Propulseur à courant de Hall double étage à source RF inductive
Instabilités dans les plasmas partiellement magnétisés
La relative simplicité de développement des propulseurs à courant de Hall classiques cache en réalité une grande quantité d’instabilités plasma que leurs inventeurs ne devaient pas soupçonner. En effet, de nombreuses instabilités ont été observées pour des fréquences variant de 1 kHz à 60 MHz . Des études ont montré que la mobilité des électrons à travers la barrière magnétique tend à être anormalement élevée comparée à celle prédite par les théories de diffusion classique dite collisionnelle. Ceci est en particulier valable dans les régions proches du plan de sortie et dans la plume. De fait, on distingue différentes catégories d’instabilités, observées à la fois expérimentalement et au travers de modélisations, pouvant expliquer cette plus grande mobilité des électrons : – Des oscillations axiales basses fréquences (1 – 30 kHz) appelées « Breathing mode », engendrées par la déplétion périodique du front de neutres dans le canal. – Des instabilités se propageant dans la direction azimutale de l’ordre du kHz, appelées « rotating spokes » Des instabilités de gaine causées par d’intenses émissions d’électrons secondaires par les parois – Des oscillations temporelles de transit des ions dans la direction axiale (100-500 kHz) – Des oscillations du courant de Hall électronique à haute fréquence dans la direction azimutale (1-10 MHz), appelées E × B Electron Drift Instabilities, � × � EDI [22]. Les propulseurs à courant de Hall sont donc le siège de nombreuses instabilités pouvant affecter leurs performances. Dans ce manuscrit, nous nous intéresserons uniquement aux oscillations et instabilités basses fréquences entre 1 kHz et 100kHz. Ceci comprend les instabilités de Breathing mode et les Rotating spokes présentées ci-dessous. Dans les propulseurs à courant de Hall, la littérature autour des oscillations basses fréquences s’avère fournie depuis plus de 50 ans. Une des instabilités les plus communes est celle qui fut identifiée dans les années 1970 par les chercheurs russes. Cette instabilité se présente comme une oscillation du courant circulant dans le plasma entre l’anode et la cathode et dont la fréquence (relativement régulière, entre 1 kHz et 30 kHz) dépend des conditions opératoires, notamment du débit d’ergol, de la tension appliquée ou encore de l’intensité du champ magnétique. a ) b ) Figure 7 : Exemple d’oscillations du courant de décharge en fonction du temps a) et en fonction de la fréquence b). Débit d’ergol, 9 sccm. Tension anode-cathode,
Intensité du champ au centre de la barrière magnétique, Initialement appelée « loop » ou « circuit oscillation », ces oscillations ont par la suite pu être expliquées à l’aide d’un modèle numérique 1D proposé par Boeuf et Garrigues [12]. Ce modèle a permis de constater que les variations périodiques du courant de décharge sont associées à une déplétion périodique des neutres entre le plan de sortie et la région d’ionisation, tel que présenté sur la Figure 8. Figure 8 : Contours de la densité de neutres et de la densité plasma en fonction du temps et de l’espace en présence d’instabilités de Breathing mode dans un propulseur à courant de Hall classique, de type SPT-100 [12]. La variation de densité de neutres en amont du plan de sortie est causée par des températures électroniques et des taux d’ionisation élevés au niveau de la barrière magnétique. Ceci implique une déplétion de la densité d’atomes et le recul du front de neutres, en amont de la barrière, là où le champ électrique (température électronique et taux d’ionisation) est plus faible. Du fait de l’ionisation, la densité de neutres décroit drastiquement, tout comme la densité d’ions qui, après leur création, sont rapidement accélérés et extraits du canal par le champ électrique. La décroissance du courant d’électron (émis par la cathode) qui en découle, conduit à une diminution du taux d’ionisation des neutres. Il faut alors attendre que les neutres remplissent le canal pour déclencher à nouveau le processus d’ionisation. De par cette oscillation axiale du front de neutres, cette instabilité est aussi appelée « Breathing mode ». Ce processus d’ionisation est donc fortement corrélé à la vitesse des neutres et au temps qu’il leur est nécessaire pour remplir le canal accélérateur. On peut ainsi relier, en première approximation, la fréquence des oscillations à la vitesse des neutres au travers de l’expression = où est la longueur d’ionisation et est définie comme étant la distance entre le front d’ionisation (considéré abrupt) et le plan de sortie. Par ailleurs, une autre instabilité peut coexister au même moment dans ces propulseurs. L’instabilité de Breathing mode peut être indépendante, mais suivant les conditions expérimentales, elle peut aussi être couplée à une seconde instabilité dans la direction azimutale, aussi appelée « Rotating Spokes ». Chapitre I. Les premières investigations autour des instabilités azimutales ont été menées sur les propulseurs à courant de Hall par Janes et Lowder en 1966 . À l’aide de sondes électrostatiques placées dans le canal, ils ont pu mettre en évidence des fluctuations périodiques de la densité électronique et du potentiel plasma dans la direction azimutale. En raison de la présence de ces instabilités locales de fortes amplitudes et de l’inhomogénéité azimutale qui en découle, les Rotating Spokes ont été (en partie) associés au transport anormal d’électrons à travers le champ magnétique. L’origine de la formation de ces instabilités a en premier lieu été attribuée à un processus électrothermique telle que l’ionisation, mais les mécanismes à leur origine n’ont pas pu être clairement identifiés . Néanmoins, le mécanisme proposé semble indiquer l’existence d’une onde d’ionisation dans laquelle le champ azimutal à l’avant de l’instabilité fournit une énergie suffisante pour ioniser les neutres et propager la perturbation dans la direction azimutale. Selon Janes et Lowder, cette onde d’ionisation se propagerait à la vitesse critique d’ionisation (Critical Ionization Velocity, CIV) . Une autre hypothèse à l’origine de la formation de ces instabilités serait le résultat d’effets collectifs associés à une instabilité de Simon-Hoh sans collision (Collisionless Simon-Hoh Instability, CSHI) . La séparation de charges, du fait de la différence entre la vitesse de dérive des électrons et celle des ions non magnétisés (et non soumis à la dérive), génèrerait un champ électrique azimutal. Ainsi, si le champ électrique axial en amont de la barrière et les gradients de densité sont dans le même sens, le champ électrique azimutal augmentera l’intensité des perturbations et de la densité plasma, entrainant la croissance d’instabilités locales. En présence d’instabilités azimutales, d’autres conséquences ont pu être constatées, notamment la décroissance de l’efficacité du propulseur, associée à une augmentation du courant d’électrons en amont de la barrière . Depuis les années 2010, la technologie a permis de visualiser ces instabilités à l’aide de caméras rapides (sur la Figure 9) et de coupler ces observations à des diagnostics électriques.
CHAPITRE I. INTRODUCTION |