Propriétés radiatives des atomes de Rydberg dans une cavité résonnante
PROPRIETES RADIATIVES DES ETATS DE RYDBERG DANS L’ESPACE LIBRE
Nous nous proposons, dans cette partie, d’évoquer brièvement les propriétés radiatives des atomes de Rydberg dans l’espace libre. Nous analyserons en particulier les conséquences de leur très fort couplage à la partie radiofréquence et microonde du spectre électromagnétique qui en fait des outils bien adaptés à l’étude d’effets fondamentaux du couplage matièrerayonnement- à une échelle quelque peu inhabituelle. Nous ne saurions bien entendu présenter ici une revue complète des propriétés des états de Rydberg, qu’on pourra trouver dans les références (36) et (37); nous nous limiterons à celles qui seront utiles dans la suite de ce mémoire. Dans le premier paragraphe (§ I-A), nous rappellerons donc quelques ordres de grandeur relatifs aux états de Rydberg et à leur couplage avec le vide de rayonnement dans l’espace libre (c’est-à-dire en l’absence de cavité microonde). Nous décrirons très brièvement, dans le paragraphe IB, quelques expériences où l’émission spontanée des atomes de Rydberg a pu être mise en evidence. Les effets, trés importants à température ambiante, du rayonnement thermique sur les atomes de Rydberg seront décrits dans le paragraphe I-C. Nous analyserons, dans le § I D, les propriétés radiatives collectives d’un ensemble de N atomes de Rydberg (amplification transitoire du rayonnement thermique et des fluctuations d’émission spontanée, ou superradiance). Enfin, dans le paragraphe I E, nous nous tournerons vers des expériences de spectroscopie dans lesquelles les atomes de Rydberg interagissent avec un champ cohérent. A) Transitions dipolaires electriques entre les etats de Rydberg des alcalins : quelques ordres de grandeur. Les états de Rydberg couramment étudiés au laboratoire ont des nombres quantiques principaux n de l’ordre de 10 à 100. Ceux qui ont pu être détectés dans l’espace interstellaire par radioastronomie millimétrique ou centimétrique (38) (39) correspondent à des valeurs encore plus élevées 7 de n (de l’ordre de quelques centaines). Dans une image classique, l’électron excité dans de tels niveaux se trouve la plupart du temps loin du « coeur » constitué du noyau et des électrons restants (distance moyenne de l’ordre de n2a0 – a0 est le rayon de Bohr). En première approximation, on peut donc considérer que le coeur se comporte comme une charge positive ponctuelle, c’est-à-dire que le spectre des niveaux de Rydberg est identique à celui de l’hydrogène (l’énergie du niveau n est -R|n 2 où R est la constante de Rydberg tenant compte de la masse réduite du système coeur-électron). En fait,des effets liés à la taille finie du coeur modifient quelque peu ce résultat : pour des états de faible moment angulaire ~ (~~1), représentés dans une image classique par des orbites elliptiques trés excentriques, l’électron passe périodiquement à l’intérieur du coeur où il est soumis à un potentiel trés différent de celui d’une charge ponctuelle. Cet effet de pénétration du coeur est en revanche négligeable pour des états de fort moment angulaire (~ ~n), représentés en termes classiques par des orbites quasicirculaires. Ces niveaux sont donc peu déplacés par rapport au spectre hydrogénoide, la seule perturbation agissant sur eux étant liée à la polarisabilité électrique du coeur. On peut rendre compte trés simplement de ces effets au moyen de paramètres appelés défauts quantiques (40) :l’énergie En~ du niveau de moment angulaire ~ peut s’écrire 03B5 ~ est un nombre, au plus de l’ordre de l’unité, qui ne dépend pratiquement que du moment angulaire ~ (et bien sûr de l’espèce atomique considérée).Les effets de pénétration étant beaucoup plus