Protocoles formation de bicouches planes
Structure des bicouches lipidiques
Les bicouches lipidiques sont constituées de lipides qui sont des molécules amphiphiles possédant une partie hydrophile, la tête polaire, et une partie hydrophobe formée d’une ou plusieurs chaînes carbonées. En solution aqueuse, les parties hydrophobes sont insolubles. La molécule se place de manière à orienter sa partie hydrophile vers le milieu aqueux et de façon à protéger les chaînes hydrophobes de l’eau pour minimiser l’énergie du système. Les lipides que nous utilisons s’arrangent sous forme de bicouches car ils ont une géométrie quasi cylindrique (voir figure 13.1). L’épaisseur de la bicouche varie de 5 à 7nm. L’aire occupée par la tête polaire est de l’ordre de 0.5nm2 .
Lipides utilisés
L-α-PhosphatidylCholine (Egg, Chicken : EggPC). Les phosphatidylcholines sont les constituants majeurs des membranes biologiques. Ces lipides sont formés à partir d’une choline, d’un phosphate, d’un glycérol et de deux acides gras. Ils sont facilement purifiables à partir d’œufs ou de soja. Les lipides extraits ne sont pas homogènes. Ils varient par la longueur de leurs chaînes carbonées (de 14 à 22 carbones) ainsi que par leur degré d’insaturation (de 0 à 4 insaturations par lipide). Le lipide prédominant (≈ 30%) de ce mélange est montré figure 13.1. Ces lipides forment une membrane fluide à température ambiante. Protocoles formation de bicouches planes 132 Protocoles formation de bicouches planes – DiPhytanoyl-PhosphoCholine (synthetic : DPhPC). Nous utilisons surtout les lipides DPhPC (1,2-diphytanoyl-sn-glycero-3-phosphocholine) pour former des bicouches lipidiques planes. Ces lipides ont un double avantage. D’une part, il est possible de les obtenir par synthèse chimique de manière extrêmement pure. D’autre part ils sont entièrement saturés ce qui leur confère une grande résistance à l’oxydation. Les groupements méthyls greffés le long de leur chaîne carbonée (cf figure 13.1) leur permettent de garder une fluidité membranaire à température ambiante [79, 64]. Nous nous fournissons chez Sigma-Aldrich pour les lipides EggPC (ref n˚P3556) et chez Avanti Polar Lipids pour les lipides DPhPC (ref n˚850356P). 5-7nm Têtes polaires Chaînes carbonées Figure 13.1 – Structures chimiques des lipides DPhPC (gauche) et de l’espèce prédominante des EggPC (droite) reproduits du site d’Avanti Polar Lipids. Bas : représentation schématique des lipides ordonnés dans une membrane.
Indications générales pour la manipulation des lipides
Les lipides sont souvent livrés et conservés dans des solvants organiques (hexane, chloroforme). Les micropipettes et les cônes en plastique habituellement utilisés pour les solutions aqueuses ne sont pas adaptés à la manipulation de ces solvants car ils dissolvent le plastique. Voici quelques conseils généraux pour la manipulation de lipides en solvant organique : – Utiliser des micropipettes en verre, comme les pipettes Hamilton. Leurs pointes métalliques résistent aux solvants organiques. – Manipuler avec des gants et sous hôte, car le chloroforme et l’hexane sont des solvants volatiles. – Les pipettes en verre Hamilton doivent être rincées avant et après usage plusieurs fois au chloroforme pour éviter les contaminations.
Fabrication de bicouches peintes (figure 13.2)
Nous utilisons ce protocole pour former des bicouches lipidiques planes dans les expériences de nanopores avec l’α-hémolysine. Le terme approprié pour désigner de telles bicouches est “membrane de lipides noires” (ou BLM pour “Black Lipid Membrane” en anglais). Nous utilisons exclusivement les lipides DPhPC dans ces expériences.
Préparation des aliquots de lipides
Les lipides DPhPC sont resuspendus dans le chloroforme à 8mg/ml. Nous préparons une centaine d’aliquots de 50µL (0.4mg/aliquot) de la solution de lipides dans de petits tubes en verre (6mm de diamètre * 30mm de long). Le chloroforme est évaporé en laissant les tubes sous hôte pendant la nuit. Les aliquots de lipides secs sont bouchés à l’aide de parafilm et conservés au congélateur (-20˚C) quelques mois.
Protocole de fabrication
– Préparation des cellules en Teflon. Nous disposons de plusieurs cellules en Teflon pouvant être fixées sur un microscope (figure 13.2). Un orifice conique de 30µm de diamètre sépare le compartiment cis (haut) du compartiment trans (bas). Avant chaque expérience la cellule est rincée abondamment à l’eau distillée, à l’éthanol, puis séchée sous flux d’air. 1 Pour fermer le compartiment trans, une lamelle de verre est fixée sous la cellule de Teflon à l’aide d’un polymère réticulant en 5 minutes (Kwik-Cast, World Precision Instruments, en vert sur la figure 13.2). – Préparation des lipides. Sortir deux aliquots de lipides du congélateur. Ajouter 100µL d’hexane dans l’un, et 15µL d’hexadécène dans l’autre. Agiter pour bien dissoudre les deux aliquots. – Prétraitement de surface. Afin de former une membrane lipidique stable sur l’orifice de 30µm, il est nécessaire de déposer et sécher des lipides sur le Teflon. L’orifice est rincé à l’hexane pur puis 3µL de la solution de lipides dilués dans l’hexane sont déposés sur l’orifice de la cellule. Ces 3 microlitres sont séchés sous flux d’air pendant 1 minute. Cette opération est répétée trois fois puis la cellule est mise à sécher sous flux d’air pendant 20 minutes afin d’enlever le maximum d’hexane. – Remplissage de la cellule de Teflon. La solution tampon est ajoutée dans le compartiment trans de la cellule. Lorsque la solution déborde dans le compartiment cis, ce compartiment est rempli. – Ajout des électrodes. Deux électrodes d’argent Ag/AgCl (WPI) sont connectées à chaque compartiment et à l’amplificateur (Axon Axopatch 200B). Le courant observé est très grand ou saturé puisque les deux compartiments sont en contact électrique. – Fabrication de la BLM par “bullage”. Le bout d’une pointe de pipette est trempé dans l’aliquot de lipides + hexadécène. L’excès de solution est enlevé en essuyant la pointe sur un Kimwipe. A l’aide de cette pointe, une bulle d’air est déposée sur l’orifice central de la chambre. Plusieurs bulles et plusieurs pointes sont souvent nécessaires avant d’obtenir une bicouche. Le courant électrique se bloque lorsqu’une bicouche est formée (résistance supérieure à 10GΩ). L’observation au microscope permet de confirmer la présence de la bicouche : souvent, un bourrelet de lipides est visible autour de la membrane (voir figure 13.2).