Propriétés magnétiques des lacunes dans les SC II-VI
Etat de l’art
Les propriétés des semi-conducteurs dont notamment les propriétés optiques et de croissance dépendent de manière cruciale de la présence d’impuretés intrinsèques. L’étude des défauts intrinsèques dans les II-VI a déjà une longue histoire. Les lacunes de cations ont été identifiées par résonance paramagnétique électronique (RPE) dans leur état de charge -1 correspondant à un spin S = 1/2 pour ZnO [109], ZnS [110, 111], ZnSe [110, 112], CdS [113] et CdTe [114]. Un spectre RPE supplémentaire n’a été observé que pour le composé ZnO [109] correspondant à à l’état de spin S = 1 de la lacune de zinc neutre. Ce n’est notamment pas le cas de ZnSe qui est pourtant le composé le plus étudié et le mieux connu [115]. Il semble donc que l’état triplet de la lacune de zinc est propre au ZnO. De nombreuses études théoriques basées sur la théorie de la densité fonctionnelle, ont déterminé les énergies de formation et les concentrations des défauts intrinsèques dans ZnO, ZnSe. Il a été montré que les lacunes de zinc et d’oxygène étaient les défauts dominants dans ZnO [104, 105], alors qu’elles sont en concentration non-négligeable (≈ 109 cm−3 ) par rapport aux autres défauts intrinsèques pour ZnSe [107]. L’effet de la présence des lacunes sur l’échange entre impuretés magnétiques (Mn et Co) a été étudié [87, 88, 89, 108]. L’échange entre Co pourrait ainsi devenir ferromagnétique en présence de lacunes d’oxygène positivement chargées 1+ [87] alors que la présence de lacunes de zinc permettrait de stabiliser l’état ferromagnétique [88, 89, 108]. Certaines études théoriques du ferromagnétisme induit par les lacunes de cation dans d’autres composés isolants (CaO [118, 119], HfO2 et ZrO2 [120, 121]) ont tenté de clarifier le report parfois controversé de ferromagnétisme à température ambiante induit par les lacunes dans HfO2 [122, 123], TiO2 et In2O3. Dans les semi-conducteurs II-VI, malgré l’énorme littérature existante au sujet des défauts intrinsèques, très peu d’études ont été conduites sur les propriétés magnétiques des lacunes dans les II-VI, mis à part quelques allusions [87, 88]. On se propose donc de réaliser l’étude systématique de l’état magnétique autour des lacunes dans les composés II-VI à base de zinc en comparant nos résultats aux données expérimentales existantes.
Etude ab initio
Description de la méthode
Grâce au code FPLO [18, 125], nous avons calculé l’état fondamental d’une lacune isolée dans les SC II-VI par la méthode des supercellules avec l’approximation de la densité locale polarisée en spin (paramétrisation de Perdew-Wang [14]). Nous avons utilisé 4 types de supercellules A, B, C et D. Les supercellules A, B, C sont de type zinc blende et sont de la forme Zn4B VI 3 , Zn3B VI 4 et Zn31B VI 32 89 (BVI = O, S, Se, Te) respectivement : les supercellules A et B correspondent à une lacune d’anion et de cation en concentration x = 25 % respectivement et la supercellule C au cas très dilué d’une lacune de cation en concentration x = 3.125 %. Cela permet l’étude de la tendance chimique de l’état magnétique des lacunes dans les II-VI. La supercellule D permet de déterminer l’état fondamental de la lacune de zinc dans ZnO de structure wurtzite et est de la forme Zn7O8 en concentration x = 12.5 %. Nous avons utilisé les constantes de réseau expérimentales [132, 133, 134]. La constante de réseau du ZnO zinc blende a été obtenue en égalant le volume de la maille élémentaire zinc blende au volume de la maille élémentaire du ZnO wurtzite expérimental [134]. Nous avons testé la convergence par rapport au nombre de points k dans la zone de Brillouin : une grille de 8x8x8 points k a été suffisante pour la supercellule Zn31B VI 32 . Les calculs pour les supercellules Zn3B VI 4 et Zn4B VI 3 ont été réalisés avec une grille de points k 12x12x12. Les calculs sur la lacune d’anion donnent des résultats non-magnétiques, ce qui est conforme au calcul analytique présenté ci-dessous. On s’intéresse maintenant au cas de la lacune de cation uniquement. Nous limitons l’étude de la relaxation du réseau autour de la lacune aux seuls premiers voisins. Tous les autres atomes de la supercellule sont fixés à leurs positions idéales. Nous effectuerons le calcul de la relaxation avec la LDA (nous avons vérifié que les valeurs obtenues par la LSDA sont identiques). L’étude des propriétés magnétiques est réalisée par la LSDA. Ces propriétés dépendent crucialement du choix de la base qui est présenté dans ce qui suit.
