Lorsque l’on dépose une goutte de liquide sur une surface solide parfaitement lisse et horizontale du point de vue chimique, cette goutte adopte à l’équilibre une forme particulière (habituellement une calotte sphérique) définie par un angle de contact θ qui caractérise les interactions entre le liquide et le solide .
Précisément, l’équation de Young ne peut s’appliquer que dans le cas des surfaces parfaitement lisses, sans porosité ni rugosité et totalement homogènes. Généralement, on définit la mouillabilité d’un matériau en considérant l’angle de contact qu’a ce matériau avec une goutte d’eau. Lorsque cet angle est supérieur à 90°, la surface est hydrophobe et lorsqu’il est inférieur à 90°, la surface est hydrophile. On voit donc l’eau s’étaler sur une surface hydrophile et conserver une forme beaucoup plus sphérique sur une surface hydrophobe. Au-delà de 150°, la surface est dite superhydrophobe.
Superhydrophobicité
La reproduction des propriétés superhydrophobes sur des matériaux requiert l’étude des systèmes déjà présents dans la nature, qui développent de telles propriétés.
Les surfaces superhydrophobes dans la nature
Une surface est dite superhydrophobe lorsqu’elle est très difficile à mouiller, c’est le cas de la feuille de lotus . Cet aspect est aussi nommé l’effet lotus [30]. L’analyse de la surface de cette feuille au microscope électronique à balayage (MEB) a montré qu’elle présente une rugosité hiérarchique à la fois microscopique et nanoscopique. Par ailleurs, la surface de la feuille de lotus est formée de papilles de quelques microns sur lesquelles reposent des cristaux de cire . Cette couche de cire est hydrophobe, ce qui confère à la surface de la feuille de lotus des capacités autonettoyantes : L’eau ne touche que le haut des papilles, donc peu de solide et beaucoup d’air, ce qui permet à la goutte d’être ultra-mobile. C’est donc cette texture couverte d’une chimie hydrophobe qui confère à la feuille de lotus cette propriété remarquable qu’on appelle la superhydrophobicité.
De nombreuses plantes ont cette propriété d’être superhydrophobes [30]: Barthlott et Neinhuis ont classé environ 200 plantes, dont le Gingko biloba, le Magnolia et l’Eucalyptus. Certains animaux et insectes possèdent également cette propriété [33]. C’est le cas pour les plumes d’un canard ou les ailes et les pattes de certains insectes comme le Gerris .
Modèles de surfaces superhydrophobes
D’après la littérature, on trouve deux modèles permettant de décrire l’influence de la morphologie des surfaces texturées sur le mouillage: le modèle de Wenzel [34] qui considère une surface rugueuse imprégnée par le liquide, et le modèle de Cassie-Baxter [35] qui modélise le mouillage d’un substrat rugueux lorsque le liquide n’envahit pas la rugosité.
Modèle de Wenzel
Dans le modèle du mouillage développé par Wenzel, la goutte est déposée sur une surface chimiquement homogène et rugueuse et le liquide formé envahit complètement les vides de la surface . Pour une telle surface, on note r la rugosité, rapport de la surface réelle du matériau sur sa surface apparente (r > 1). On en déduit que l’angle apparent θ∗ de la goutte s’écrit, en fonction de l’angle de Young θ (Équation II.2) [34],
cos θ∗ = r cos θ Équation II.2
Modèle de Cassie-Baxter
Le modèle de Cassie-Baxter, dans sa forme générale, considère le mouillage statique d’une goutte liquide qui repose sur une surface lisse hétérogène . Cette approche peut être appliquée aux cas des surfaces hydrophobes rugueuses non envahies par le liquide. Dans cet état, appelé état « fakir », le liquide repose sur un substrat composite formé par des sommets de la rugosité et par des poches de gaz piégées.
cos θ∗ = φs cos θ − (1 − φs) Équation II.3
L’équation II.3 indique que la présence de gaz piégé permet à l’angle de contact apparent de se rapprocher de la valeur limite 180°, ce qui n’est pas réalisable en pratique, si la fraction du solide en contact φ𝑠 tend vers 0. En outre, ce modèle indique que la limite du mouillage nul (θ = 180°) ne peut être atteinte, puisqu’il faudrait pour cela que le liquide repose sur une fraction solide nulle.
L’hystérésis de l’angle de contact
Un angle de contact supérieur à 150° n’est pas le seul critère permettant de qualifier les surfaces superhydrophobes. Ces surfaces démontrent aussi une faible hystérésis de l’angle de contact (HAC) [36]. Ce dernier nous permet de comprendre le comportement d’une goutte d’eau vis-à-vis d’une surface en mouvement. C’est-à dire de savoir si la goutte va s’accrocher ou glisser sur la surface. Pour cela, on mesure l’angle d’avancée et de reculée .
On note HAC la différence entre l’angle d’avancée (θa) et l’angle de reculée (θr) (Équation II.4). Plus l’hystérésis de l’angle de contact est grande, plus l’accrochage des gouttes est important. À l’opposé, plus il est petite, plus la goutte glisse facilement sur la surface. L’importance de l’hystérésis de l’angle de contact est souvent attribuée aux surfaces chimiquement et morphologiquement hétérogènes et aussi à la présence d’une rugosité [37].
HAC = θa – θr Équation II.4
Les surfaces superhydrophobes possèdent un large champ d’applications dans divers domaines. L’application la plus courante est celle des surfaces autonettoyantes [38-40]. Cette propriété permet l’élimination de poussières et autres saletés des surfaces .
Les surfaces superhydrophobes sont souvent utilisées dans le domaine biomédical [42-45], empêchant les contaminants de se propager sur les surfaces. De plus, ces surfaces peuvent servir comme des agents anticorrosifs [46-48]. Aussi, ils sont applicables afin de protéger différentes structures et équipements de la neige ou le givre qui y adhèrent [49-53].
CHAPITRE I INTRODUCTION |