Propriétés physiques des nanoparticules des ferrites de cobalt

Etudes de propriétés catalytiques

Nous étudions dans cette partie les propriétés catalytiques des nanopoudres à base de ferrite de cobalt. Nous nous intéressons à l’étude de la conversion du méthane en dioxyde de carbone en présence des ferrites de cobalt. Divers paramètres tels que la taille des grains, leur composition chimique et les surfaces exposées jouent un rôle très important sur la cinétique de la catalyse et sur l’efficacité du catalyseur.

Etude des propriétés catalytiques de CoxFe3-xO4 sous CH4

Les spectres IRTF obtenus à partir du dispositif expérimental décrit dans le chapitre II, nous permettent d’étudier et d’analyser la réponse catalytique des nanopoudres de ferrite de cobalt.
La réaction d’oxydation de CH4 sur les catalyseurs à base de ferrite de cobalt (CoxFe3-xO4) peut s’écrire comme suit :
Nous avons suivi la cinétique de la réaction d’oxydation du CH4 au cours du temps pour différentes températures de fonctionnement du catalyseur (T= 400°C, 450°C, 500°C), en se basant sur le pic à 2350cm-1 caractéristique de dioxyde de carbone (CO2). Nous avons utilisé le logiciel Winfirst pour convertir les spectres de transmittance en spectres d’absorbance, ainsi que pour déterminer l’intensité des pics d’absorbance.
Ensuite, nous avons tracé l’évolution des intensités normalisées du pic de CO2 (l’intensité normalisée représente le rapport entre l’intensité mesurée et l’intensité maximale obtenue à la conversion totale en CO2).
Nous avons suivi la variation de la quantité de CO2 produite au cours du temps à l’aide des mesures d’absorbance sur le pic correspondant (nombre d’onde =2350cm-1) (Figure IV-1-1)

Détermination de température de travail

Afin de déterminer la température de travail de catalyse, nous avons étudié l’évolution de la quantité de CO2 produite lors de la réaction catalytique en fonction de la température. Nous avons fixé la masse de catalyseur (0.13g) et la concentration du méthane 2500ppm, la température varie entre 300°C et 500°C avec un pas de 50°C. La figure IV-1-2 montre cette évolution.
D’après les courbes obtenues, nous constatons que la réaction d’oxydation de méthane (CH4) est un phénomène thermiquement activé.
Les mesures ATD-TG (voir III.2.3) montrent que la décarbonatation des poudres démarre à 300°C et se termine vers 400°C (lors d’une montée en température de 10°/min). On peut estimer que lors des expériences de catalyse, cette décarbonatation a eu lieu lors des deux paliers à 300°C et 350°C (paliers d’une heure). L’intensité normalisée à 350°C reste faible quelque soit l’échantillon. Ceci peut s’expliquer par le début d’activation des sites actifs du catalyseur. Une augmentation rapide de l’intensité est observée à une température égale à 450°C, la quantité de CO2 atteint son maximum à T=500°C, c’est le maximum de l’efficacité catalytique du catalyseur.
Nous pouvons donc constater que pour l’oxydation de CH4 une température supérieure à 400°C semble être nécessaire à la réaction, pour les ferrites de cobalt. Nous déduisons aussi que la quantité en cobalt (x) n’a aucune influence sur cette température et que l’intensité normalisée est plus importante pour la composition x=1.8.

Etude cinétique de la réaction d’oxydation de méthane (CH4) sur les nanopoudres CoxFe3-xO4

L’évolution de la quantité de CO2 produite en fonction du temps avec différents catalyseurs et différentes concentrations de CH4 est représentée sur la figure IV-1-3. Nous constatons d’après les courbes représentant l’intensité normalisée en fonction du temps, à différentes températures et différentes concentrations de CH4 que la réaction de conversion commence après un temps donné et toutes les courbes présentent la même allure en général.
Nous remarquons que les courbes présentent deux parties :
La première partie montre l’étape d’activation du catalyseur qui se traduit par une augmentation rapide du taux de conversion du méthane. Cela peut être dû à l’augmentation du nombre de molécules de CH4 adsorbées sur le catalyseur. La deuxième partie correspond à un taux de conversion constant (atteint l’équilibre), cela peut être attribué au maximum de sites actifs réagissant avec CH4.

