Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques

CANADA – PROTECTION CONFÉRÉE PAR UN BREVET POUR LES PRODUITS PHARMACEUTIQUES

 ARGUMENTS DES PARTIES

Les sections désignées plus loin par les lettres A à F se suivent logiquement en ce sens qu’elles représentent l’élaboration des arguments tels qu’ils ont été présentés par les parties, et font donc aussi apparaître les divergences entre les visions propres à chaque partie des questions considérées.

  Communautés européennes et leurs États membres

   ARTICLE 55.2 2) ET 55.2 3) DE LA LOI SUR LES BREVETS PRIS CONJOINTEMENT AVEC LE RÈGLEMENT SUR LA PRODUCTION ET L’EMMAGASINAGE DE MÉDICAMENTS BREVETÉS

 Articles 28:1 et 33 de l’Accord sur les ADPIC

4.2       Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir qu’en autorisant la fabrication et le stockage de produits pharmaceutiques au cours des six mois qui précèdent immédiatement l’expiration de la durée de validité de 20 ans du brevet en vertu des dispositions de l’article 55.2 2) et 55.2.3) de la Loi sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l’emmagasinage de médicaments brevetés[1], le Canada a manqué à ses obligations au titre des articles 28:1 et 33 de l’Accord sur les ADPIC.[2]  Les CE ont fait état des points suivants à l’appui de leur argumentation:

            –          La législation canadienne a autorisé tous les actes visés à l’article 28:1 a) de l’Accord sur les ADPIC, pour les brevets de produit, et à l’article 28:1 b) de l’Accord, pour les brevets de procédé, à la seule exception de l’acte consistant à les vendre à un distributeur ou à un consommateur sans le consentement du titulaire du brevet à compter d’une date antérieure de six mois à l’expiration de la durée de 20 ans de celui‑ci.  En d’autres termes, le Canada n’assurait que pendant 19 ans et six mois la protection minimale conférée par un brevet tel que l’imposaient les articles 28:1 et 33 de l’Accord sur les ADPIC.

            –          Dans la pratique, cela signifiait qu’il était permis à n’importe qui au Canada d’accomplir les actes consistant à fabriquer, construire et utiliser l’invention au cours des six derniers mois de la durée du brevet sans l’autorisation du détenteur de celui-ci.  Cette possibilité était, au Canada, automatiquement offerte à tous, c’est-à-dire qu’il n’était pas nécessaire de demander une autorisation particulière à une autorité canadienne et d’obtenir à terme son accord.  Cette faculté ne comportait absolument aucune limitation du point de vue de l’ampleur et du volume de l’utilisation, aucune redevance d’aucune sorte ne devait être versée au détenteur du brevet et ce dernier n’avait non plus aucun droit d’être informé de cette exploitation non autorisée de son invention.  Ce refus de protection concernait les brevets de produit comme de procédé.

            –          À la connaissance des Communautés européennes et de leurs États membres, le Canada était le seul pays au monde – industrialisé ou en développement – qui autorisait la fabrication et le stockage de produits couverts par un brevet pendant la durée de celui‑ci.  Le Canada lui-même reconnaissait qu’au moins aux États-Unis et dans les États membres des Communautés européennes, une telle possibilité n’existait pas.

Article 27:1 de l’Accord sur les ADPIC

4.3       Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir qu’en accordant aux détenteurs de brevet dans le domaine des inventions pharmaceutiques un traitement moins favorable que celui qu’il applique aux inventions dans tous les autres domaines technologiques, le Canada a manqué à ses obligations au titre de l’article 27:1 de l’Accord sur les ADPIC.[4]  Les CE ont fait état des points suivants à l’appui de leur argumentation:

            –          La législation canadienne en matière de brevets, qui, dans la pratique, au titre de l’article 55.2 2) et 55.2.3) pris conjointement avec le Règlement sur la production et l’emmagasinage de médicaments brevetés, ne prévoyait une protection des brevets que pendant 19 ans et demi, s’appliquait exclusivement aux brevets de produit ou de procédé concernant des inventions dans le domaine des produits pharmaceutiques.  Au cours du processus législatif, d’autres domaines technologiques n’ont même pas été pris en considération et aucun projet de texte visant à étendre la portée de ces dispositions à d’autres domaines technologiques ou à la totalité d’entre eux n’était, d’après les renseignements dont disposaient les Communautés européennes et leurs États membres, actuellement en instance devant le législateur canadien.  Dans ce contexte, il était également intéressant de noter que, considéré isolément, l’article 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets était une disposition non exécutoire et n’avait d’effets juridiques que par le biais de la promulgation du Règlement sur la production et l’emmagasinage de médicaments brevetés.  Ce Règlement était expressément limité aux « médicaments brevetés » et ne pouvait s’appliquer à aucun autre produit.

