Utilisation des nanomatériaux sous forme de poudre
Les nanopoudres peuvent être utilisées de deux manières: sous forme de nanoparticules ou pour l’élaboration des matériaux. Les nanoparticules peuvent, par exemple, être incorporées dans des vernis ou des peintures (pour modifier leurs propriétés optiques, leur dureté, etc.), dans des produits cosmétiques (pour en modifier les propriétés optiques comme dans les crèmes solaires filtrant les UV), dans des matrices organiques ou minérales pour créer de nouveaux dispositifs électro-optiques ou magnétiques, ou utilisées comme catalyseur. Les nanoparticules peuvent servir de matière première pour la fabrication de matériaux massifs ou de revêtements aux propriétés nouvelles en vue d’applications très variées. Tout un travail de mise en forme est alors nécessaire pour passer des nanoparticules aux nanomatériaux.
Classification des nanomatériaux
La structure des nanomatériaux peut être considérée comme formée de deux parties: un noyau cristallin avec structure donnée et une partie extérieure formée par l’interface (zone avec des lacunes, des défauts, etc.) [Gleiter 1989, Suryanarayana 1995, Lu 1996, Tjiong et al. 2004]. Le comportement des amas de nanoparticules résulte de l’interaction de ces deux types de structures. Le noyau préserve des propriétés spécifiques pour les matériaux massifs qui sont transmises seulement à courte distance.
Généralement, les nanoparticules sont monodomaines. Par l’intermédiaire des interfaces, certaines interactions telle que l’interaction d’échange dans les particules magnétiques sont transmises aux grains voisins qui deviennent plus ou moins corrélés dans leur comportement. Macroscopiquement, on mesure une réponse (comportement) collective de ces matériaux avec des grains orientés aléatoirement. Selon leurs dimensions, il est possible de classer les nanomatériaux en quatre classes : 0 dimension : clusters d’atomes ; 1 dimension : structures de fil, nano fil de carbone ; 2 dimensions : couches minces superposées ; 3 dimensions : particules nanocristallines.
Mécanisme d’amorphisation
Les transformations induites par broyage mécanique sont connues dans le domaine des matériaux métalliques et intermétalliques. Diverses études ont porté sur l’amorphisation des matériaux métalliques purs comme le germanium ou le silinium [deLima et al. 2001] et des alliages tels que, par exemple, les binaires FeNb [El-Eskandarany et al. 1999] et NiNb [Koch et al. 1983]. Le mécanisme d’amorphisation par broyage mécanique n’est pas encore bien compris. Plusieurs théories ont été élaborées pour rendre compte des transformations induites par des sollicitations mécaniques dont: l’effet Gibbs-Thomson, le critère de Lindemann généralisé et la théorie de Fecht. A ces théories, basées sur l’équilibre thermodynamique, s’ajoute la théorie de Martin et Bellon qui suggère que les matériaux broyés se trouvent dans des états dynamiques stationnaires hors équilibre. Une autre théorie, souvent invoquée pour expliquer l’amorphisation des composés par broyage, stipule que l’amorphisation se produit suite à l’élévation locale de la température lors des chocs ou des frottements de la substance broyée contre les parois des jarres. Les températures atteintes seraient supérieures à la température de fusion du composé broyé et causeraient l’amorphisation de la substance par une suite de fusions locales suivies de trempes rapides. Cependant, les mesures de températures effectuées lors du broyage indiquent des valeurs de températures en dessous de la température de fusion des particules ce qui signifie que l’amorphisation, lors du broyage, n’est pas purement un processus mécanique. En effet, la déstructuration de la phase cristalline provient d’une accumulation de défauts
structuraux tels que les dislocations, les lacunes, les joints de grains, etc. La diminution progressive de la taille des grains, l’augmentation de la région interfaciale et l’expansion du paramètre de maille contribuent à l’augmentation de l’énergie libre du système. Eckert et al. ont montré que l’énergie emmagasinée pendant le broyage peut atteindre 50% de l’enthalpie totale [Eckert et al. 1992]. Ces défauts élèvent l’énergie libre du système à un niveau supérieur à celui de la phase amorphe. Par conséquent, la formation de la phase amorphe devient possible.