Choix de la base
Pour décrire précisément l’état fondamental magnétique des lacunes, on compare les résultats LSDA aux solutions à moment de spin fixé (FSM : fixed spin moment). On obtient des résultats contradictoires en utilisant la base n˚1 (tableau 6.1). Le désaccord le plus marqué entre les solutions LSDA et FSM avec la base n˚1 est obtenu pour la supercellule Zn31S32. Le calcul LSDA donne un spin total de 1.89 µB tandis que les calculs FSM placent le minimum d’énergie pour un moment de spin total autour de 1.4 µB avec une différence d’énergie ∆E = ELSDA−EF SM = 7.6 meV. L’ajout des états 4d du zinc, des états (n+1)d de l’anion de nombre quantique principal n et d’une sphère vide (empty sphere E) sur le site de la lacune est nécessaire pour corriger ce défaut (Base n˚2). La relaxation dépend aussi beaucoup du choix de la base. Les courbes de relaxation obtenues avec différentes bases pour la supercellule Zn3O4 (figure 6.1), montrent que la base n˚2 permet d’obtenir la convergence vis-à-vis de la relaxation. Avec la base n˚1, les valeurs de relaxation sont 8.80, 5.12, 11.32, 8.08 % pour les supercellules Zn3O4, Zn3S4, Zn3Se4, Zn3Te4 et 12.8, 10.62, 11.59, 9.12 % pour Zn31O32, Zn31S32, Zn31Se32, Zn31Te32 respectivement. Les résultats de relaxation obtenus avec la base n˚2 sont présentés sur le tableau 6.2. La tendance chimique observée est en accord avec la baisse d’ionicité dans la série des SC II-VI. Les valeurs de relaxation calculées pour ZnSe et ZnTe sont conformes aux résultats présents dans la littérature [126, 127]). Dans la suite, tous les calculs seront effectués avec la base n˚2.
Résultats
L’étude de la stabilité de l’état magnétique induit par une lacune neutre isolée dans les SC II-VI est réalisée en comparant les résultats LDA et LSDA (tableau 6.3). La différence d’énergie totale entre les calculs LDA et LSDA ∆E = ELDA − ELSDA diminue dans la série. L’effet de la relaxation diminue encore cette différence qui devient presque nulle pour ZnS, ZnSe et ZnTe vis-àvis de la précision du calcul estimée comme étant comprise entre 1 et 2 meV. Ainsi, l’état magnétique S = 1 est stable pour ZnO avec une différence d’énergie d’environ 70 meV. Cet état magnétique devient de moins en moins stable dans la série car quasi-dégénéré avec l’état non magnétique. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus par calcul analytique décrit dans le paragraphe suivant.
Structure électronique
La figure 6.2 montre le diagramme de densité d’états de la supercellule Zn31O32. On remarque que les niveaux induits par la lacune sont principalement formés par les niveaux 2sp des oxygènes premiers voisins de la lacune. On observe un résultat semi-métallique qui est un artefact de la LSDA puisqu’à température nulle une lacune neutre correspond à un état isolant. On note que l’état de la lacune est quasiment séparé de la bande de valence ce qui se traduit par la localisation des trous sur le site de la lacune. Cette localisation a été vérifiée en tra¸cant l’aimantation dans l’espace réel. Dans ce qui suit, on va construire un modèle de cluster moléculaire traduisant cette localisation qui va inclure les orbitales sp3 des anions pour décrire l’état magnétique des lacunes de cation et vice-versa.