importants que les effets de polarisation, 03B5 ~ est une fonction rapidement décroissante de ~ et s’annule pratiquement pour ~ > 4. On peut aussi décrire 03B5 ~ comme le déphasage de la fonction d’onde de l’électron de Rydberg continuellement diffusée par le coeur. En fait, malgré la modification du spectre décrite par l’équation I-1 et la modification des fonctions d’onde due à la taille finie du coeur, les propriétés radiatives de tous les alcalins sont trés voisines de celles de l’hydrogène et les ordres de grandeur des paramètres de transition peuvent être estimés à l’aide du modèle hydrogénoïde. 8 L’énergie de liaison typique d’un état |n, ~ > est donc -R/n 2, c’est-à-dire de l’ordre de -10THz (en unités de fréquence) pour n ~ 30. Les transitions entre niveaux voisins correspondent à des différences d’énergie de l’ordre de -R/n 3 , c’est-à-dire à des fréquences de l’ordre de 100 GHz pour n ~30. Les éléments de matrice dipolaires sur de telles transitions microondes sont proportionnels à l’extension de la fonction d’onde de ces états (a0 n2), c’est-à-dire de l’ordre de qa0n2(q charge de l’électron). Pour n ~30, ils sont donc environ trois ordres de grandeur plus grands que les éléments de matrice dipolaire entre états « ordinaires », de faibles nombres quantiques principaux. Il existe bien sur des expressions analytiques exactes des éléments de matrice dipolaires pour l’Hydrogène (41). Pour les alcalins, on doit tenir compte du déphasage des fonctions d’onde décrit par le défaut quantique. L’élément de matrice dipolaire réduit entre les niveaux n,~ et n’,~’ peut en fait s’écrire : si n ~ n’ >> 1. g(n* – n’*) est une fonction sans dimension, universelle (elle ne dépend pas de l’espèce atomique) de n* – n’*(n*= n -03B5 ~, n’* = n’*- 03B5 ~’ sont souvent appelés « nombres quantiques effectifs » des niveaux n ~ et n’~’). Cette fonction a été calculée et tabulée (42) et une expression analytique, simple mais approchée, a été obtenue récemment (43). g(n*- n’*) vaut 1 pour n* = n*’, et subit ensuite, en fonction de n* – n’* des oscillations d’amplitude rapidement décroissante autour de O. En raison d’interférences totalement destructives entre les fonctions d’onde déphasées des niveaux n~ et n’~’, g s’annule de façon quasi-périodique (première annulation pour n* – n’*~ 1.25). L’expression I-2 n’est valide que pour n – n’ « n. Elle permet donc de décrire le couplage résonnant des atomes de Rydberg à la partie millimétrique du spectre de rayonnement qui sera plus particulièrement étudié dans ce mémoire. Il est aussi possible d’obtenir des expressions des éléments de matrice dipolaires couplant un niveau n~ soit à un niveau beaucoup plus excité (n’ » n) ou même à un niveau du continuum, soit à un niveau 9 beaucoup plus profond (n’ ~ 1 << n )(37. En particulier, les éléments de matrice dipolaires vers les niveaux profonds,qui sont, comme nous le verrons, essentiels pour estimer la durée de vie radiative totale d’un niveau de Rydberg, sont de l’ordre de n-3/2 a0 . Ce résultat a une interprétation physique trés simple : la fonction d’onde du niveau n’~’ est confinée , si n’ ~ 1, à une région de l’espace trés petite devant l’extension de la fonction d’onde d’un état de Rydberg. L’élément de matrice dipolaire entre ces deux états est donc essentiellement proportionnel à la fonction d’onde du niveau n~ au voisinage de l’origine qui varie comme n-3/2 . Par exemple, pour n ~ 30, ces éléments de matrice sont de l’ordre de 10-2 unités atomiques. Cette relativement faible valeur explique que les atomes de Rydberg ne peuvent être excités efficacement à partir de niveaux profonds qu’au prix d’une irradiation lumineuse intense. Les éléments de matrice dipolaires sont simplement reliés aux taux partiels d’émission spontanée sur les transitions correspondantes par : où 03C9 Il~ n’~’ est la pulsation de la transition du niveau n ~au niveau n’~’. Pour une transition entre niveaux de Rydberg voisins (n~ n’), si la fonction g est de l’ordre de l’unité, d2 n~n’~’ varie comme n4 · 03C9 3n~,n’~’ varie lui comme n-9 . 