            –          La législation canadienne introduisait donc une discrimination à l’encontre des inventions pharmaceutiques en les traitant moins favorablement que les inventions dans tous les autres domaines technologiques et le Canada manquait par conséquent à ses obligations au titre de l’article 27:1 de l’Accord sur les ADPIC.

  1. Un brevet conférera à son titulaire les droits exclusifs suivants:
  2. a) dans les cas où l’objet du brevet est un produit, empêcher des tiers agissant sans son consentement d’accomplir les actes ci‑après: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins ce produit;
  3. b) dans les cas où l’objet du brevet est un procédé, empêcher des tiers agissant sans son consentement d’accomplir l’acte consistant à utiliser le procédé et les actes ci‑après: utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins, au moins le produit obtenu directement par ce procédé. »
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Article 28:1 de l’Accord sur les ADPIC

4.4       Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir que l’article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets autorisait toutes les activités en rapport avec la préparation et la production du dossier d’information nécessaire pour obtenir l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques par un tiers sans le consentement du détenteur du brevet, à tout moment, pendant la durée du brevet, nonobstant les droits exclusifs énoncés à l’article 28:1 de l’Accord sur les ADPIC.[1]  Ces activités étaient complètement illimitées en quantité et en ampleur et comportaient les actes consistant à offrir à la vente et à vendre, au moins dans la mesure où un fabricant du produit ou du procédé breveté pouvait faire valoir ce droit, à la seule condition que l’acheteur final du produit ait l’intention d’utiliser celui‑ci « […] dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information qu’oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente d’un produit ».[2]  L’article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets devait donc être considéré comme incompatible avec les dispositions de l’article 28:1 a) et b) de l’Accord sur les ADPIC.  Les CE ont fait état des points suivants à l’appui de leur argumentation:

            –          Les activités admissibles au titre de l’article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets n’étaient pas limitées dans le temps.  En d’autres termes, elles pouvaient être accomplies pendant la durée de validité de 20 ans du brevet, à tout moment, sans le consentement du détenteur des droits.

            –          L’article 55.2 1) de la Loi sur les brevets privait les titulaires de brevet de tous les droits qui leur étaient accordés, c’est‑à‑dire le droit de fabriquer, de construire, d’utiliser (y compris d’importer)[3] et de vendre et ne stipulait aucune limite quantitative pour ces activités.  La seule limite énoncée par la loi avait trait à l’objectif de ces activités, puisqu’elles devaient se justifier « … dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information » à fournir pour obtenir l’approbation de la commercialisation où que ce soit dans le monde.

            –          Les conditions à remplir pour obtenir l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques dans les pays industrialisés étaient similaires et principalement axées sur trois critères:  l’innocuité, la qualité et l’efficacité du produit.  La documentation exigée par les administrations nationales compétentes en matière de médicaments devait donc contenir des renseignements sur la composition, la fabrication, le contrôle de la qualité et la stabilité du produit.  Il fallait aussi, au Canada, apporter la preuve de la viabilité d’une série de production complète et il pouvait être nécessaire de procéder à des essais complets par lot[4], ce qui passait par la fabrication de quantités importantes du produit protégé par un brevet.  Les renseignements à fournir sur les essais non cliniques avaient trait aux effets pharmacologiques du produit en relation avec l’utilisation proposée sur les êtres humains et à ses effets toxicologiques sur l’organisme et sur différents organes.  Les données relatives aux essais cliniques qui devaient être rassemblées constituaient de loin la partie la plus importante des activités en rapport avec l’approbation de la commercialisation en termes de temps, de ressources et de coûts.  Ces activités comportaient généralement trois phases:  essais d’administration de petites doses à un petit nombre de patients (phase I), utilisation du produit dans des études comparatives de vaste portée menées sur un grand nombre de patients, pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers pour certaines indications (phases II et III).

            –          Il était également intéressant de noter que l’article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets n’autorisait pas seulement l’accomplissement de toutes les activités qui y étaient énoncées par quelqu’un qui avait lui-même l’intention d’utiliser les substances pour préparer sa demande d’approbation de la commercialisation, mais autorisait toute personne à mener des activités telles que la fabrication, l’importation et la vente, à la seule condition que leurs résultats soient destinés en fin de compte à être utilisés par quelqu’un d’autre pour la demande d’approbation de la commercialisation qu’il adresserait à une autorité compétente dans n’importe quel pays du monde.  Il importait à cet égard de comprendre que, si les sociétés pharmaceutiques spécialisées dans la recherche produisaient généralement elles-mêmes les ingrédients pharmaceutiques actifs, de nombreux producteurs de copies (génériques) – petits et moyens producteurs – achetaient les ingrédients actifs à des fabricants indépendants opérant dans leur pays ou à l’étranger.  En effet, la production des ingrédients actifs constituait fréquemment une activité à forte intensité de capital et une fois que les équipements étaient en place et fonctionnaient, d’énormes quantités pouvaient être fabriquées par un personnel très réduit en peu de temps.

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