la température de 520 °C puis le cycle quotidien. Ce dernier débute par une pause de 3 h, une décharge à la température de 50 °C pendant 8 h, une nouvelle pause de 8 h et enfin une compression à la température maximale de 520 °C pendant 5 h (Figure 4.10). L’essai consiste à répéter ce cycler pendant une quinzaine de journées. En ce qui concerne la pression, il s’agit d’effectuer une montée jusqu’à la valeur maximale de 3 MPa en un jour, puis de maintenir cette pression constante jusqu’à la fin du cyclage. Comme le montre le Tableau 4.1, le programme expérimental envisagé consiste à tester deux schémas de revêtement. Pour chaque schéma, deux conditions de sollicitations sont prévues : un cyclage avec de l’air sec pendant 15 jours et un cyclage avec de l’air humide pendant 10 jours.
Dimensionnement des briques isolantes
La taille d’une brique est un paramètre très dimensionnant : de grandes briques peuvent se rompre par le développement de contraintes thermomécaniques de traction au cœur même du matériau ; en revanche, de petites briques sont très couteuses d’un point de vue économique car cela nécessite la conception d’un moule spécifique avec une fabrication très limitée en nombre. Le paramètre mécanique le plus déterminant dans la définition des dimensions d’une brique face à des sollicitations thermiques est le module d’élasticité, les coefficients de dilatation thermique linéiques des matériaux étudiés sont tous de même ordre de grandeur. Ainsi, Les dimensions de la brique seront d’autant plus petites que le module d’élasticité est élevé. Le travail de dimensionnement a été fait pour les différentes briques envisagées dans les schémas de revêtements : les briques RI30 et RI26 et les briques Y75LCC et MS6. Pour mieux illustrer le principe de calcul, seule la configuration faisant appel à un isolant dense et à forte rigidité est présentée ici (brique MS6 de 20 cm d’épaisseur). Les briques étant séparées par des joints pour permettre la dilatation thermique, le dimensionnement doit aussi définir les caractéristiques de ces joints : épaisseur, rigidité et éventuellement nature du matériau de remplissage. Une modélisation thermomécanique en 3D a été mise en œuvre pour déterminer les dimensions de chaque type de briques isolantes. Le modèle représente un quart d’une brique et comprend 2 plans de symétrie, les joints étant considérés comme des surface libres. La zone modélisée est montrée dans la Figure 4.11. Le chargement thermique appliqué à l’intrados de la brique est celui généré à la paroi du revêtement du prototype. Le chargement appliqué à l’extrados de la brique est déduit d’un calcul thermomécanique 1D sur le prototype avec le second schéma de revêtement envisagé : une première rangée de briques MS6 d’épaisseur 20 cm suivie de deux rangées de briques RI26 de 46 cm, d’un béton réfractaire de 10 cm et enfin de l’enceinte métallique de 3 cm. Ainsi, ces deux sollicitations thermiques sont appliquées comme conditions aux limites sur le quart de brique MS6 modélisé. La Figure 4.12 montre l’historique de ces deux sollicitations. Concernant les autres parois de la brique, elles sont considérées adiabatiques. Cette hypothèse est cohérente car le flux thermique est radial et il n’y a pas de gradients thermiques verticaux et orthoradial importants. La brique MS6 envisagée présentait les dimensions suivantes : une épaisseur radiale de 20 cm, une hauteur de 23 cm et une épaisseur tangentielle de 5,3 cm. La simulation thermomécanique a montré que les contraintes de traction développées dans le sens vertical étaient trop fortes et qu’il était nécessaire de réduire cette dimension (Figure 4.13). L’étude paramétrique effectuée a montré qu’une hauteur de l’ordre de 7,5 cm permettait de réduire l’amplitude de cette contrainte de traction et d’obtenir un facteur de sécurité suffisant par rapport à la résistance du matériau. La Figure 4.14 montre les résultats de la simulation correspondant à cette hauteur, et la Figure 4.15, le détail du second schéma de revêtement avec des briques MS6 dont les dimensions ont été définies à partir de ce dimensionnement et des conditions techniques de fabrication.