0393 n~~ n’~’ est donc sensiblement proportionnel à n -5. Pour n~ 30, 0393 n~~ n’~’ est en général de l’ordre de 100 s . La valeur absolue de ce taux d’émission spontanée est relativement faible (durée de vie équivalente de l’ordre de 10ms ). Elle est toutefois beaucoup plus élevée que pour des transitions microondes de fréquence voisine (~ 100 GHz) entre niveaux atomicuesou moléculaires profonds. 0393 est en effet dans ce cas de l’ordre de 10-3 à 10-4 s-1 . Pour une transition entre un niveau de Rydberg n~ et un niveau profond (n’ ~ 1), d2n~,n’~’ varie comme n-3 , alors que 03C9 n~ n’~’ est pratiquement constant (les différences d’énergie entre niveaux de Rydberg sont tout à fait négligeables devant les énergies de transitions optiques). 0393 n~n’~’ est donc proportionnel à n-3 et vaut de l’ordre de 105 s-1 pour n ~30. 10 Le taux d’émission spontanée total à partir d’un niveau de Rydberg n~ s’obtient en sommant les taux de transitions partiels sur toutes les transitions autorisées vers des niveaux plus profonds.
Observation des processus d’émission spontanee entre états de Rydberg
Les processus d’émission spontanée dans les niveaux de Rydberg ont été fréquemment observés, tant au laboratoire qu’en radioastronomie. Dans certains milieux interstellaires (régions HII par exemple), la recombinaison radiative électron-ion suivie d’une cascade d’émission spontanée avec émission de photons radiofréquence est un processus courant qui a été détecté dans un grand nombre d’observations (38) (39). Les transitions détectées correspondent principalement à des transitions avec n – n’ = 0394n = 1 ou 2, pour des valeurs de n comprises entre 70 et 350 environ, c’est-à-dire à des 12 fréquences de l’ordre de 1 à 100 GHz. Ces signaux sont d’un grand intérêt en astrophysique. Ils fournissent en effet un moyen de diagnostic fin des conditions physiques dans le milieu interstellaire (température des électrons,……). Au laboratoire, les taux d’émission spontanée à partir d’états de Rydberg préparés par excitation laser d’un jet atomique ou d’une vapeur alcaline ont également été mesurés. La détection de la décroissance de la population du niveau initialement peuplé peut s’effectuer à partir de la lumière de fluorescence émise lors de la desexcitation. On peut aussi, en ionisant les atomes avec un champ électrique pulsé et en détectant les ions ou les électrons produits, compter, en fonction du temps, le nombre d’atomes restant dans le niveau initial. Cette méthode d’ionisation par champ, beaucoup plus sensible et mieux adaptée aux états de Rydberg que la première, sera décrite plus en détail dans le paragraphe II-D . Dans de telles expériences, on obtient le taux de décroissance total de la population du niveau initialement préparé. On n’obtient la durée de vie radiative que si les processus de transfert autres que l’émission spontanée peuvent être rendus négligeables (transferts collisionnels ou induits par le rayonnement thermique….). En fait , les taux d’émission spontanée furent souvent obtenus en extrapolant -à pression ou à température nulles par exemple- les résultats d’expériences destinées à mesurer ces autres processus de transfert (45) (Le rôle des transferts thermiques sera étudié plus en détail dans le prochain paragraphe). Les valeurs obtenues pour les taux d’émission spontanée dans ces diverses expériences sont, en général, en très bon accord avec les prédictions théoriques.
INTRODUCTION |