Efficacité catalytique

Il est bien connu que la taille des particules est un paramètre important en catalyse ; plus les particules sont petites, plus la surface spécifique est importante ce qui permet d’améliorer la réaction de catalyse. L’efficacité catalytique augmente avec la quantité de surface spécifique, la nature des sites actifs où se trouvent les cations et le type de défauts à la surface [1,3]. Les résultats des tests catalytiques en fonction du temps pour tous les échantillons, pour toutes les températures et les concentrations de CH4 donnés (Figure IV-1-4), montrent clairement que le niveau de saturation de l’efficacité catalytique est maximal pour l’échantillon x =1.8. Cet échantillon est caractérisé par la plus petite taille des particules parmi tous les échantillons synthétisés et une forme irrégulière ce qui peut être lié à une plus grande surface spécifique.
Les échantillons x=0.6 et x=1 ont une efficacité catalytique comparable, et ces échantillons ont même taille des particules et même forme. Par contre, aux fortes concentrations de CH4, on remarque une efficacité catalytique légèrement plus importante pour x=0.6, qui correspond à une ferrite de cobalt non stœchiométrique comparée à x=1.
Récemment une relation entre la taille des particules et l’activité catalytique a été mise en évidence dans le cas des nanoparticules de ferrite de cobalt CoFe2O4 [4]. Ainsi, pour une seule composition x=1, Evans et al. [4] ont montré qu’une augmentation de la taille des particules provoque un abaissement du taux de conversion à une température donnée. A une variation de la taille des particules entre 6 et 8 nm correspond une variation de taux de conversion d’environ 10 à 15%. Or nous avons observé une variation de taux de conversion d’environ 20 à 25% entre les différents échantillons, cela prouve que ce n’est pas que l’effet de la taille qui affecte sur le taux de conversion. En comparant le taux de conversion pour les échantillons x=0.6 et x=1, il s’avère que les sites vacants et la distribution des cations dans les sites octaédriques et tétraédriques jouent un rôle dans la réaction catalytique. En effet, les nanoparticules de ferrites de cobalt des échantillons x=0.6 et x=1 ont presque la même taille et la même forme, mais différent dans leur composition. x=1 correspond à une composition stœchiométrique ou les particules ont moins des sites vacants.

Cinétique de catalyse

Les courbes expérimentales ont été affinées par plusieurs courbes sigmoïdales. La fonction de Boltzmann est celle qui décrit le mieux les courbes expérimentales (Figure. IV-1-5). ∆t est l’intervalle de temps entre le début de la réaction et letemps au bout duquel 50% du maximum de taux de conversion est atteint, t0 est le temps de début de réaction.
Nous avons déterminé les valeurs de ∆t pour tous les échantillons. Nous constatons que quelque soit la température et la concentration de CH4, les valeurs de ∆t sont indépendantes de la composition des nanopoudres. Plus précisément, ∆t est indépendant de x à basse température et à concentration moyenne de CH4, mais il diminue avec la température pour une concentration élevée en CH4 (tableau IV-1-1). Cela indique un changement dans les mécanismes qui régissent la réaction pour les basses et hautes concentrations de CH4. Ce phénomène était prévu dans le cas du mécanisme de Langmuir-Hinshelwood [5]. Ce mécanisme a été démontré dans le cas des oxydes mixtes, mais est plus souvent associé à des catalyseurs métalliques [6]

Etudes de propriétés électriques

Dans le cas de matériaux nanocristallins, les mesures électriques en courant alternatif apportent des informations sur les mécanismes de conduction des grains, mais aussi des zones inter grains, qui  peuvent avoir des comportements différents.