Calcul analytique
Pour obtenir une idée plus précise sur l’état fondamental des lacunes isolées dans les SC II-VI et la tendance chimique dans la série, on réalise un calcul analytique basé sur la théorie des groupes.
Modèle du cluster moléculaire
Fig. 6.3 – Modèle du cluster moléculaire de la lacune isolée, les ions premiers voisins et la lacune sont représentés par des boules rouges et un cercle noir respectivement, les orbitales moléculaires sp3 ψi sont représentées en vert. Considérons l’environnement tétraédrique formé par les quatre anions premiers voisins à une lacune isolée de cation. On obtient un cluster moléculaire A4 (figure 6.3) o`u A est un anion dans le cas d’une lacune de cation ou un cation dans le cas d’une lacune d’anion. Pour chaque anion (respectivement cation), on prend comme fonctions de base les orbitales moléculaires sp3 qui pointent vers le site de la lacune. On obtient donc quatre fonctions de base pour les quatre sites d’anions qui s’expriment en fonction des orbitales atomiques s, px, py, pz sous la forme [128] : ψ1(r) = 1 2 (s(r − R1) + px(r − R1) + py(r − R1) − pz(r − R1)) ψ2(r) = 1 2 (s(r − R2) − px(r − R2) + py(r − R2) + pz(r − R2)) ψ3(r) = 1 2 (s(r − R3) − px(r − R3) − py(r − R3) − pz(r − R3)) ψ4(r) = 1 2 (s(r − R4) + px(r − R4) − py(r − R4) + pz(r − R4)) L’Hamiltonien décrivant le système peut s’écrire sous la forme : H = X i Hi + HInt . (6.1) 94 L’Hamiltonien à une particule Hi contient le terme d’énergie cinétique et l’énergie potentielle de l’électron i dans le champ créé par les 4 ions environnants : Hi = − 1 2 ∂ 2 ∂r 2 i − X k Zke 2 |ri − Rk| . (6.2) Le terme d’interaction HInt contient l’interaction coulombienne entre particules : HInt = X i,j 1 2 e 2 |ri − rj | , (6.3) o`u ri et rj sont respectivement les coordonnées des électrons i et j (i,j=1,2) et Rk (k = 1, 2, 3, 4) la coordonnée de l’ion k de numéro atomique Zk. On prend ici les unités atomiques telles que ~ = me = e = 4πε0 = 1. L’Hamiltonien H est résolu sur une base de combinaisons linéaires adaptées à la symétrie du problème composées des orbitales moléculaires ψi . On considère ici une lacune neutre. On doit considérer 2 cas : (i) la lacune d’anion (A) avec deux électrons localisés sur les orbitales sp3 des cations et (ii) la lacune de cation (B) avec deux trous localisés sur les orbitales sp3 des anions. La lacune d’anion peut donc ˆetre considérée comme une impureté de type donneur impliquant un dopage de type n et la lacune de cation comme une impureté de type accepteur induisant un dopage de type p : (i) A2− → V2− → V0 + 2e − (ii) B2+ → V2+ → V0 + 2h +
Hamiltonien monoélectronique
L’Hamiltonien monoélectronique permet de décrire l’état fondamental de deux particules sans interaction. Cet Hamiltonien est projeté sur une base composée de combinaisons linéaires des ψi (i=1,2,3,4) adaptées à la symétrie du problème obtenues par la théorie des groupes [101, 102]. Pour cela on détermine l’image de chaque fonction d’onde par les différentes opérations de symétrie du tétraèdre. Cela est donné par la table de caractère du groupe tétraédrique Td (tableau 6.4). On obtient ainsi un espace vectoriel dont la dimension correspond à la dimension de la représentation. Avec notre base d’origine, seules restent les représentations A1 et T2 dont les fonctions propres sont données à l’équation 6.4