Protonthérapie et simulation Monte-Carlo
Présentation de la radiothérapie
Bref historique
Le principe de la radiothérapie est d’irradier les cellules malades du patient, à l’aide d’une énergie contrôlée. Elle est née par hasard le 8 novembre 1895 des travaux de Wilhelm Conrad Roentgen, qui a mis en évidence un nouveau type de rayon invisible (les rayons X) dont les propriétés destructrices envers les cellules biologiques ont par la suite été découvertes dans plusieurs expériences du début du siècle dernier (Baussé, 2011). La destruction des cellules est réalisée en contrôlant l’énergie du faisceau de traitement (actuellement de quelques MeV à plusieurs centaines de MeV), qui a pour effet notoire de rompre la double hélice d’ADN d’une cellule, entraînant sa mort. Bien évidemment, si ces « bombardements » d’énergie peuvent détruire les cellules malades (et dans la plupart des cas cancéreuses), elles sont également dangereuses pour les cellules saines, dont la destruction peut entraîner de graves effets secondaires pour le patient (Baussé ,2011). De ce fait, la radiothérapie est en constante évolution, le but recherché étant d’améliorer la destruction des cellules ciblées, tout en protégeant au mieux les cellules saines. En parallèle de ces améliorations, l’informatique a elle aussi progressé, permettant à la radiothérapie de bénéficier de la puissance de calcul des machines pour réaliser des opérations de plus en plus complexes pour l’être humain (Baussé ,2011). II.1.2. Les hadrons L’étymologie du mot « hadron » est « hadros » qui signifie « fort » en grec. En effet un hadron est un composé de particules subatomiques régi par l’interaction forte. Les protons et les neutrons sont des hadrons, par extension, les noyaux atomiques sont aussi des hadrons car composés de neutrons et de protons (RICOL ,2009). La thérapie utilisant des hadrons pour irradier les tumeurs cancéreuses est appelée hadronthérapie. Elle est indiquée pour des cancers radio-résistants (sur lesquels les rayons utilisés en radiothérapie classique n’ont pas ou peu d’effet) et/ou inopérables car situés trop près d’organes à risques (par exemple la zone du cerveau proche des nerfs optiques). Aux énergies utilisées en hadronthérapie les hadrons déposent de l’énergie dans la matière principalement par interaction électromagnétique. Ils présentent une courbe de perte d’énergie en profondeur caractérisée par un pic en fin de parcours : le pic de Bragg (RICOL ,2009).
De la radiothérapie conventionnelle à l’utilisation d’un faisceau de protons
Peu de temps après leur découverte par W.C. Roentgen en 1895, les rayons X ont été utilisés pour traiter des tissus cancéreux. La première irradiation thérapeutique a été rapportée par le professeur Léopold Freund à Vienne en 1896 et concernait le traitement d’une tumeur cutanée d’une enfant de quatre ans. Deux tendances sont visibles dans le développement historique de la radiothérapie : les résultats cliniques sont améliorés par une meilleure conformation des radiations délivrées au volume cible et par une augmentation de l’efficacité biologique des radiations (Batin ,2008). Afin de dépasser les limites de la décroissance exponentielle de la distribution de dose en profondeur des rayonnements électromagnétiques et de réduire la diffusion latérale du faisceau, plusieurs techniques ont été développées. Le développement des tubes à rayons X, l’utilisation de source de 60Co très intenses et finalement l’invention d’accélérateurs haute tension par Robert Van de Graaff (1932) ont permis d’accroitre la précision dans les traitements en radiothérapie. Puis, afin de s’affranchir le plus possible du profil de dépôt de dose exponentiel décroissant des rayons X ou γ dans la matière, d’autres innovations ont vu le jour. Les technologies utilisées aujourd’hui permettent des irradiations suivant de multiples incidences (CyberKnife) ou avec des intensités variables (IMRT), toujours dans le but de maximiser le rapport entre la dose déposée à la tumeur et celle déposée sur les tissus sains. En parallèle, les avancées technologiques en matière d’accélérateurs de particules ont amené à étudier différents types de radiations et plus précisément les hadrons (Peucelle ,2016). II.2.1. Les avantages physiques des protons
Distribution de la dose en profondeur des photons
Dans la gamme d’énergie utilisée en radiothérapie conventionnelle, les photons génèrent des électrons secondaires lorsqu’ils traversent des matériaux. Ces électrons, à leur tour, produisent de multiples événements d’ionisation et endommagent les cellules, ce qui présente un intérêt pour la radiothérapie. Comme la plupart des dommages sont causés par les électrons secondaires, les photons sont des rayonnements ionisants indirects. De plus en plus d’électrons sont produits jusqu’à ce qu’un équilibre soit atteint, générant une augmentation du dépôt de dose sur les premiers centimètres de matière. Cependant, les photons sont atténués selon une loi exponentielle décrite par Béer et Lambert (Béer, 1852 ; Lambert, 1760). Le coefficient d’atténuation dépend des sections efficaces de diffusion Compton, photoélectrique et de production de paires des photons à l’énergie donnée dans le matériau. Ainsi, après les premiers centimètres, le dépôt de dose diminue de façon exponentielle avec la diminution de la fluence des photons, comme illustré sur la figure (II.1) en rouge. Pour cette raison, la dose la plus élevée n’est pas délivrée sur le site de la tumeur, mais quelques centimètres après l’entrée dans l’objet. De plus, les tissus situés sur le trajet du faisceau après la cible reçoivent également une dose qui ne peut être négligée (Bopp ,2014).
Distribution de la dose en profondeur des protons
L’utilisation des faisceaux de protons en radiothérapie est basée sur l’exploitation des propriétés physiques de la perte d’énergie des protons pénétrant la matière, Les protons sont des particules directement ionisantes et présentent une distribution en profondeur des doses radicalement différente, comme le montre la figure (II.1) en bleu. Les détails des interactions entre les particules chargées et la matière sont déjà détaillés dans la section I, La courbe doseprofondeur des protons est caractérisée par une région de « plateau » à l’entrée et un maximum à la fin de leur plage, appelée pic de Bragg, avec une forte décroissance. L’avantage évident est qu’une grande partie de la dose peut être concentrée dans la cible. Comme la profondeur du pic de Bragg dans un matériau donné dépend de l’énergie initiale des particules, il est possible d’ajuster la profondeur du dépôt de dose maximale pour qu’elle corresponde à la profondeur de la cible. En superposant des faisceaux d’énergies légèrement différentes, un pic de Bragg étalé (SOBP) peut être créé. Cela permet une couverture assez uniforme de la cible en profondeur, tout en délivrant une dose plutôt faible en amont et en aval. Il a été démontré que la dose globale délivrée lors d’un traitement de protonthérapie est inférieure à celle délivrée lors d’un traitement photonique. Cette meilleure conservation des tissus normaux peut réduire considérablement le risque de cancers secondaires (d’un facteur au moins deux, et jusqu’à dix dans certains cas) (Bopp ,2014). La principale différence entre les protons et les ions plus lourds, tels que le carbone, est que ces derniers peuvent subir des processus de fragmentation conduisant à la génération de particules chargées plus secondaires et entraînant une queue vers la distribution de dose après le bord distal du pic de Bragg. Bien que cela se traduise par une distribution de dose moins favorable (Figure II.2) (Bopp ,2014)