Diagrammes de Nyquist et modélisation

L’évolution de la conductivité des poudres pastillées a été suivie par spectrométrie d’impédance électrique (SIE) en fonction de la température, de 100 à 900°C, sous air. Nous avons systématiquement effectué les mesures en effectuant 4 cycles de montée-descente entempérature, afin de vérifier la reproductibilité des mesures. Les trois premiers cycles de mesures ont été réalisés entre l’ambiante et 500°C, et le dernier cycle entre l’ambiante et 900°C.
Les résultats expérimentaux sont représentés sous forme de diagrammes d’impédance dans le plan complexe (diagrammes de Nyquist, figure IV-2-1). Nous avons observé deux types de diagramme de Nyquist suivant les domaines de température : ¾ un diagramme de Nyquist constitué d’un unique demi-cercle, décalé par rapport à l’origine des axes. Le domaine de température s’étend de l’ambiante jusqu’à une température T1 qui diminue avec la concentration de cobalt dans les échantillons. T1 = 500°C pour x=0.6 ; T1 = 450°C x = 1 et x = 1,2 ; T1 =350C pour x = 1,8. (exemple : figure IV-2-1a, diagrammes obtenus de 250 à 400°C pour la composition x = 1,2).
Dans le plan d’impédance complexe, un demi-cercle peut s’interpréter à l’aide d’un circuit équivalent comprenant une résistance et une capacité en parallèle. Un diagramme « classique » d’une poudre consistera en deux demi-cercles, l’un aux basses fréquences, l’autre aux hautes fréquences. Le demi-cercle obtenu aux basses fréquences est attribué aux zones intergranulaires, alors que le demi-cercle aux hautes fréquences est attribué aux grains eux-mêmes. L’existence d’un seul demi-cercle aux basses fréquences indique que l’effet capacitif des grains est négligeable ; les grains, conducteurs, seront donc modélisés par une résistance seule R1. Cela indique aussi que l’on mesure essentiellement l’effet des joints de grains, ou zones intergranulaires, sur la résistivité.
Lorsque le demi cercle est bien centré sur l’axe des Z’ (voir chapitre II), la capacité associée est constante (idéale). On observe dans la Figure IV-2-1a que l’arc de cercle est légèrement penché par rapport à l’axe des Z’ : Pour tenir compte de cet effet, on utilisera dans la modélisation une capacité à angle de phase constant (CPE) dont l’impédance est décrite par la relation :  la pulsation, Q le pré facteur de la CPE et n l’exposant de la CPE, compris entre 1 (capacité idéale) et 0 (résistance idéale) [9]. Les zones intergranulaires sont donc modélisées par une résistance R2 en parallèle avec une capacité à phase constante CPE. Les diagrammes à basses températures, figure IV-2-1a ont donc été modélisés à l’aide du circuit électrique équivalent de la figure IV-2-2a. Dans le cas des diagrammes de la figure IV-2-1b, la valeur réelle de l’impédance se modélise à l’aide d’une résistance R du matériau, et la valeur imaginaire (positive) est due à l’inductance des fils de mesure. Les diagrammes de la figure IV-2-1b sont donc modélisés à l’aide du circuit électrique équivalent de la figure IV-2-2b.

Evolution de la conductivité avec la température

De manière générale, sur un domaine de température plus ou moins étendu, on peut toujours représenter l’évolution en température de la conductivité par une loi d’Arrhénius telle que :
Avec Ea qui correspond à l’énergie d’activation et k la constante de Boltzmann. C’est pourquoi on représente l’évolution en température de la conductivité sous la forme Lnσ = f (1/T) ou logσ = f (1000 /T) . La dépendance en température du facteur préexponentiel dépend des modèles de conduction. Lorsque le facteur pré-exponentiel ne dépend pas de la température ou que sa variation est négligeable sur le domaine de température considéré, on obtient une droite dont la pente donne Ea.
Plusieurs cycles de montée et descente en température ont été effectuées. La figure IV.2.4 représente la variation du logarithme de la conductivité lors des trois premiers cycles en température, de l’ambiante à 773 K, pour les différents échantillons.
La première montée en température n’est pas à prendre en compte. En effet, celle-ci permet simplement de se débarrasser des éventuelles traces d’hydratation, voire de carbonates, mais aussi d’assurer un meilleur contact entre électrodes et échantillon. C’est pourquoi elle n’est pas représentée.
Pour les 4 compositions, on constate une variation linéaire de logσ = f (1000 /T), sur le domaine de température considéré. Pour x=1, x=1,2, x=1,8 les premiers cycles sont reproductibles. Par contre, pour la composition x=0,6, on constate une évolution de la conductivité, à la fois une augmentation des valeurs de conductivité et une diminution de la pente (donc de l’énergie d’activation). Ceci indique une transformation de phase avant 773 K pour cette composition.