Microstructure magnétique des nanomatériaux
La microstructure magnétique des matériaux nanocristallins semble être différente de celle des matériaux conventionnels. Gleiter a proposé que chaque cristallite dans le fer nanocristallin représente un monodomaine ferromagnétique [Gleiter 1989]. En effet, les grains ayant une taille supérieure à une certaine taille critique exhibent une structure multi-domaines. Par contre, les grains ayant une taille inférieure à la taille critique résultent en une structure monodomaine. La taille critique d’un monodomaine mgnétique a été estimée par Kittel, en 1946, qui a montré que les couches minces, les fibres et les particules peuvent avoir des monodomaines [Kittel 1946]. Les calculs de la taille critique basés sur des considérations energétiques pour le Ni, estiment la formation des monodomaines en dessous d’une taille de grains de 40 nm [Jiles 1991]. Wagner et al. ont étudié la microstructure magnétique du fer pur nanocristallin. Pour une taille des grains de 7 nm, ils ont trouvé que le matériau est constitué de grains ferromagnétiques séparés par une composante interfaciale non-magnétique ou faiblement magnétique de proportion égale à 40% environ [Wagner et al.1992].
Interactions parois magnétiques – défauts structuraux
Les interactions parois magnétiques-défauts contrôlent les propriétés d’hystérésis, de dynamique de retournement d’aimantation et la géométrie des domaines magnétiques.
Les matériaux magnétiques réels sont souvent complexes alliant une grande densité à une grande diversité de défauts. Les défauts piégeants peuvent être aussi variés que la microstructure le permet et éventuellement coexister au sein du même matériau. Wong et al. [Wong et al. 1997] ont observé, par microscopie de Lorentz, le piégeage de parois sur quatre différents types de défauts dans des aimants permanents massifs Sm (Co, Fe, Cu, Zr). De manière générale, les différents types de défauts peuvent être classés selon leur dimensionalité.
Défauts 1D : Le défaut unidimensionnel qui est susceptible de piéger une paroi est la dislocation. L’origine du phénomène de piégeage est difficile à déterminer. La dislocation peut modifier localement les valeurs de l’aimantation ou de l’anisotropie, interagir avec la paroi grâce au phénomène de magnétostriction, attirer autour d’elle un nuage de défauts ponctuels (nuage de Cottrell), etc.
Défauts 2D : Ces défauts qui ont la même dimensionnalité que la paroi sont capables de la piéger efficacement. Dans cette catégorie de défauts se rangent les joints de grains (cas fréquent dans les aciers et dans les aimants permanents) [Hadjipanayis et al. 1985], les plans de maclage ou les parois d’antiphases. Un exemple de ce type d’ancrage est donné par Ristau et al. [Ristau et al. 1999], qui ont étudié la forte coercivité de couches minces (10 nm) de CoPt et de FePt déposées par pulvérisation cathodique sur du Si. Des recuits ont permis d’obtenir des couches plus ou moins ordonnées chimiquement. En observant la microstructure de leurs échantillons, par microscopie électronique à transmission, et en procédant à des mesures des cycles d’hystérésis, ils ont montré que les parois d’antiphase présentes dans la phase ordonnée et les interfaces entre régions chimiquement ordonnées et désordonnées constituent des sites de piégeage pour les parois magnétiques.
Défauts 3D : Ce sont les précipités et les inclusions qui sont plus fréquents dans les microstructures complexes des matériaux massifs. L’étude faite par Mishra et al. est un bon exemple d’observation de corrélation entre coercivité et microstructure [Mishra et al. 1986]. Elle a été réalisée par microscopie de Lorentz sur des alliages massifs Nd-Fe-B et a montré que le piégeage de parois est lié à la présence d’une phase intergranulaire. Prados et al. ont étudié la microstructure et le comportement magnétique de couches minces d’alliages de terres rares de type Sm (Co,Ni,Cu) [Prados et al. 1999]. Les couches ont été déposées par pulvérisation cathodique puis recuites dans différentes conditions afin d’obtenir des microstructures variées. La coercivité a été contrôlée sur une large gamme de valeurs (jusqu’à 4T). Il a été montré que le retournement des couches ne pouvait être analysé comme celui de particules indépendantes, et que la coercivité était probablement liée à un mécanisme d’ancrage des parois magnétiques sur des précipités de SmCo à forte anisotropie magnétique.
Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Synthèse bibliographique
I.1. Les nanomatériaux
I.1.1. Utilisation des nanomatériaux sous forme de poudre
I.1.2. Classification des nanomatériaux
I.1.3. Synthèse des nanomatériaux
I.2. Le broyage mécanique
I.2.1.Formation des phases par broyage
I.2.2. Mécanisme d’amorphisation
I.2.3. Paramètres influençant le produit final
I.3. Magnétisme à l’échelle nanométrique
I.3.1. Microstructure magnétique des nanomatériaux
I.3.2. Notion de taille critique
I.3.3. Processus d’aimantation
I.3.4. Interactions parois magnétiques – défauts structuraux
I.3.5. Théories du champ coercitif
I.3.5.1. Modèle d’anisotropie aléatoire
I.4. Propriétés magnétiques des matériaux nanocomposites
I.4.1. Les matériaux nanocomposites
I.4.2. Matériaux nanocomposites à partir d’un précurseur amorphe
I.4.3. Couplage magnétique dans les nanocomposites
I.4.3.1. Effet de la matrice
I.4.3.2. Effet de la température
I.4.3.3. Effet de la composition chimique
I.4.3.4. Effet de la taille des particules
I.5. Couplage d’échange entre métaux de transition
I.6. Conclusion
Bibliographie
Chapitre II : Procédure expérimentale
II.1. Préparation des échantillons
II.1.1. Broyeur utilisé
II.1.2.Conditions d’élaboration
II. 2. Caractérisation des poudres
II.2.1. Diffraction des rayons X
II.2.1.1. Affinement des diffractogrammes X (Méthode de Rietveld)
II.2.2. Microscope électronique à balayage
II.2.3. Analyse calorimétrique différentielle
II.2.4. Mesures magnétiques
II.2.5. Spectrométrie Mössbauer
II.2.5.1. Description de l’effet Mössbauer
II.2.5.2. Paramètres hyperfins
II.2.5.3. Enregistrement et ajustement des spectres Mössbauer
Bibliographie
Chapitre III : Etude morphologique & microstructurale
III.1. Etude morphologique
III.2 Analyse par diffraction des rayons X
III.2.1. Paramètres cristallins
III.2.2. Paramètres microstructuraux
III.3. Cinétique d’amorphisation à l’état solide
III.4.Conclusion
Bibliographie
Chapitre IV : Etude hyperfine & magnétique
IV.1. Etude hyperfine
IV.1.1. Introduction
IV.1.2. Spectres Mössbauer
IV.1.3. Modèles d’ajustement des spectres Mössbauer
IV.1.4. Paramètres hyperfins moyens
IV.1.4.1.Champ hyperfin moyen
IV.1.4.2. Déplacement isomérique moyen
IV.1.5. Cinétique de transformation magnétique
IV.2. Etude magnétique
IV.2.1.Mesures magnétiques statiques
IV.2.2. Courbes d’hystérésis
IV.2.3. Champ coercitif
IV.2.4. Aimantation rémanente
IV.2.5. Aimantation à saturation
IV.2. 6. Aimantation rémanente réduite
IV.2.7. Constante d’anisotropie magnétique
IV.3.Conclusion
Bibliographie
Chapitre V : Etude thermique
V.1.Introduction
V.2.Mesures magnétiques
V.2.1.Mesures sous champ
V.2.2.Mesures sans champ
V.3.Traitement thermique
V.4.Analyse calorimétrique différentielle
V.4.1. Température de Curie – amorphe
V.4.2. Température de transition vitreuse
V.5.Conclusion
Bibliographie
Conclusion générale