Discussion

La discussion des résultats porte sur l’énergie d’activation, principalement reliée à la nature des porteurs de charges dans le réseau, et sur les valeurs de conductivité, qui peuvent être reliées aux concentrations des porteurs de charge et à leur mobilité [13]. La nature des cations dans les nanopoudres de ferrites de cobalt, ainsi que leur répartition sur les sites tétraédriques et octaédriques gouvernent en partie les propriétés physiques de ces matériaux. Malheureusement, l’étude par spectroscopie de perte d’énergie des électrons pour déterminer la nature des cations, ainsi que l’étude de l’intensité relative de certains pics de diffraction de rayons X, révélatrice de la répartition cationique sur les sites cristallographiques, a démarré trop tardivement pour être intégré dans ce manuscrit.

Energies d’activation

Dans les ferrites, la conduction dans le volume s’opère par sauts de polarons [14-16], avec des énergies d’activation supérieures à 0,4 eV [17]. Dans des poudres microniques de ferrites de cobalt, des valeurs plus élevées, de l’ordre de 0,6 eV ont été mesurées [18]. Il y a clairement un effet de taille de grains sur les valeurs d’énergie d’activation de la conduction intergranulaires. Les énergies d’activation obtenues dans cette étude sur les nanopoudres de CoxFe3-xO4 sont encore plus élevées. De telles valeurs supérieures à 0,7 eV ont déjà été obtenues pour des ferrites nanostructurées [19].
En ce qui concerne la nature des porteurs de charges, dans les ferrites de cobalt, il s’agit de façon générale des cations Co2+, Co3+, Fe2+ et Fe3+ . Suivant les méthodes de préparation, la répartition de ces cations sur les différents sites cristallographiques peut changer. Or, les porteurs de charges impliqués dans la conduction dans les spinelles sont situés sur les sites octaédriques. En effet, dans la structure spinelle, les distances séparant deux sites octaédriques sont plus faibles que celles séparant deux sites tétraédriques ou deux sites de nature différents (voir chapitre I). Historiquement, les règles empiriques de Verwey [20], indiquent que les paires de porteurs ne peuvent être constituées que de cations d’un même élément, situés sur le même type de site cristallographique et dont le degré d’oxydation diffère au plus d’une unité.
Depuis, des travaux ont montré que les paires pouvaient aussi être composées de cations d’éléments différents [21]. Les travaux de Wu et al. [22] précisent que les énergies d’activation de sauts d’électrons entre atomes de nature différente sont plus grandes que celle entre atomes de même nature.
Des études EELS ont montré que les poudres que nous avons élaborées étaient constituées de Co 2+ et de Fe 3+ [23]. Les valeurs d’énergie d’activation élevées obtenues pourraient donc être le signe d’une conduction entre paires Co2+ Fe3+. Les valeurs obtenues dans le cas des poudres x=0.6 et x=1.8, non stoechiométriques, s’expliqueraient par des défauts comme des lacunes sur les sites octaédriques qui rendraient la conduction plus difficile pour ces composés.

Conductivité

Les valeurs de conductivité obtenues dans cette étude sont plus faibles que celles mesurées sur des poudres microniques frittées [18], mais comparables à celles mesurées sur des nanopoudres de ferrites [24]. Les paramètres qui gouvernent les valeurs de conductivités dans le cas de la conduction par saut de polarons, sont la concentration de porteurs de charge, la distance entre sites accepteurs et donneurs, ainsi que la probabilité de saut [25]. Si l’on considère la variation maximale du paramètre de maille avec la composition, le rapport ∆a/a n’excède pas 0,2% (voir chapitre III). La distance entre les sites octaédriques est donc la même pour les différentes compositions. Nous pouvons donc considérer que les différences de conductivité entre échantillon sont dues à leur composition et à leur distribution cationique. De nombreux auteurs [26-27], suggèrent que la conductivité à température ambiante des ferrites est proportionnelle au nombre de paires cationiques dans les sites octaédriques. Appliqué aux valeurs de conductivité obtenues, cela reviendrait à dire que le nombre de paires [Co2+ Fe3+] sur les sites octaédriques est le plus important pour x=1.2, et décroît légèrement pour x=1 et 1.8.
A haute température, le comportement électrique des poudres est très différent ; il y a eu transformation pendant la dernière montée en température jusqu’à 900°C. Afin de pouvoir interpréter les résultats SIE à haute température, les poudres étudiées ont été caractérisées par microscopie électronique en transmission et par diffraction de rayons X .

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